Algérie - Parutions de livres de littérature

La vie est un grand mensonge de Youcef Zirem, (Roman) - Éditions Zirem, Alger, 2005



La vie est un grand mensonge de Youcef Zirem, (Roman) - Éditions Zirem, Alger, 2005
La puissance des mots

Fidèle à sa renommée d'intellectuel battant, Youcef trempe sa plume dans sa révolte innée pour mieux ciseler la douceur de dire dans la puissance des mots. A ce propos, le titre même du roman : La vie est un grand mensonge est très expressif, dans la mesure où il augure de la profondeur et de la pertinence de l'ouvrage en question.

Dès l'abord, on est frappé par l'économie du texte
.
Composition singulière, elle tranche avec l'écriture linéaire, généralement usitée. Divisé en trois parties, intitulées : haltes, La vie est un grand mensonge n'est pas le fruit d'une inspiration étalée en un seul jet. Au contraire, à chacun des trois paliers, la plume de Youcef semble observer une longue pause, le temps de s'imprégner de la vision nouvelle de l'écrivain, avant de courir sur la feuille blanche.

Ensuite, il y a le style
.
Il se déploie vigoureux, rebelle et réfractaire à tout académisme asservissant. Les tournures, ici, s'imposent en souffle créateur. Tonifiant. En ce sens, l'écriture de Zirem est une écriture vivante, qui s'épanouit dans sa propre innovation : les mots parlent, c'est-à-dire, racontent, dénoncent, interpellent… dans une langue simple et foisonnante, chargée de sensations et d'images suggestives.

Enfin, il y a le fond.

Au-delà du substrat autobiographique très prégnant, La vie est un grand mensonge est le roman de l'Algérie qui peine à se construire. Plus de 40 ans de bricolage économique, de désastre sociopolitique, ont fait tourner – et continuent de le faire – l'espoir d'édification national, auguré en 62. L'indépendance est confisquée, le pays aussi : «J'ai la nette impression que ce pays appartient à quelques centaines de personnes. Le reste de la population fait de la figuration», assène, à juste titre, Jeff, l'un des personnages principaux du roman.

Tout au long du texte, le regard de l'auteur sur cette période, est très éloquent. Si, à première vue, le lecteur peut avoir l'impression d'y lire une banale évidence sociale, son opinion changera au fil de son immersion dans le texte. En effet, le constat, savamment romancé, qui s'y réfère, étale une réalité poignante : la lucidité de l'auteur participe de sa propre douleur et de son courage à subir et à lutter contre un fatalisme national, érigé par la majorité des populations algériennes en normalité quotidienne.

C'est dire si l'écrivain est toujours hors de la majorité soumise. Certes, il est seul, mais éternellement debout. Il sait que courber l'échine c'est accepter la mort du pays.

La révolte est au cœur du poète. Le verbe gronde. Tout au long des pages, Youcef pourfond la complaisance ignoble dont certaines plumes se drapent pour faire de l'hypocrisie un genre littéraire. La vie est un grand mensonge est le miroir d'une Algérie belle et pourrie, et dont les artisans de sa déchéance s'acharnent à exciter l'orgueil suicidaire des populations, pour que l'Algérien ne voie et ne loue que la beauté miroitée. Youcef Zirem dévoile et la beauté et la déchéance qu'on tend à occulter.

Il y a du Mimouni dans Zirem. Et cela au sens le plus noble. Au-delà de leurs styles personnels, un élan et un genre commun les caractérisent : l'élan de la vérité, sous tendu par la littérature de combat.

Entre l'intégrisme sanguinaire et le terrorisme sans visage, le pays perd ses enfants, son histoire, ses valeurs… Alger la blanche s'abîme dans un présent obscur, générateur de désarroi, de malvie. Une jeunesse en quête de son âge, de ses plaisirs rejoint les générations sacrifiées avant elle. Le bout du tunnel ? Il est encore loin. Dans cette Algérie déchirée où hier n'existe pas, et où demain a un goût de prison, la vie relève d'un camp de concentration. Comment franchir l'horizon d'un monde… sans horizon ? Comment aimer dans ce monde où ce sentiment devient synonyme de honte, de pécher ? Ce monde où le droit d'être est une hérésie, et la liberté de créer, un délit ?

Corollaire :

« La mer apprivoise mes songes. Mes surprises figées se font rares. Je vais essayer de me suicider, peut-être que cette troisième fois sera la meilleure. Je me cherche dans un hier balafré et les représailles salvatrices sont encore à inventer… » Décidément, la vie ne sera, toujours, qu'un grand mensonge.


Bonjour tout le monde! Merci de parler de ce merveilleux roman de Youcef Zirem, la Vie est un grand mensonge. Ce roman je ne le cesse de le relire, il est magnifique: il me rappelle Nedjma de Kateb Yacine avec sa force, sa profondeur et sa poésie! Pour moi, Youcef Zirem est l'un des meilleurs écrivains algériens; pour moi il est bien plus fort que Yasmina Khadra ou Boualem Sansal...Je ne comprends pas pourquoi la presse algérienne ne parle pas vraiment de ce chef d'oeuvre... BOn courage à toute l'équipe !
nawel B. - Professeur - Paris
13/04/2008 - 1160

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