? Une répression violente s'est abattue sur la marche des étudiants ce mardi. Plusieurs manifestants ont été interpellés. Ces derniers jours, des militants engagés dans le hirak ont subi le même sort, et certains ont été placés en détention. Quelle lecture faites-vous de ces derniers développements 'Le pouvoir est hostile au mouvement, seulement la voie pacifique lui a fait perdre tous ses moyens. Désarmé, le pouvoir pataugeait et se contredisait, d'autant que sa cohésion interne a été sérieusement ébranlé par la forte secousse du 22 février dernier.
La répression a été sa réponse à l'occasion de chaque date d'élection. Mais à chaque épreuve, le peuple finit par l'emporter.
Pour réussir son coup de force et faire passer l'élection présidentielle du 12 décembre, le pouvoir, à sa tête l'état-major de l'armée, veut organiser une élection alibi à huis clos. Il veut un Président à présenter à l'international, apparemment sans se soucier trop de la question de la légitimité populaire.
Sa stratégie se décline en fait à deux niveaux : 1- reprendre le contrôle d'Alger la capitale, du fait qu'elle est la vitrine internationale et avec cette force d'entraînement national, un véritable enjeu pour le pouvoir, il y a une volonté manifeste d'empêcher les marches d'Alger, que ce soient celles des étudiants le mardi ou celles du vendredi.
La tendance à la répression se précise de jour en jour. 2- Faire taire toutes les voix discordantes, au niveau médiatique et politique en instrumentalisant encore de manière ostentatoire la justice.
? Des militants en vue, comme ceux du RAJ, ont été arrêtés et poursuivis pour les chefs d'inculpation liés à l'«atteinte à la sécurité nationale» et «attroupement illégal»? Quel est l'objectif derrière ces arrestations ciblées '
Après avoir échoué dans sa man?uvre de division qui a visé les porteurs du drapeau amazigh, le pouvoir échafaude un autre plan : il lance une campagne d'arrestations ciblées, visant cette fois les organisations et les militants les plus en vue et qui refusent de cautionner sa feuille de route.
La répression a ciblé des militants du RAJ, du RCD, MDS, LADDH, de Rachad, ex-FIS parti dissous, elle s'étend aux étudiants, journalistes, avocats les plus engagés. Et depuis une semaine aux leaders dans les wilayas les plus importantes du pays : Oran, Constantine, la Kabylie, le Sud?
Encore une fois, le pouvoir se trompe de cible et d'analyse : il pense qu'en arrêtant ou intimidant les militant-e-s, le mouvement va s'arrêter et s'affaiblir, il oublie que le 22 février, le peuple est sorti dans la rue sans tutelle aucune, ni des partis, ni des militants. Ces arrestations font rappeler le sentiment d'injustice et de hogra qui a fait sortir le peuple dans la rue le 22 février ; ces pratiques isolent le pouvoir de plus en plus.
? Les autorités maintiennent leur calendrier électoral, avec la perspective de l'élection fixée à la même date, le 12 décembre. Pourquoi cet entêtement à vouloir aller vers ce scrutin, alors que la population et une partie de la classe politique manifestent leur rejet de cette échéance '
Face à la répression, le mouvement est resté inébranlable dans sa détermination, constant dans ses revendications, rien n'a pu le dévier de sa trajectoire, toujours pacifique, unitaire.
Cela agace bien évidemment le pouvoir, les signes de panique sont visibles. Incohérent dans sa démarche, le pouvoir multiplie les bourdes et crée de plus en plus de résistance et de la défiance autour de lui et dans la société, il s'isole davantage.
? Des forces politiques et des organisations de la société civile maintiennent leur refus du scrutin que veulent imposer les autorités. Comment s'organisent-elles '
Ces élections sont dangereuses pour le pays, sa cohésion et sa stabilité. Au fur et à mesure que nous avançons vers la date fatidique, les tensions montent et les inquiétudes aussi, c'est pour cela que nous avons plaidé à la LADDH pour leur annulation et l'ouverture en urgence d'une négociation directe entre l'armée, détentrice du pouvoir réel, et l'opposition.
La société civile a été derrière plusieurs initiatives et propositions depuis le début du mouvement, elle n'a ménagé aucun effort pour rassembler les acteurs de la société, alerter sur les enjeux et risques et appeler à une solution négociée et apaisée avec le pouvoir.
C'est le pouvoir qui fuit à chaque fois le dialogue sincère et sérieux. Nous avons travaillé sur le projet de la conférence du consensus national, qui devra réunir l'ensemble des acteurs de la société civile et la classe politique, autour d'une feuille de route de compromis à négocier avec le système, nous sommes convaincus que c'est le chemin le plus sûr pour le pays.
La société civile, après avoir réussi sa conférence historique du 15 juin, a pu organiser une première rencontre de concertation le 24 août, qui a réuni un grand nombre d'acteurs de la classe politique des deux pôles et des personnalités nationales.
C'était un bon début pour esquisser la solution. Le pouvoir, à travers ses relais, au lieu d'être à l'écoute de cette initiative, non seulement, il lui a tourné le dos, il a tout fait pour la faire éclater.
Convaincus que les élections du 12 décembre ne peuvent être la solution, car elles ne peuvent avoir lieu dans ce climat de contrainte et de répression, notre projet de conférence nationale du consensus est toujours d'actualité. Nous allons reprendre les concertations avec nos partenaires en vue d'une proposition à même de donner un nouveau cap politique au mouvement populaire qui triomphera, j'en suis convaincu.
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Posté Le : 10/10/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Iddir Nadir
Source : www.elwatan.com