Depuis quelques
années déjà, la circulation dans les agglomérations pose un énorme problème, notamment
avec l'explosion des ventes de voitures et l'entrée sur le marché algérien des
concessionnaires de presque toutes les marques étrangères y compris celles qui
nous ont été des inconnues dans un passé très récent.
Ce fléau, qui est
devenu un point noir, constitue aujourd'hui une véritable plaie, de plus
conjuguée au non-respect du code de la route provoquant un nombre sans cesse
croissant d'accidents. On grille un feu rouge comme on le fait pour une
cigarette. On tue un piéton comme on écrase une mouche. Les panneaux de
signalisation routière, quand ils existent, ne semblent être respectés qu'à la
vue des agents de la circulation stationnés aux carrefours. En dehors de leur
champ, c'est la jungle, c'est à celui qui impose son diktat aux autres.
Cette calamité ne doit aucunement être gérée
par la manière répressive mais avec intelligence et doigté comme il se fait
dans les pays dits développés. Chez nous, la loi est tantôt appliquée dans
toute sa rigueur, tantôt elle est carrément mise en veilleuse comme celle du
retrait du permis de conduire. Certes, ce texte a produit parfois des abus dans
son application mais on ne peut l'abroger ou le mettre entre parenthèses dans
le but de ne pas énerver davantage les automobilistes à cause du printemps
révolutionnaire arabe de ces derniers mois. Cette ambiguïté constitue également
une entrave aux droits des conducteurs respectueux des lois.
Logiquement, ce boom devrait être accompagné
sur le terrain par des études judicieuses de la circulation routière, contrairement
à la cacophonie qui règne particulièrement à l'intérieur de nos villes.
DES OVNI VENUS DE
NULLE PART !
Pour endiguer les
accidents de la circulation, chaque ville choisit ses méthodes comme elle
l'entend, comme bon lui semble, sur un coup de tête ou d'un coup de fil reçu de
quelque part. Ces dernières années, c'est la mode des «dos-d'âne» qui fait
fureur. Chaque contrée dispose de son modèle déposé. Tantôt c'est à coups de
goudron qu'ils sont réalisés en des temps record. Les dimensions de ces
ralentisseurs dépendent du maître d'Å“uvre local. A sa guise, il dépose la
largeur et la hauteur qu'il prescrit sans qu'aucunes normes ne soient adaptées.
Bonjour les dégâts !
C'est comme toutes les lois du pays qui ne
sont pas exécutées partout de la même manière. C'est au rythme de l'humeur du
chef de la ville et des évènements. C'est la manière express qui prend le
dessus sur la politique du long terme. Il suffit qu'une vague de protestations
surgisse de quelque part pour que ces dos-d'âne virent de nulle part, le jour-même de la grogne. Lorsque ce n'est pas le bitume, ce
sont des pierres qui sont posées au milieu de la chaussée pour obliger les
automobilistes à zigzaguer pour se frayer un sinueux chemin. De plus, les
indications annonçant ces bosses sont très rares, il faut les sentir avant de
croiser ces OVNI venus d'ailleurs.
DES DOS-D'ÂNE DE TOUTES
LES MATIÈRES
Parfois, ce sont
les habitants du coin qui les érigent en barricadant la route à doses de béton,
en forme de grosses cordes ou en creusant un long petit canal coupant en large
la chaussée. Ce sont les conséquences d'une absence de l'autorité publique que
des faits de ce genre fleurissent abusivement dans la cité. C'est le sens de la
«zriba» qui reprend très fortement ses droits. Que de
«zribate» ont été édifiées depuis la faillite des
autorités locales ! On grignote des mètres à chaque échéance électorale pour
enfin se l'approprier en propriété privée moyennant quelques avantages de plus.
Il n'y a pas si longtemps, certaines villes
ont installé des dos-d'âne dont le dessus est en matière plastique. L'amortissement
y est plus souple, plus mou, n'endommageant pas énergiquement vos amortisseurs.
Mais ils ne sont pas entretenus convenablement. Alors, on veut du solide, on
veut passer à l'action en implantant des bosses en vrais durs sur les rues. C'est
pourquoi, ces derniers temps, la dernière génération a fait son apparition dans
quelques quartiers de nos villes dont notre pays est devenu un vrai spécialiste
en expérimentant tous les prototypes. Tant qu'il y de l'argent à gogo à amasser,
peu importent le prix et l'utilité publique.
Tant pis pour l'esthétique et l'embouteillage.
Une rue est faite pour circuler et non pour slalomer, réglée par des
interdictions de panneaux de limitation de vitesses. Ce sont l'éducation et le
civisme qui font défaut à cause des politiques successives prônées.
OUILLE ! DES DOS-D'ÂNE
EN GROS CLOUS !
Une ville dont je
ne citerais pas le nom car ce n'est pas la cause de ce papier mais qu'elle est
juste l'idée de m'inspirer, qui sans doute n'est pas une exclusivité nationale,
devient, malgré elle, une attraction de ces derniers mois. Tant ses émules ont
élu domicile un peu partout d'est en ouest. La cité est devenue ces jours-ci
experte en la matière avec les dos-d'âne en clous. Oui en gros clous ! Qui vous
font vaciller à chaque fois que vous y passez dessus. Votre corps vibre de tous
les côtés en recevant la décharge provoquée par le passage obligatoire. Ils
sont en acier inoxydable lorsqu'on sait que ce matériau coûte une fortune à la
localité et aussi à l'importation des amortisseurs de véhicules.
Il y aurait, à coup sûr, de gros marchands
heureux qui vont nager et renifler dans l'oseille, à suffoquer dans les euros
et les dollars. Ceux qui commercent dans les deux différents types
d'amortisseurs mais dont le premier détruit le second. Un vrai sacrilège. Au
moins s'ils étaient fabriqués sur place, et même…
Comme les idées farfelues ne dépassent guère
la région sensible des poches. Donc, par miracle de cette nouvelle pourvoyeuse
de gros sous, on a décidé de clouter (ou clouer selon la définition) la ville
de fond en comble. On ne sait pas si une étude a été élaborée par un cabinet
émérite en la question pour savoir si toutes les tares allaient être effacées
par cette sensationnelle nouvelle découverte.
Les clous vont être semés dans toutes nos rues
principales, se dit hautement le maître de l'ouvrage qui se frotte
inlassablement les mains. Son compte en banque va être bien garni. Il va
grossir, enfler jusqu'à n'en plus pouvoir supporter. Peut-être qu'il existe une
anguille sous roche. Ou quelqu'un de bien placé qui aurait décidé d'être le
pourvoyeur exclusif de ces gros machins.
En plus de quadriller toute la ville, cette
ferraille va lapider une bonne partie du budget. On ne compte plus les sous ces
temps-ci avec la rente pétrolière qui inonde tout le marché de l'informel. On
arrose à coups de milliards, en dinars ou en forte monnaie. Personne ne se
soucie de l'avenir du bled lorsque les puits seront à sec dans un apocalyptique
jour très proche. On ne réfléchit plus. On ne pense qu'au présent. Peu importe
ce qu'il adviendrait demain. L'Algérien a perdu tous ses repères, il s'est
renversé la tête. C'est son ventre qui a remplacé sa cervelle. Ses intestins
ont détruit radicalement ses méninges.
N'existe-t-il que cette «géniale» solution ? Ailleurs,
on utilise les technologies modernes de surveillance des chauffards, ici, c'est
la manière radicale qui trône. Que ce soit en respect de la loi ou en politique.
Pauvre de nous qui sombrons dans l'incompétence et la décadence.
VOICI VENU
L'AVÈNEMENT DE MONSIEUR «PUNAISES» !
Après les
passages cloutés, maintenant c'est au tour des dos-d'âne cloutés ! Des clous à
têtes rondes et carrées. Si vous ne supportez pas le vibreur de la forme carrée,
la forme ronde vous recourbe les rognons. Pourtant dans les pays qui ont inventé
ces clous, des bandes peintes en blanc les ont depuis longtemps substitués. Ils
en ont besoin de cet acier pour fabriquer des voitures, des avions et des
trains. Pas pour clouer les bagnoles, barricader les routes et les maisons.
La vox-populi est impitoyable.
Elle est capable de vous coller un nom qui va vous suivre partout où vous allez
se nicher, où vous êtes mutés jusqu'à votre extinction. Dans la nouvelle ville,
vous êtes l'ex-Monsieur Y qui était nommé Monsieur Y dans la précédente. Elle a
inventé des surnoms à ces nouveaux entrepreneurs d'un genre new look qui
s'enrichissent à la célérité de la lumière. Plus c'est rapide et plus c'est
juteux.
Désormais, la rue les appelle tout bonnement
Monsieur «Punaises». Donc, Monsieur «Punaises» est le spécialiste en chef de
l'implantation des punaises. Il les enfonce bien dans la peau. C'est le roi de
la punaise qui va clouter tout le pays. Comptez-y une punaise au décimètre
carré, ça peut rapporter gros. Même les routes poussiéreuses et éventrées vont
être «punaisées». Ici, on ne soucie guère à recoller le travail bâclé par le
précédent confrère. Au contraire, on refait le match. Quoiqu'elles soient, en
elles-mêmes, des obstacles avec ses nids-de-poule à longueur d'années. Ce n'est
pas l'état des routes qui va bloquer la machine à punaises. Le verbe «punaiser»
vient de faire son entrée fracassante dans le nouveau jargon et dans le
vocabulaire révolutionné. Il va être conjugué à tous les temps. Aucune ruelle
ne va lui résister. On attend juste qu'un nouveau budget soit adopté par des
élus illégitimes et une société civile aux abois, figés et aux ordres, au doigt
et à l'Å“il du parrain, car mouillés eux-aussi
jusqu'aux dents. Chacun dispose de sa petite affaire occulte. La grosse punaise,
c'est l'invention de l'année qui va être surement
primée par une commission créée en la circonstance, qui va nous vanter les
mérites de ce «magique» brevet.
Avec l'entrée de l'été et la hausse des
températures, ces clous sont en train de fondre dans le goudron préchauffé naturellement
après quelques mois seulement de leur pose, au grand soulagement des
automobilistes et au grand dam du Trésor public. Les antécédentes malfaçons de
Monsieur «Bitume» vont agir impitoyablement contre l'effet des rivets de
Monsieur «Punaises». L'un gomme l'ouvrage de l'autre ! Mais qui est-ce qui va
encore une fois payer la note ? Il n'y a de doute là-dessus. Le perdant est
désigné à l'avance. Lorsqu'on dispose de gros et longs bras, on ne risque aucun
rappel à l'ordre par l'autorité qui est censée défendre avant tout l'intérêt
public. Comme dans ce pays, rares sont ceux qui rendent des comptes, on
disparaît richissimes dans la nature sans être aucunement inquiétés.
MESSIEURS «RONDS-POINTS»,
«JET D'EAU», «TRICINETY»,…
Les années
précédentes, ce sont les ronds-points qui faisaient la une dans la ville. Et
c'était Monsieur «Rond-point» qui faisait la pluie et le beau temps. Avant lui,
c'était au tour de Monsieur «Jets d'eau» ou Monsieur «Tricinety
(électricité)» qui régnait en patron et veillait sur l'avenir du trésor de la
ville. On ne connaît pas encore l'invention de demain. Sûrement des stratèges
ès dinars sont en train de mijoter d'autres idées extravagantes.
Quant aux fameux trottoirs, ils continuent
toujours de faire l'actualité. Leur effet ne s'éteindrait jamais. Est-ce que
quelqu'un peut trouver une ville dont les trottoirs n'ont pas été refaits plus
d'une seule fois en une décennie ? Ce jeu peut faire l'objet d'un concours à
l'échelle nationale, le pays le plus vaste d'Afrique, classé
à la 11ème position mondiale en termes de superficie. Imaginez l'argent
engrangé si on décide de «trottoiriser» ou «punaiser»
tout d'un coup, d'une idée d'un de ces extraordinaires génies, tout le pays
d'un carrelage et d'une punaise du même modèle. C'est de cette façon que
sortent de nos laboratoires spécialisés les concepts inimaginables dans un pays
de droit où c'est la transparence qui guide les marchés publics. Touche pas à
mon «projet» ! Le mot «projet», «projeyattes», au
pluriel selon le dictionnaire local, et qui fait sentir la corruption à
plusieurs kilomètres à la ronde.
POURQUOI TANT DE
MALHEURS ?
En attendant des
jours meilleurs, on continue de souffrir de ces fatalités qui nous sapent tous
les jours le moral sous nos yeux jusqu'à nous traiter d'un des peuples les plus
malheureux du monde, d'après une étude publiée dernièrement. En se basant sur
les indices que sont la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, les
droits de l'homme, la qualité de la vie, la formation, l'information, la
communication, la culture, la revue française Globeco
(http://www. globeco.fr/public/pdf/bonheur-mondial-2009-2010.pdf) classe notre
pays à la 46ème place sur une soixantaine de pays représentant 85% la
population mondiale et disposant de 90 % du PIB mondial.
Certes, on peut émettre des préjugés sur cette
étude mais il faut aussi souligner qu'il n'y a jamais de feu sans fumée. On ne
peut que se blâmer nous-mêmes qui sommes en train de gâcher nos ressources
humaines et toutes nos potentialités par une gestion et une gouvernance
contradictoire à un pays de la taille de l'Algérie.
Gardons peut-être l'espoir d'un renouveau qui
s'annonce avec les réformes tant espérées et attendues avec impatience, qui, dans
un passage, est annoncé clairement : «Dans le cadre d'une décentralisation plus
large et plus efficiente et pour que les citoyens soient mis à contribution
dans la prise des décisions qui concernent leur quotidien et leur environnement
économique, social et culturel, il importe d'accroître les prérogatives des
assemblées locales élues et de les doter des moyens humains et matériels
nécessaires à l'exercice de leurs prérogatives. Et c'est à cette même fin que
le code de wilaya sera révisé».
La question que se posent bon nombre
d'observateurs et qui est sur toutes les lèvres: peut-on faire du neuf avec du
vieux ? Prenons dès maintenant rendez-vous dans moins d'une année en espérant
d'être mieux loti qu'aujourd'hui. Bon, ce n'est que du virtuel pour le moment, les
promesses sont une chose et les applications en sont une autre affaire. A
suivre…
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Posté Le : 21/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Beghdad
Source : www.lequotidien-oran.com