Algérie

La voie difficile de la transition



La voie difficile de la transition
L'opposition algérienne, qui doute des capacités du président Bouteflika à pouvoir exercer pleinement ses fonctions, est en droit de poser le problème de la transition et de craindre la perpétuation du système de gestion du pays à travers des partis à la solde de clans, lesquels dans leur désarroi, devenant de plus en plus maladroits, ont fini par verser dans le ridicule en exposant publiquement les images d'un président affaibli par une maladie qui semble empirer, et par humilier tout un peuple devenu désormais la risée du monde entier.On est loin de cette Algérie d'avant-garde crainte et courtisée sur le plan international et servant d'exemple et d'asile aux mouvements de libération grâce à son capital révolutionnaire qu'ont su judicieusement exploiter des diplomates élevés dans le giron de la Révolution, tout en bénéficiant, toutefois, d'un contexte international favorable et du support d'un président putschiste mais authentiquement nationaliste. Pour rappel, le président actuel a été sélectionné par le pouvoir informel de l'époque pour ses aptitudes à jouer les rôles de l'apparence et de l'esbroufe et non pas pour ses capacités de gestion ; aussi, il serait injuste de le rendre complètement responsable pour ce qui nous arrive.Ainsi, une fois «élu» et grâce à l'ascension fulgurante des prix des hydrocarbures qui lui donna des ailes, il se mit à surfer sur toutes les affaires sans jamais aborder une seule sereinement, mais ce qui est certain, c'est que c'est sous son chapeau que la grande corruption a connu ses fabuleux moments et que le fonctionnement de l'Etat fut pris en charge par des cercles de décision occultes. Des miettes furent distribuées à une population prise au piège de la prédation et du social, l'Algérie est devenue alors un grand festin pour tous les râteliers et un espace où l'irrégularité et le passe-droit font loi.Tout en louant leur effort courageux et pour beaucoup sincère, les opposants actuels, qui cherchent à trouver une issue à l'impasse dans laquelle se trouve le pays en voulant s'entendre sur une forme d'organisation d'une transition par un transfert pacifique du pouvoir vers des instances démocratiquement élues, doivent au préalable s'accorder sur les grandes lignes qui préfigureraient le modèle de société à proposer aux électeurs et qu'il y a lieu de consigner dans une sorte de déclaration solennelle ou plateforme. Ce n'est qu'une fois ce consensus obtenu autour de ces grandes lignes que l'on pourra passer à l'étape suivante, laquelle consisterait à proposer aux tenants du pouvoir une forme de transition en s'assurant toutefois du support de l'Armée nationale afin de garantir la sécurité de la Nation durant cette période à hauts risques. Et si cette approche venait à aboutir, ce serait le triomphe de la voie de la raison et le début de l'exercice d'une citoyenneté responsable. Mais ce consensus qui constitue un préalable devrait se prémunir contre toutes les alternatives qui risqueraient de conduire le pays à l'aventure telle que celle vécue par le passé, à savoir l'instauration du pouvoir personnel, ou de l'islamisme politique ou de l'Etat providentiel, ou encore ces trois réunis comme c'est le cas actuellement. Pour ce faire, les partisans de cette voie pacifique, et ô combien prometteuse se doivent d'annoncer clairement leur vision concernant les graves problèmes d'actualité.En effet, dans le domaine économique, ils doivent montrer leur détermination à combattre les grands fléaux de l'économie et les travers de la société par le rétablissement de la vérité des prix pour un alignement progressif sur les prix de nos voisins et donner ainsi une valeur réelle à notre monnaie ; par l'éradication de l'économie parallèle qui paralyse l'émergence du développement en général avec comme corollaire l'instauration obligatoire de moyens de paiement «traçables» ; par la lutte implacable contre les constructions illicites et les spéculations sur le foncier de l'Etat, la fraude fiscale et l'importation frauduleuse, et cela pour ne citer que les urgences. Sur le plan institutionnel, il y a lieu d'affirmer solennellement l'indépendance de la justice et des institutions de contrôle au-dessus de tous les pouvoirs et permettre leur saisine par un quota citoyen, tout cela dans le cadre d'une configuration qui assurerait un équilibre institutionnel harmonieux tout en prévoyant l'abolition de tous les privilèges liés à l'exercice d'une fonction publique ou élective, à l'instar de ce qui se passe dans le monde citoyen où l'on voit par exemple des ministres se rendre en vélo à leur bureau.Par ailleurs, il serait essentiel de signifier clairement aux partis politiques l'interdiction dans leurs programmes ou statuts de toute référence aux religions, aux langues ou aux ethnies, lesquelles, soit dit en passant, dénotent d'un niveau médiocre de culture politique qui ne peut servir que l'intelligence occidentale, laquelle cherche coûte que coûte à renforcer plutôt son unité dans plus d'Etats nationaux afin d'optimiser sa puissance économique et militaire, alors que les trois Etats maghrébins réunifiés avec leurs potentialités actuelles pourraient devenir une puissance du sud méditerranéen avec laquelle il faudrait compter.De n'importe quelle manière, ces sortes de références faussement identitaires n'apporteront rien à la consolidation nationale alors que nous vivons dans un monde contemporain où la seule manière de survivre est d'être un Etat puissant par sa cohésion nationale, sa force économique et militaire. Par dessus tout, le consensus des partenaires de la transition devra insister véhément sur l'attachement de l'Algérie aux droits universels de l'homme (être humain), à l'exercice des libertés publiques et individuelles, à la liberté de conscience et de toute forme d'expression ainsi qu'à la liberté de pratiquer ou d'adopter toute culture et art de son choix dans le respect des règles de cohabitation et du vivre-ensemble dans la paix, la sécurité et l'entraide sociale. Par contre, dans le cas où les supporters de la transition se limiteraient tout simplement à s'entendre sur une direction temporaire chargée seulement de préparer des élections libres, ce serait tout simplement retourner à la case départ mais dans un contexte plus grave car le terrorisme international islamiste est aujourd'hui carrément à nos portes.Ce serait faire preuve de vision courte, car la démocratie électorale dans les circonstances actuelles conduirait le pays au désastre. Il est vrai que pour l'opposition il est difficile d'agir dans des conditions idéales vu que le pouvoir dispose d'une administration et de partis politiques soumis à son service, ainsi qu'un syndicat maison et de nombreuses associations civiles truffées de taupes, mais il faudra malheureusement y faire avec, et consentir un sacrifice patriotique conséquent car il y va de l'avenir de nos enfants et des grands enfants de la génération de Novembre 54, et de celui de l'«idéal» pour lequel ont combattu et sont morts des générations passées pour que notre pays soit enfin libre et indépendant. Sinon, il vaudrait mieux cesser toutes ces agitations stériles qui ne pourraient que nuire au pays et laisser le soin à nos parrains de choisir eux-mêmes leur futur patron en souhaitant que leur choix permette, par chance, l'émergence d'un autre Zerroual avec autant de patriotisme, mais surtout avec plus d'envergure. Quoi qu'il en soit, les opposants actuels ne doivent surtout pas se hâter à enterrer Bouteflika sans avoir réglé au préalable la question de savoir que faire après, sachant que des habitudes sordides ont gangrené la société algérienne et que le prix du pétrole est prévu à 20 dollars le baril pour plusieurs années.Il faudra prendre calmement le temps de bien réfléchir aux lendemains en vue de faire face à ces grandes difficultés et prévoir les voies et moyens de leur résolution. Pour toutes ces raisons, les opposants doivent s'unir autour d'une démarche et sortir de leur prétoire afin d'associer de larges pans de la société en organisant des débats, en publiant des écrits mobilisateurs et en utilisant les moyens et applications numériques pour élargir le débat au niveau de l'opinion publique et ainsi éveiller la conscience citoyenne pour adhérer à leur démarche et les préparer à faire face d'une manière responsable aux durs changements dans leur vie quotidienne dans le but de s'assurer un meilleur avenir dans un Etat de droit civil. Par Khalfallah Abdelaziz : Cadre politique, ancien commandant de la Zone V, wilaya II


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