Algérie

La ville veut y mettre de l'ordre : La longue histoire d'Oran avec les «dos d'âne»



L'information avait de quoi faire sourire les plus endurcis des automobilistes oranais habitués aux « humeurs » des gestionnaires de leur ville. A la lecture de la nouvelle sur l'éradication des ralentisseurs et leur uniformisation par la suite, ils se sont rappelés au mauvais souvenir de leurs amortisseurs. En effet, Oran a une longue histoire avec ces fameux «dos d'âne», comme aiment les appeler «affectueusement» les automobilistes. Dans la tradition de la gestion urbaine des affaires de la ville, le ralentisseur traduit, le plus souvent, la réaction tardive des autorités après un ou plusieurs accidents mortels de la route touchant tel ou tel quartier. La pose des «dos d'âne» est devenue, au fil des faits divers, synonyme de révolte des riverains excédés par la mort d'un voisin fauché par un chauffard en mal de vitesse. Les derniers ralentisseurs, mis en place ces deux dernières années à travers les rues d'Oran, témoignent des drames survenus sur le bitume urbain. Ainsi, la série de ralentisseurs qui ont fleuri, tout au long de la rue Buyat à Victor Hugo (Tirigou), est née suite à la mort de deux écoliers et de leur tante après avoir été percutés par un bus. A Aïn El-Beïda, au niveau de l'hôpital militaire, aux Amandiers, en direction d'El-Hassi ou au rond-point d'El-Bahia qui a déjà endeuillé plusieurs familles quelques mois seulement après l'inauguration d'un ouvrage d'art, les ralentisseurs ont fait leur apparition sous la pression des habitants qui n'hésitent plus à occuper la voie publique pour attirer l'attention des responsables sur les dangers de la route. Aux lendemains de ces manifestations qui dégénèrent parfois, les services communaux de la voirie sont appelés en urgence pour poser les «dos d'âne» sans, généralement, respecter les normes en vigueur. Censé être une solution provisoire, le ralentisseur s'inscrit dans la durée et finit par épouser les contours du quartier. Des esquisses de ralentisseurs, des petits, des grands, de véritables « dos de chameau » embrassant la tôle du véhicule à chaque passage, signalé ou se manifestant au dernier moment en provoquant souvent des carambolages. Répondant aux normes ou tout simplement de véritables monticules barrant les rues, les «dos d'âne» ont fait une bonne fois pour toute l'unanimité contre eux. Les automobilistes n'hésitent pas à les pointer d'un doigt accusateur les rendant responsables des dégâts provoqués à la suspension de leurs véhicules. Sur la route de Kristel, ces excroissances ont commencé à disparaître sous les roues d'une pelleteuse ce qui a fait dire à Habib, accroché au volant de sa Mazda bâchée, qu'il était temps d'en finir avec ces « dos d'âne ». Son sentiment de soulagement est partagé par pratiquement tous les « 4 roues » qui, tout en reconnaissant le rôle de régulateur de vitesse de ces ralentisseurs, n'en demeurent pas moins consternés par leur nombre, leur emplacement dans l'espace et surtout par leur nature. « C'est du n'importe quoi, les rotules, les roulements et les amortisseurs, tout y passe », tempête Wahib, taxieur.

Si pour certains, il y a du bon à la disparition de ces pièges pour auto, pour d'autres le danger viendrait du non-respect de la limitation de la vitesse surtout à l'approche des établissements scolaires et à la traversée des quartiers. « Ce sont des tueurs en voiture », commente Ilhem, femme au foyer et mère de trois enfants en âge de scolarisation. « Je m'inquiète pour mes enfants après la disparition des « dos d'âne » devant le CEM d'Es-seddikia ». En effet, et avec un nouveau revêtement de la route, les automobilistes n'hésitent pas à piquer des pointes de vitesse devant le CEM « Rahal Abbès » et le plus grand danger signalé par les riverains est la proximité de nombreux arrêts de bus « B, 1, 31 ». D'autres s'interrogent encore sur les nouveaux ralentisseurs mis en service et qu'ils trouvent un peu « léger » devant la gourmandise des moteurs. « Il y a des pans entiers qui se détachent et les automobilistes ont tôt fait de les cibler et de les traverser à toute vitesse », fera remarquer Majid, vulcanisateur du côté de la « Pépinière ». Ne répondant pas aux normes, ces barrages de bitume, érigés à la hâte par la Ville et dans la précipitation nocturne par des riverains qui se substituent aux pouvoirs locaux, s'inscrivent dans le registre d'un éternel bricolage qui veut qu'on réagisse plus qu'on agisse. Futile mais ô combien significatif de la déliquescence d'un pouvoir local longtemps confiné au badigeonnage des trottoirs et au rapiècement des routes, les « dos d'âne », quelle que soit leur forme, ont certainement de l'avenir devant eux dans une ville de près d'un million d'habitants et qui compte moins de dix passerelles. Ainsi, avec les dernières réalisations de passerelles au niveau du troisième périphérique, sur l'axe cimetière Aïn El-Beïda - gare routière de Yaghmoracen, au rond-point d'El-Bahia et au secteur urbain d'Ibn Sina pour un montant global de plus de 1,5 milliard de cts et des passerelles en projet pour Dar El-Beïda et au niveau de l'hôtel Houna, Oran espère offrir une autre alternative à ses habitants et débarrasser ses rues de ces excroissances qui les défigurent.






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