Algérie

«La volonté politique, seule, ne suffit pas»



Rentré à peine depuis trois jours du festival du cinéma du Caire, le réalisateur du film «Héliopolis» n'a pas hésité une seconde à venir à Saïda dans le cadre du festival de la littérature et du film féminins pour animer une master class en direction des jeunes de la région.En effet, Djaâfar Gacem dira d'emblée qu'il est venu pour pouvoir partager son expérience en vue d'établir au futur des projets ensemble et revenir une nouvelle fois pour animer des ateliers...Abordant le parcours de son premier long métrage, «Héliopolis», Djaâfar Gacem indiquera que ce dernier a mis plusieurs années pour voir le jour: Trois ans d'écriture, un an de préparation, plusieurs années de tournage dans différentes régions du pays, des mois de montage pour enfin voir le jour et sortir sur nos grands écrans en mai 2020. «J'ai voulu être différent en y apportant un autre point de vue sur le cinéma historique, en y impulsant mon imaginaire, de la fiction.»Si le film n'a pas reçu de prix au Caire, néanmoins, Djaâfar Gacem s'est félicité de l'accueil chaleureux et l'écho positif dont il a fait preuve, auprès des médias et des distributeurs étrangers, que ce soit en Orient ou en Europe. Bien qu'il soit présélectionné aux oscars, l'invité de Saïda dira qu'il n'a pas de soutien suffisant...Il a besoin d'une vraie équipe qui puisse le promouvoir...À propos de la femme dans ses productions, Djaâfar Gacem estimera que la femme joue un rôle important chez lui, que ce soit au sein de son équipe technique ou artistique.
Evoquant la dernière saison de «Achour El Acher», il fera remarquer que c'était la plus difficile de sa carrière, car elle a été tournée à cent pour cent en Algérie et non pas en Tunisie comme ce fut le cas avant.. «On a voulu relever le défi. Nous avons tourné à El Achour au niveau du Cadc, dans un décor complètement construit par des centaines d'artisans et designers algériens».
À propos du départ de Salah Ougrout, Djaâfar Gacem dira que bien qu'il s'entendait très bien avec ce dernier, «on n'est pas arrivé à se mettre d'accord au niveau du scenario. Je me devais de trouver un remplaçant car la machine était déjà lancée et j'ai promis au public de revenir. J'ai dù faire des recherches pour connaître comment remplacer un acteur quand il campe le rôle principal.
Des obstacles à franchir
Au départ Hakim Zeloum devait incarner la personnalité telle quelle de Achour El Acher, après, j'ai voulu qu'il y apporte sa propre touche car c'est un comédien professionnel. Je ne voulais pas qu'il se contente d' imiter le précédent...Je lui ai demandé de jouer comme il voulait, lui. Puis il s'est lancé et lâché. Il a été soutenu par toute l'équipe et aidé par les autres comédiens. C'est ainsi qu'au fur et à mesure, la série est devenue mi- humoristique mi-dramatique avec des épisodes qui s'enchainent et se suivent.» Se félicitant de voir le long métrage «Jusqu'à la fin des temps» de Yasmine Chouikh, atterrir sur la plateforme Netflix, il dira qu'un film doit passer par des étapes, à savoir sortir en salles, en dvd puis éventuellement sur les plateformes numériques.
«Le cinéma algérien, malgré sa rareté, commence à s'introduire sur les plateformes. C'est un point positif pour lui.».
L'impératif de construire des studios de cinéma
Evoquant l'état du cinéma algérien et ses maigres productions, Djaâfar Gacem qui essayera de relativiser, dira que «la volonté politique, si elle existe puisque le président de la République parle d'encourager le cinéma, ne suffit pas, car il y a comme une fracture au milieu de la chaîne. Il faut que le reste suive, notamment au niveau du ministère de la Culture, des directions des wilayas, des centres culturels, des efforts doivent être fournis de partout...
Toutefois, il ne faut pas se décourager...Personne ne m'a tendu la main quand j'ai voulu faire des films, il faut croire en soi et en son talent. C'est important de le dire et le souligner à l'adresse des jeunes qui veulent se lancer dans ce métier qui ne nourrit pas son homme en Algérie. J'ai travaillé avec des jeunes issus des différentes régions du pays. Jai constaté leur dynamisme et leur désir de faire des métiers artistiques. Il faut persévérer et ne pas lâcher. Mais il faut prendre conscience qu'il y aura des obstacles qu' il faudra franchir et dépasser pour pouvoir réussir et avancer. Je suis là, justement pour établir des liens, animer des master class....Il faut d'abord croire en soi...» et de rajouter: «Au cinéma, la base c'est l'écriture, le plan de travail, la séquence...apporter son propre regard.L'humour a été très important dans l'histoire de l'Algérie post- indépendance... Son écriture scénaristique passe par les mises en place des situations...» Et de rajouter: «Je n'ai jamais été visionnaire ou futuriste comme certains le disent.
L'histoire se répète et je m'en inspire.. Je vis au coeur de la société et je me dois d'évoluer avec, y compris, dans mes histoires...
Le cinéma c'est d'abord de la fiction.» Déplorant le fait que l'Algérie ne possède pas de studios de tournage cinématographique, Djaâfar Gacem dira que c'est bien d'avoir des décors naturels pour y tourner, mais cela impose aussi des contraintes et parfois ce n'est pas évident de pouvoir tourner certaines séquences, c'est pourquoi Alexandre Arcady a préféré aller en Tunisie tourner «Ce que le jour doit à la nuit» de Yasmina Khadra. Il faut qu'il y ait non seulement une volonté politique, mais aussi les structures culturelles que les investisseurs privés et les hommes d'affaires suivent aussi. Il faut trouver les mécanismes pour mettre tout cela en place de façon effective sur le terrain».
Djaâfar Gacem soulignera en outre l'importance de la formation, que ce soit au niveau de l'écriture ou sur le plan technique arguant que c'est une honte de ramener des techniciens tunisiens pour pouvoir tourner en Algérie en délaissant les compétences locales, voila pourquoi, a t-il fait savoir,«je forme parfois des jeunes avant de commencer à tourner... Mais cela ne suffit pas. Les artistes sont des laissés- pour-compte en Algérie...Il faut des formations pour chaque métier...». Revenant au feuilleton «Achour El Acher», Djaâfar Gacem dira qu'il n'a aucun projet cette année pour le mois de Ramadhan. On ne tourne pas deux mois avant le Ramadhan, mais un an avant. Ce n'est pas possible. J'aimerai qu'il y ait de nombreuses productions ramadhanesques, mais pas seulement et surtout durant toute l'année.»
Réitérant son désir de revenir à Saïda pour animer des ateliers, Djaâfar Gacem indiquera que toute sa vie a été un combat.
L'intérêt de la coproduction et de la promotion
«La vie est faite d'obstacles. Mais il faut savoir avancer. Il faut savoir briser les obstacles bien que ce n'est pas facile.
En Algérie, il faut établir l'exception culturelle. Pourquoi aujourd'hui la Turquie devient une destination touristique par excellence' Eh bien, c'est grâce à ses feuilletons. Il ne faut pas attendre les événements pour pouvoir produire. Aussi, la coproduction est très importante car elle permet, non seulement de financer ton film, mais à lui donner plus de visibilité à l'étranger en le diffusant là-bas.. Il faut produire à l'année.
La volonté politique doit être tangible. Hélas!
En Algérie, nous n'avons pas éduqué les jeunes à la culture, à aimer l'art. Il faut aussi introduire l'art et le cinéma dans les écoles car parmi eux ils en sortiront des futurs artistes et peut-être des bons réalisateurs...», a-t-il conclu.


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