Algérie

La valeur de la pension dépend du taux d'invalidité et de la situation personnelle de chaque victime



? Avez-vous le sentiment d'avoir contribué à rétablir une injustice en réussissant à créer un cas de jurisprudence favorable à toutes les victimes civiles de la guerre d'Algérie sans distinction de nationalité 'Oui, je suis contente et fière d'avoir aidé et rendu possible la reconnaissance du statut de victime à toutes ces personnes, notamment aux Algériens. Rien que cela, c'est déjà important. Cela fait avancer les choses même sur le plan de la mémoire entre nos deux pays. D'ailleurs, personnellement, je compte m'installer en Algérie pour mieux accompagner des citoyens algériens dans leurs démarches sur ce dossier de demandes d'indemnisation en tant que victimes civiles, mais aussi sur plein d'autres dossiers liés à la Guerre d'Algérie de manière générale.
? Comment vous êtes-vous retrouvée à défendre les dossiers des demandes d'indemnisation auprès de l'Etat français des victimes civiles algériennes '
J'ai eu d'abord un premier client, Cherif Y., à Toulouse (sud de la France) qui a eu gain de cause en 2016 après une première QPC que j'ai déposée auprès du Conseil constitutionnel concernant la condition de nationalité française pour les demandes de pensions d'indemnisation pour les victimes civiles durant la Guerre d'Algérie. Cependant, Cherif Y. était devenu Français après l'indépendance de l'Algérie.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel avait statué à notre faveur mais seulement sur une partie de la phrase qui disait « condition de nationalité française le jour de la promulgation de la loi » en censurant « le jour de la promulgation de la loi ». À cette même occasion, il y a eu également une très bonne décision sur le fond de la Cour d'Appel de Toulouse. Elle avait précisé que, de toute façon, la condition de nationalité était discriminatoire au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.
Suite à cette décision, j'ai eu mon deuxième client dans le même registre, Abdelkader K., qui n'a pas eu la nationalité française depuis les faits. Ainsi, la même question de départ demeurait. J'ai donc redéposé une nouvelle QPC auprès du Conseil constitutionnel et mon client a eu gain de cause en février 2018 (voir l'article explicatif, ndlr).
? Depuis, est-ce que la décision du Conseil constitutionnel a été intégrée dans le texte de loi '
Sur le code des pensions civiles et militaires, la condition de nationalité française demeure jusqu'à aujourd'hui mais le texte comporte désormais une indication précisant qu'elle a été abrogée par décision du Conseil constitutionnel, laquelle est parue au Journal officiel. Ladite décision sera intégrée entièrement dès la prochaine réécriture des codes.
? Concrètement, qu'est-ce que cela a donné pour votre client '
Dans les faits, monsieur K. a été examiné et a vu son taux d'invalidité fixé. Il va bientôt toucher sa pension. Ces pensions d'indemnisation existent en France depuis 1963, pour les citoyens de nationalité française et elles sont gérées par lasous-direction des pensions militaires à La Rochelle (sud-ouest de la France).
? De quelle manière est fixée la valeur de la pension '
Chaque pension est liée à un taux d'invalidité et en fonction de celui-ci, fixé par un médecin expert, une somme est allouée. Pour ceux qui sont en Algérie, les visites médicales vont se faire au niveau des consulats français.
Donc, la valeur de la pension dépend du taux d'invalidité et de la situation personnelle de chaque victime. C'est en fonction du préjudice physique et/ou moral causé à la personne. Par exemple, mon premier client, Cherif Y., avait pris une balle perdue dans la cuisse et subi une répercussion psychologique par rapport à cela. Il perçoit un peu plus de 100 euros par mois pour un taux d'invalidité de 20%.
Afin de prouver les préjudices, il faut surtout avoir des documents de l'époque. Même s'il n'y a pas une liste de documents bien définie, il faut dans l'idéal avoir un procès-verbal de gendarmerie ou de police qui mentionne l'accident, l'attentat ou l'attaque dont la personne a été victime, appuyé notamment par un bulletin d'hospitalisation et tout autre document pouvant prouver le préjudice ou ses séquelles. Par ailleurs, il faut fournir les papiers d'identité pour établir la filiation si on demande une pension en tant qu'ayant droit.
? Et par rapport aux disparus '
C'est quasiment la même démarche, il faut un procès-verbal mentionnant que la personne a disparu et démontrer que cela avait un lien avec la Guerre d'Algérie. Toutes les demandes des Français en matière d'indemnisation en tant que victimes civiles étaient relativement faciles à prouver car ils avaient très souvent les papiers nécessaires. Ce n'est pas toujours le cas pour les victimes algériennes. C'est pourquoi les témoignages peuvent parfois avoir la valeur de preuve pour appuyer leurs dossiers.
? En parlant de cela, est-ce que les victimes ou leurs ayants droit sont forcément obligés de passer par un avocat ou par la justice pour faire leurs demandes de pension '
Non, on peut faire la demande de pension tout seul. Toutes les demandes sont prises en compte et une réponse leur est apportée, qu'elle soit positive ou négative. Si cela n'est pas fait dans les deux mois, on peut saisir la justice. Après, en ce qui me concerne, je reçois beaucoup de clients algériens, qui viennent parfois spécialement d'Algérie pour me voir, car cela les rassure d'être accompagnés dans leurs démarches par une avocate spécialisée.


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