Algérie

Lady Olga Maitland, présidente du Forum mondial «Défense et sécurité» au quotidien d'oran «Il est plus dangereux d'aller dans le métro de Londres que de se balader à la Casbah»




Rencontrée juste après son entrevue avec le Président de la République Abdelaziz Bouteflika lundi dernier, Lady Olga Maitland, présidente du Forum mondial «Défense et sécurité», un forum qui est en fait un centre de réflexion sur les questions de sécurité internationale, revient sur les relations entre nos deux pays, d'autant plus qu'elle est également présidente du Conseil d'affaires algéro-britannique créé le 2 mars 2005 à Alger. Le Quotidien d'Oran.: La question classique: peut-on connaître l'objet de votre visite en Algérie ? Olga Maitland: D'abord, j'aimerais dire que c'est pour moi un grand privilège de rencontrer le Président de la République aujourd'hui (lundi, NDLR), d'autant plus que cette visite avait un objectif assez global et assez général.  Cette visite fait suite surtout aux attaques du 11 avril à Alger. J'étais très choquée par les attentats et j'ai moi-même envoyé un message de soutien à Monsieur le Président de la République, en ma qualité, bien sûr, de présidente du Conseil d'affaires algéro-britannique et présidente du forum «Défense et sécurité». Et en même temps, j'aimerais dire que ma présence aujourd'hui est un soutien envers l'Algérie suite à ces attaques qui m'ont profondément choquée.  Je voulais également rassurer par ma visite la communauté d'affaires, notamment britannique et internationale de manière générale, qu'il n'est pas si dangereux de faire des affaires en Algérie. A titre d'exemple, j'aimerais dire qu'il est beaucoup plus dangereux d'aller dans le métro de Londres que d'aller se balader à la Casbah d'Alger. J'aimerais aussi soulever que suite aux attaques terroristes, j'ai dit au Président Bouteflika que j'étais prête à venir tout de suite en Algérie pour apporter mon soutien réel et démontrer à la communauté internationale qu'il n'y a aucun danger.  Je suis venue ici avec en fait trois casquettes et ces trois casquettes sont liées les unes aux autres. La première, c'est d'abord en ma qualité de présidente du Conseil d'affaires algéro- britannique. Deuxièmement, en tant que présidente du forum «Défense et sécurité», qui est un centre de réflexion sur les questions de sécurité et de défense mondiale. Et la troisième, qui est importante, c'est en ma qualité de directrice générale d'une organisation non gouvernementale (ONG) chargée du réseau des institutions de transfert d'argent, à savoir toutes les organisations qui sont liées au transfert d'argent, les institutions financières, les banques, etc. Et là, il y a une organisation non gouvernementale que j'ai initiée moi-même et qui est chargée de mettre en réseau ces organisations financières chargées du transfert d'argent. Q.O.: Est-ce que cela pourrait entrer dans le cadre des réformes financières engagées par notre pays ? O. M.: Comme les réformes bancaires sont concernées par le blanchiment d'argent, cette organisation que je dirige est chargée de suivre la traçabilité de l'argent qui est en mouvement dans le monde.  Dans ce contexte, cette organisation peut apporter un soutien à ce type de réforme. Les réformes financières nécessitent un petit peu la connaissance des mouvements et des transferts de l'argent.  Cette ONG que j'ai créée a pour objectif et finalité de mettre en place une banque de données liée à «qui est qui» en terme de transfert d'argent. J'aimerais soulever qu'il existe dans le monde un «trillion» de dollars par an qui est transféré d'un point A à un point B. Un trillion de dollars, c'est énorme. Et sur ce trillion de dollars, la moitié est transférée de manière illégale et informelle et échappe totalement au contrôle. Q.O.: Vous avez été reçue par le chef de l'Etat. Peut-on savoir de quoi vous avez parlé ? O.M.: Avec le Président de la République, j'ai soulevé quelques questions liées surtout aux entreprises que j'ai poussées à venir en Algérie. Je commence d'abord par «Nuthemberia University», qui permet aux Algériens de venir en Grande-Bretagne pour apprendre la langue anglaise professionnelle. Le Président Bouteflika est très attaché à cette question-là, à savoir la formation des cadres algériens dans la langue anglaise qualifiante. Ensuite, nous avons parlé de British Telecom qui est en train de s'investir progressivement en Algérie depuis quelques mois sur les questions des nouvelles technologies. Le Président a aussi montré son intérêt particulier pour les nouvelles technologies.  La troisième question que j'ai soulevée avec lui, c'est la question de sécurité d'une manière générale. J'ai eu le sentiment et une forte impression que la préoccupation du Président est de maintenir la stabilité dans ce pays. Le forum «Défense et sécurité» que je dirige est apte à apporter son concours en termes d'assistance sur le plan stratégique, la réflexion sur les questions de sécurité qui touchent aujourd'hui non seulement l'Algérie mais également beaucoup de pays. C'est cela un petit peu que nous allons développer plus tard par le forum en matière de conseils stratégiques. Q.O.: Conseils stratégiques, vous pensez à la lutte antiterroriste, l'immigration clandestine... ? O.M.: Je pense à toutes les formes de criminalité qui sont en général un facteur de déstabilisation.  La criminalité est liée au blanchiment d'argent, au terrorisme et est liée à toutes les formes de criminalité technologique, notamment la cybercriminalité. Q.O.:Les relations économiques entre la Grande-Bretagne et l'Algérie n'ont pas encore décollé. Qu'est-ce qui freine cela, à votre avis ? O.M.: Le facteur essentiel qui a un petit peu freiné le développement des relations économiques et commerciales des deux pays, c'est surtout la perception négative de la communauté d'affaires britannique, qui est en fait une perception incorrecte de l'image de l'Algérie. Cette communauté disait toujours que l'Algérie est un pays très difficile, très compliqué, mais aussi qu'il est très instable. C'est une perception négative et qui est, à mon sens, aujourd'hui fausse.  C'est là justement qu'intervient mon rôle qui consiste à corriger cette image. Depuis deux années au moins, force est de constater qu'il existe un intérêt chez un certain nombre d'entreprises britanniques dans le domaine commercial par exemple. Mais ce qui m'intéresse moi, ce n'est pas tant la partie commerciale et vente, mais c'est de ramener des entreprises importantes pour s'investir en Algérie. Q.O.: Des exemples concrets ? O. M.: Je vous cite par exemple l'alliance stratégique entre British Telecom et Algérie Télécom, qui vont travailler ensemble pour essayer de transférer le savoir-faire et la technologie, mais aussi l'expertise et créer une force assez forte pour pouvoir exporter ensemble la technologie à partir de l'Algérie. British Telecom considère que l'Algérie peut être un «Hub technologique» dans la région.  Ce sur quoi j'ai insisté également avec le Président de la République, c'est d'expliquer que le processus de décision sur le plan économique, commercial et sur le plan des affaires est très long.  Par exemple, une entreprise britannique s'engage avec un partenaire potentiel algérien. Mais quand c'est trop long, à un moment donné, cette entreprise ne peut pas rester éternellement à discuter et va dans un autre pays, par exemple la Libye, le Maroc ou le Kenya. Q.O.: Où réside à votre avis le problème ? O.M.: C'est la bureaucratie ! Les décisions centralisées, trop de bureaucratie et le manque de réactivité qui paralyse les affaires. Il n'existe que les grandes compagnies qui peuvent attendre et quand même patienter. Le reste ne peut pas indéfiniment attendre. J'ai expliqué à Monsieur le Président de la République que les hommes d'affaires ont besoin de réponses immédiates et de réactivité immédiate. Les hommes d'affaires ne font pas de politique et donc ne peuvent pas attendre éternellement. Quant on voit par exemple le dossier de «Nuthemberia University», ça fait 15 mois que cela dure. Cela fait un an que British Telecom attend. Ces cas sont assez fréquents en Algérie. Les Algériens doivent prendre des décisions assez rapidement et doivent se mettre dans le circuit. J'ai abordé aussi avec le Président le prochain départ de M, Tony Blair, dans un mois, et son futur remplaçant qui sera certainement M. Golden Brown. J'ai dit au Chef de l'Etat que la succession de Tony Blair ne va pas affecter les relations entre nos deux pays qui sont en train de se construire et de se consolider. Par contre, M. Golden Brown aura des défis majeurs à relever. L'un des défis les plus importants étant les relations avec l'Iran et la question du nucléaire. A mon avis, l'Algérie est un pays important vu sa relation avec la République islamique d'Iran et sa place dans le monde arabe. Je pense que Golden Brown est conscient de cela et pourrait demander à l'Algérie de servir de «pont» entre la Grande-Bretagne et l'Iran. Q.O.: Qu'est-ce qui a changé, à votre avis, depuis la visite du Président Bouteflika dans votre pays ? O.M.: Bien sûr, depuis sa visite, les relations entre nos deux pays se sont renforcées et deviennent de plus en plus proches qu'elles ne l'étaient auparavant. Il n'y a pas de doute que ces relations vont continuer à se développer et cette visite à Londres l'année dernière est, à mes yeux, un succès. Depuis la visite, des entreprises sont venues en Algérie, notamment British Telecom, qui est un grand modèle en Angleterre et qui est en train de faire du «forcing» pour s'installer.  Il y a aussi l'échange d'informations sur le plan sécuritaire qui est en train de se développer. Il y a à ce sujet une coopération assez étroite entre les services de renseignements des deux pays et qui s'est renforcée davantage depuis la visite du Président de la République. Q.O.: Quelle sera, à votre avis, la politique d'immigration du prochain gouvernement britannique ? Le nouveau gouvernement va-t-il par exemple suivre l'exemple de Nicolas Sarkozy qui prône une politique «d'immigration choisie» ? O.M.: L'immigration est une question très importante dans toute l'Europe. Aujourd'hui, il y a un grand débat en Grande-Bretagne pour voir un petit peu comment gérer cette immigration. Quant à l'immigration illégale, c'est clair, c'est le sujet qui est devenu un grand poids pour le système britannique et européen d'une manière générale. Pourquoi, parce que ces immigrants illégaux, ils sont là, existent et ils peuvent tomber malades et avoir des besoins. Bien sûr, dans ce débat, la Grande-Bretagne ne peut pas se passer de la main-d'oeuvre étrangère. Mais pour le moment, cela reste un débat et rien n'a été tranché pour gérer cette immigration. Q.O.: Avez-vous quelque chose à ajouter ? O.M.: Ce que je voudrais ajouter, c'est l'impression que j'ai eu en m'entretenant avec le Président de la République durant plus d'une heure. Quand j'ai rencontré le Chef de l'Etat l'année dernière à Londres, j'avais nettement l'impression qu'il était fatigué. Mais aujourd'hui, je peux vous affirmer que j'ai vu quelqu'un qui est en forme, déterminé et surtout passionné à assurer un pays stable et sécurisé. Je pense que cela aura un effet sur tout le reste.  Le deuxième élément, j'ai senti qu'il était passionné par trois facteurs qu'il voudrait voir se développer au niveau de la société algérienne. Il s'agit, bien sûr, de la sécurité du pays, l'éducation et la formation et l'accès à la technologie. J'ai senti qu'il était déterminé par rapport à ces questions. Le Président de la République veut le meilleur pour son peuple et est passionné par cette ouverture du marché algérien au monde extérieur. J'ai senti cette volonté, cette détermination et ce souhait au plus profond de lui-même que le climat d'affaires se développe bien en Algérie. Mais le pays ne peut pas aller plus vite que ça.


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