Algérie

La Tunisie, la seule note d'espoir du «printemps arabe»



Par sa victoire aux premières élections libres en Tunisie le 23 octobre passé, le parti islamiste Ennahda, présidé par Rached Ghannouchi, a fait naître la crainte, en Tunisie même et au-delà des frontières de celle-ci, de l'instauration d'un régime peut-être encore plus antidémocratique que celui mis à bas par la révolution populaire du «jasmin».
Depuis la victoire de ce parti islamiste, aucun indice n'autorise pourtant les milieux hantés par cette crainte d'affirmer que la Tunisie se dirige vers ce qu'ils disent redouter. Ennahda a au contraire multiplié les signes tendant à convaincre qu'il n'a nullement l'intention d'instaurer un régime islamiste et d'effacer les avancées libérales dont a bénéficié la société tunisienne. De même qu'il est apparemment résolu à respecter les termes des engagements post électoraux qu'il a contractés avec les deux partis de gauche, le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol, arrivés derrière lui lors du scrutin du 23 octobre, et sans l'appoint desquels il lui serait pratiquement impossible d'exercer le pouvoir.
Le premier de ces engagements avec les deux formations a été qu'il se contenterait d'avoir la Primature du gouvernement et leur laisserait les Présidences du pays et de l'Assemblée constituante. Ce qui a été chose accomplie hier matin. Aussitôt inaugurée, l'Assemblée constituante, dans laquelle les élus des trois formations forment la majorité, a en effet, conformément à ses prérogatives, entériné l'accord accepté par Ennahda en désignant à sa présidence le chef du parti Ettakatol, Mustapha Ben Jaafar, à celle du pays le secrétaire général du CPR, Moncef Marzouki, et au Premier ministère Hamadi Jebaïli, responsable d'Ennahda.
Cette répartition entre le parti islamiste et les deux formations de gauche des trois postes les plus sensibles dans la nouvelle république tunisienne est de bon augure, car elle démontre que le premier n'est pas en mesure, malgré sa victoire électorale, d'imposer unilatéralement au pays ses choix partisans à la tête des institutions-clefs.
Cela ne désarmera pour autant les préventions dont il est l'objet. Ses détracteurs persistent à le créditer de l'intention de vouloir faire inscrire dans la nouvelle constitution les dispositions qui rendront irréversible la réalisation du projet de société islamiste dont il est porteur. D‘aucuns le soupçonnent de n'avoir concédé les deux présidences aux partis de gauche que pour arriver plus facilement à cette fin. Qu'il pratiquerait en somme le double jeu. Ce qui n'est pas impossible. Sauf que cela peut s'avérer suicidaire pour lui, dans la mesure où Ennahda est loin d'avoir l'ancrage populaire qui l'autoriserait à faire fi des oppositions que son projet de société soulève.
Le parti islamiste est, de notre point de vue, tenu par intérêt et pragmatisme à ce que la Constituante confirme le caractère «laïc» du pouvoir en Tunisie. Il est dans l'obligation d'accepter la démocratie et la liberté de conscience, sachant que s'il ne donne pas de gages dans ce sens, il lui en sera tenu compte et il sera sanctionné rapidement à l'occasion des élections municipales dans quatre mois et aux législatives dans une année. Peut-être qu'Ennahda n'a pas totalement et définitivement renoncé à son projet de société, auquel, de toute évidence, la majorité des Tunisiens est réfractaire en dépit de la victoire électorale qu'elle lui a accordée. Il ne peut pour autant l'imposer dans les conditions par lesquelles il est arrivé au pouvoir. Des conditions qui lui font nécessité de composer avec des partis en mesure de lui faire barrage, voire de le renvoyer démocratiquement à son isolement.
Les Tunisiens ont accepté de faire le pari qu'Ennahda est sincère dans ses professions de foi démocratiques et libertaires. Ne soyons pas plus «royalistes» et évitons de les inciter à la «fitna», au principe qu'un islamiste serait incapable de «mettre de l'eau dans son vin».


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