Selon l'annonce faite par le ministre de l'Education nationale, l'Algérie est en voie de réaliser 1.100 collèges durant les deux prochaines années. Le chiffre paraît énorme pour le profane en matière de construction, douteux pour le spécialiste et insuffisant pour le démographe qui se rue sur sa calculette afin de vérifier l'impact d'une telle annonce. Le premier ne comprenant pas cette guerre des chiffres au lendemain des vacances, s'interrogera tout de même sur les délais de réalisation devenus subitement courts, en se rappelant que les Chinois ont réussi à faire des miracles là où les Algériens attendent celui de voir repousser leurs bras raccourcis par des salaires misérables. Le deuxième accepte le principe de la programmation d'un tel nombre de collèges en un temps record en s'interrogeant sur l'urgence subite dans l'exécution des cahiers des charges, sur leur sérieux, sur les bureaux d'études, sur les matériaux et leur disponibilité, sur la disponibilité des terrains. Sur la main-d'oeuvre qualifiée. Le troisième coupeur de cheveux en quatre, collant comme une gale à l'arithmétique et aux courbes, encouragé par les prouesses de l'informatique, contradicteur par nature, spécialiste des divisions sociales et de l'accumulation des problèmes, sort ses tableaux vertigineux, coche wilaya par wilaya les besoins en infrastructures dites de base et calcule le nombre de classes de vingt-cinq élèves à construire selon le programme du gouvernement. Refait plusieurs fois ses corrélations et trouve une courbe aux allures bizarres. Parfois en dents de scie et souvent tendant vers plus ou moins l'infini, la courbe lui rappelle l'intervention du Président à propos de l'« injustice du BEM » et de cette vérité qui devrait être dite au peuple concernant l'insuffisance des établissements. Dont acte : construire plus d'établissements et vite. Moyennement satisfait de ses outils, le troisième pense que la vérité devrait être institutionnalisée et ne pas attendre que le Président la réclame au nom du peuple, puisque le peuple lui-même ne la réclame plus. Une façon de faire de la vérité un outil de plus pour les démographes, qui s'arrogent le droit d'arrondir à cent mille enfants près c'est-à-dire à quatre mille classes de vingt-cinq élèves chacune près. A peu près. Le prix de l'urgence en retenant que les rallonges budgétaires ne peuvent être refusées une fois l'opération de construction lancée. Il y va de la valeur de la parole du Président. Mais cette parole n'est complète que si les futurs établissements projetés fonctionnent. Le personnel doit être préparé, les équipements installés, les transports garantis, les élèves physiquement présents aux alentours des collèges, les chauffages fonctionnels, les toilettes dotées d'eau, etc... En deux ans. Si les Chinois sont capables de relever le défi de la construction le reste demeure effectivement douteux. Les démographes resteront quant à eux dubitatifs quant aux courbes bizarres. La seule courbe qu'ils ne traceront pas mais qu'ils pourront constater en direct demeurera bizzarement celle que traceront les ministres de leurs corps devant les interventions du Président. Celle-là aussi restera un outil pérenne.
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Posté Le : 29/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saïfi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com