Algérie

La voix contraire du Nord



«Je suis très sceptique, je le dis sans fard». La chancelière allemande Angela Merkel a dit, avant de rencontrer Nicolas Sarkozy, tout haut ce que de très nombreux pays européens ne pensaient qu'à demi-mot du projet d'Union méditerranéenne défendu par le chef de l'Etat français. Ce qu'elle en pense ? En termes simples, c'est un projet qui fait double emploi avec les cadres déjà existants, qui va diviser l'Europe et en désintégrer le noyau. Ce qu'elle ne veut pas, c'est que les moyens de l'Union européenne servent à un projet qui n'intéresserait que l'Europe méditerranéenne. On se demandait ingénument dans ces colonnes où se trouvait le nord de la méditerranée: Mme Merkel nous en donne une réponse assez précise. Elle n'est pas réductible à ce projet d'union qui concerne les pays riverains de la Méditerranée, tandis que les Etats du Nord, membres de l'UE, y participeraient en «observateurs» ou en «associés». Après les discussions entre Mme Merkel et M. Sarkozy, on s'est évertué à arrondir les angles: le président français se félicitant que l'Allemagne souhaite participer au projet, et la chancelière allemande signifiant que l'absence d'une côte sur la Méditerranée ne signifie pas qu'elle s'en désintéresse. Où trouver le fin mot de l'histoire ? Sans doute chez le porte-parole de Mme Merkel qui fait très simple: il n'y aura pas une «Union de la Méditerranée», comme le proposait le président français, mais un développement des consultations entre l'Union européenne et la région. En clair, on reste dans le Processus de Barcelone à qui l'on va essayer de redonner de la vie, et pas question de rajouter un nouveau cadre. Après cette voix contrariante du nord de l'Europe, on se demande comment le président français va pouvoir continuer à parler d'une Union méditerranéenne. La chancelière allemande exprime fort bien le scepticisme, voire l'hostilité de la plus grande partie de l'Europe. Le président du Parlement européen, par exemple, avait, dans un langage diplomatique, estimé que le projet manquait de «maturité». Le projet était d'emblée quelque peu bancal. S'il pouvait emballer les pays de l'Europe du Sud - encore que l'Espagne, pays riverain de la Méditerranée, a semblé plus réservée ces derniers temps -, ce n'est pas le cas pour les autres pays. La France, de leur point de vue, tente de leur forcer la main en défendant, sans consultation préalable, un nouveau projet engageant l'Europe. La chancelière allemande fait dans la prospective réaliste en anticipant les risques que comporte la mise en place d'une nouvelle union qui n'aurait pas l'assentiment de l'ensemble européen. Même si elle a semblé moins cassante lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre, il s'agit d'une fin de non-recevoir. Si, en effet, «toute l'Europe» élabore en commun sa politique à l'égard des pays de la rive sud, il est clair qu'elle ne voudra pas d'un nouveau cadre. L'Union méditerranéenne est peut-être finie avant de naître. Le Processus de Barcelone, qui n'en finit pas d'agoniser, recevra, peut-être, une petite médication dopante. En attendant que le Maghreb se souvienne qu'il existe...


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