Algérie

La vengeance des conquérants



Par quelque bout qu'on la prenne, la situation en Egypte et en Tunisie est annonciatrice d'événements qui pourraient ouvrir aux deux pays les portes d'un enfer qui aurait de quoi relativiser les dictatures qui les dirigeaient. Quand le revanchisme social et la vengeance politique se rejoignent dans un même désir d'écrasement de l'adversaire, il y a alors fort à craindre des nouveaux maîtres qu'ils ne soient qu'un succédané despotique des tyrans d'hier. A Tunis et au Caire, les «bénéficiaires électoraux» des révoltes populaires de 2010 et 2011 mettent les bouchées doubles pour engrener les machines à réduire les courants opposés à leur idéologie totalitaire.
En Egypte, le verrouillage se fait à travers une constitution élaborée et votée à la hussarde et dans des conditions bien éloignées des standards de la démocratie. Autant, le président Morsi, représentant de la confrérie des Frères musulmans, a accéléré et bousculé le timing en recourant pratiquement à un passage en force de la loi fondamentale, autant les nouveaux -mais censés être provisoires- dirigeants tunisiens ont sciemment trainé la patte, freiné des quatre fers et multiplié les man'uvres dilatoires pour retarder au maximum le référendum sur la Constitution qui, dès son adoption, devrait signer leur fin de mission. La précipitation calculée du premier et l'endormissement voulu des seconds procèdent d'une même stratégie d'instrumentalisation du temps politique. Ils diffèrent sur la méthode mais se rejoignent sur l'objectif : une confiscation du pouvoir et l'islamisation au pas de charge de la société et des institutions.Ici et là, un emballement de la vie politique et les troubles qui l'accompagnent, ces derniers jours, confirment la mise en application d'une doctrine du totalitarisme avec brigades et milices fascistes au service du parti dominant, fuite en avant sur les dossiers économiques et sociaux, planification d'une vengeance institutionnelle contre les personnalités et les franges de la société accusées d'avoir servi sous l'ancien régime, renouvellement des allégeances aux Etats-Unis et au Qatar'Les Frères musulmans ont d'ailleurs confirmé, hier, par les méthodes propres à tous les islamistes, leur mépris pour les règles élémentaires d'une démocratie consensuelle et soucieuse de cohésion sociale. En annonçant avoir remporté la deuxième phase du référendum sur la Constitution - qu'ils ont élaborée- avec 64% des voix, sans attendre la proclamation officielle des résultats par la commission électorale, ils n'ont fait que renouveler une pratique qui leur est coutumière, celle du fait accompli.Avouant un taux de participation qui avoisinerait seulement 32% du corps électoral, ils veulent couvrir de leur triomphalisme tonitruant une fraude massive et des irrégularités flagrantes signalisées et dénoncées par l'opposition démocratique. L'Egypte n'est plus divisée en deux avec un tel taux de participation, elle est carrément aux mains d'une minorité théocratique qui veut faire payer cher au reste du peuple égyptien de l'avoir laissée seule quand elle se faisait réprimer. Soixante-quatre pour cent (64%) de «oui» contre 56-57% lors de la première phase du vote une semaine plus tôt : qu'est-ce à dire ' Il leur fallait, aux Frères, une majorité moins discutable'
Le décor tunisien ne diffère du tableau égyptien que sur le calendrier et la façon de l'apprivoiser. Le vieux Caïd Essebsi, devenu par sa popularité l'ennemi public N° 1 à abattre coûte que coûte, voit toutes ses sombres prédictions se confirmer. Il a fallu l'intervention de l'armée (sur injonction de qui '), samedi dernier, pour le sauver, lui et les militants de son parti Nida Tounes, de la furie des miliciens de Ghannouchi qui les assiégeaient dans un hôtel de Djerba, où ils tenaient un meeting. L'homme, il est vrai, a de quoi donner des frayeurs au chef d'Ennahda et à son gouvernement. Personnalité plébiscitée pour sa compétence, son expérience et sa sagesse, l'ancien ministre de Bourguiba et Premier ministre de la transition après la chute de Ben Ali, est le seul à pouvoir ravir le pouvoir aux islamistes lors des prochaines élections, prévues en juin prochain si'elles ont lieu, toutefois. Le vieux briscard de la politique ne s'est pas privé de dire tout le bien qu'il pense d'Ennahda, «parti islamiste qui devient un des plus grands dangers pour la sécurité du pays et des Tunisiens». Caïd Essebsi est allé jusqu'à exprimer son inquiétude pour «la souveraineté même de la Tunisie qui court un danger considérable au regard des agissements du parti islamiste».Violence politique, verbale, physique, tout cela paraitrait dans l'ordre des choses pour un pays qui découvre la démocratie. Mais c'est aussi une règle que là où l'islamisme politique s'installe, le terrorisme guette. Cette ombre pernicieuse commence à obscurcir le ciel tunisien. Après l'avoir caché à l'opinion pendant un bon bout de temps, le ministre de l'Intérieur (Ennahda) a fini par reconnaître qu'un important groupe de terroristes armés a été arrêté dans le nord-ouest du pays. Ce groupe préparait l'implantation d'Al-Qaïda en Tunisie et planifiait des attentats.Que les Tunisiens s'arment de courage et ne comptent pas trop sur les -seules- élections pour les prémunir du pire fléau qui les menace.
A. S.


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