Algérie

La Tunisie encore une fois en point de mire



La montée en puissance en Tunisie du courant islamiste, que corroborent les sondages concernant l'ancrage populaire du parti phare de cette mouvance, En-Nahda, mais aussi la démonstration de force faite par ses autres franges plus extrémistes en prenant prétexte de la diffusion par la chaîne satellitaire Nessma d'un film décrété par eux attentatoire aux prescriptions de la religion musulmane, font que la perspective de son arrivée au pouvoir dans ce pays n'est nullement à exclure. Une telle conclusion pour la révolution populaire qui est venue à bout de la dictature de Ben Ali et de son régime ne sera guère réjouissante pour les anti-islamistes de tous bords en Algérie. Ils craignent à juste titre qu'elle aura pour effet de «booster» l'activisme de ce courant en Algérie même.
Il n'est pas sûr que le pouvoir algérien nourrisse la même appréhension sur cette perspective. Sans aller jusqu'à prétendre qu'un pouvoir islamiste dans la Tunisie voisine ne l'inquiéterait nullement, celui de notre pays doit envisager cette possibilité, avec l'esprit d'en tirer profit pour dissuader en Algérie tous ceux qui voient dans les islamistes l'ennemi principal, de poursuivre leur remise en cause des projets de réformes auxquels il est en train de donner forme et de continuer à prôner un changement radical du système politique.
Le pouvoir aura en effet beau jeu de surfer sur l'éventuelle arrivée au pouvoir en Tunisie des islamistes en faisant valoir que même la société tunisienne, que l'on prétend plus «moderniste» et moins encline à succomber aux sirènes d'un projet de société islamiste, a offert à ses tenants l'opportunité de le réaliser. En guise de solution pour préserver l'Algérie de la contagion dont est susceptible l'instauration d'un pouvoir islamiste dans la Tunisie voisine, il sera bien entendu vendu la théorie que seul le système en place est en capacité d'y faire barrage. Pour mieux la faire accepter, l'on verra ce pouvoir se montrer moins conciliant avec le courant islamiste, voire se rappeler que la loi fondamentale de l'Algérie interdit l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques.
C'est peut-être par anticipation sur une situation de ce genre que le spectacle est donné d'un lâchage de Belkhadem, lequel est perçu par beaucoup d'Algériens comme le fourrier de l'islamisme politique et de son projet de société au sein du pouvoir même. Face au danger pour eux plus grand que tout autre d'une réactivation de l'activisme des islamistes, il se trouvera des républicains «laïcs et modernistes» qui suggéreront la stratégie du «front commun» avec le pouvoir. L'on sait par expérience pourtant qu'à ce jeu, le pouvoir est imbattable et que c'est la démocratie et l'Etat de droit, tous deux étrangers à sa vision de la gouvernance de la nation, qu'il s'empressera de mettre aux oubliettes et assurer ainsi sa continuité.
Tout le dilemme pour le courant républicain moderniste consiste dans le comment créer dans le pays les conditions et la situation qui permettraient aux Algériens d'avoir une autre alternative que celle de renoncer au changement de système par peur d'une arrivée au pouvoir des islamistes. Un dilemme qui est, hélas, commun à tous les républicains et modernistes du Maghreb et du Moyen-Orient.


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