Algérie

La vision coloniale encore et toujours Vu à la télé : les autres articles



La vision coloniale encore et toujours                                    Vu à la télé : les autres articles
La vision coloniale de l'establishment et des médias français sur la guerre d'Algérie reste intacte, et même très vivace. Cinquante après l'indépendance de l'Algérie, elle n'a pas évolué. Le documentaire, La déchirure, diffusé dimanche dernier par France 2 nous le rappelle sans détours. Présenté comme un travail intellectuel pour restituer la vérité historique sur cette guerre, le film écrit conjointement par Benjamin Stora et Gabriel le Bomin et réalisé par ce dernier n'aura été qu'une piètre entreprise de propagande à la gloire de la colonie française. Il vient à propos soutenir la thèse selon laquelle la France n'a commis aucun crime en Algérie, mais simplement répondu à la violence et aux atrocités du FLN dont le seul tort a été de vouloir défendre sa patrie.
En pleine campagne présidentielle, la question algérienne fait partie de l'arsenal de propagande de Sarkozy pour séduire les excités de l'extrême droite. Il a répété son refus de repentance pour les crimes commis en Algérie par son pays. Il appelle cela patriotisme. L'Algérie, introduite subrepticement dans les débats électoralistes, cela renvoie à tous les prétextes pour stigmatiser l'immigration, maghrébine particulièrement, pour justifier l'islamophobie, et pour mieux faire passer la pilule de l'insécurité. Ce sont ces schémas qui conditionnent les esprits, et c'est dans cette optique malveillante et perfide que s'est inscrite malheureusement la soirée algérienne de France 2, une chaîne publique qui ne perd pas une occasion pour clamer son objectivité mais qui, pour la circonstance a outrepassé les limites de la déontologie en s'associant à une grossière 'uvre de manipulation.
Il n'y a pourtant qu'une seule façon de raconter la guerre d'Algérie, c'est celle qui consiste à dire qu'il y avait d'un côté une puissance coloniale qui refusait après centre trente deux ans de présence de quitter un pays qui ne lui appartenait pas, et de l'autre un peuple qui au comble de l'asservissement et de la misère s'est résolu à prendre les armes pour libérer sa patrie. La France coloniale avait son armée, ses paras, ses blindés, ses avions, son napalm, ses harkis. Le FLN avait sa foi, ses couffins, ses patriotes' Le combat était inégal, mais les révolutions finissent toujours par vaincre, au grand dam des va-t-en-guerre français qui après avoir subi l'humiliation militaire en Indochine ne surent jamais retenir la leçon. Les Algériens attendaient du documentaire l'émergence d'une vérité non voilée que les autorités françaises ont toujours refusé de voir et d'assumer.
Puisqu'il s'agissait d'un travail sur la mémoire, il était donc vital de ne pas trop s'appesantir sur le côté passionnel pour ouvrir la voie à cette vérité qui consiste à désigner la France comme coupable de crimes innommables et la violence du mouvement révolutionnaire algérien comme un acte légitime d'autodéfense pour retrouver la dignité et la liberté. Au lieu de cela, on a tout fait dans ce documentaire pour mettre dos à dos les deux forces en présence dans ce conflit qui a coûté, faut-il le rappeler à ceux qui ont tendance à l'oublier ou à l'occulter, un million et demis de martyrs à l'Algérie. L'amalgame de bas étage qui transparaissait au travers d'une image, d'une phrase ou d'une émotion était choquant et sournois à la fois. Et pour cause, dans ce film on évoquait plus les massacres des populations françaises innocentes attribués aux sanguinaires du FLN que les carnages à grande échelle, les viols, la torture, et les exactions en tous genres commis par les militaires français sur des populations autochtones déjà meurtries par les affres de la vie quotidienne.
Les plans étaient bien choisis : quand l'armée assassine à ciel ouvert, la séquence est furtive. Quand c'est le FLN qui frappe, on insiste sur la barbarie de ces Algériens qui ne respectent rien. C'est ce scénario répétitif qui a été étalé devant nos yeux pour essayer de nous convaincre que la guerre d'Algérie est une triste histoire dans laquelle la France et les Algériens ont chacun leurs parts de responsabilités dans les atrocités qui ont marqué son cheminement tragique. Même sélectionnées selon un parti pris qui ne trompe personne, les séquences de cette guerre, qui sont loin d'être inédites mais simplement retravaillées, parlaient pourtant plus qu'elles ne montraient. On y a vu les souffrances d'un peuple, sa détermination pour se libérer du joug colonial et défendre sa dignité, sa puissante mobilisation derrière le FLN qui a étonné le monde par son organisation et sa structuration. La lutte pour l'indépendance a été dure, mais jamais les Algériens n'ont baissé les bras en affrontant la troisième puissance mondiale de l'époque.
Autant sur le terrain de l'affrontement militaire que sur le plan de l'action politique et diplomatique, la révolution algérienne a été d'une efficacité qui mérite tous les honneurs parce qu'elle a servi d'exemple à tous les peuples opprimés. C'est cette vérité qui devait éclater et non pas les approximations hexagonales pour justifier l'injustifiable. Pour Pujadas, qui voulait se mettre en relief pour relancer l'idée de la réconciliation sur des cendres non éteintes, c'est raté. Comme c'est aussi raté pour les interlocuteurs du débat biaisé qui s'ensuivit, puisque c'est la même logique de la France qui n'a pas à rougir de sa guerre qui prédominait. On ne terminera pas sans une mention spéciale d'abord à Benjamin Stora, le spécialiste du mouvement insurrectionnel algérien qu'on retrouve sur tous les plateaux parisiens dès qu'il est question de parler de la guerre d'Algérie, qui n'a rien fait pour défendre objectivement la légitimité et la grandeur de la révolution algérienne. A Ali Haroun ensuite, seule voix algérienne dans le débat, qui n'a pas su trouver les mots forts pour rétablir la vérité avec un grand V. Dommage.


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