La Tunisie a
commencé à connaître un peu de calme après deux journées chaotiques où, selon
toute vraisemblance, les sbires du régime déchu ont joué leur va-tout pour
provoquer une situation d'insécurité générale dans le pays.
Un calme relatif
a été constaté sur fond de traque des agents du régime qui se défendent parfois
armes au poing. Les pillages et les violences qui ont suivi immédiatement la
fuite de Ben Ali ont sensiblement baissé poussant d'ailleurs les autorités à
alléger le couvre-feu. Il faut dire que la population a pris directement en
charge sa propre sécurité en organisant au niveau des quartiers des comités de
vigilance pour contrer les opérations de pillages. La frange délinquante du
régime Ben Ali continue de représenter une menace. Hier, des tirs ont été
enregistrés à proximité du siège du parti d'opposition, le PDP, alors que les
policiers contrôlaient un taxi dont les occupants étaient armés. L'armée
tunisienne dont l'attitude conciliante et non répressive à l'égard du mouvement
de contestation a soldé définitivement le sort du président Ben Ali a procédé à
l'arrestation d'une cinquantaine de gardes personnels du président Ben Ali dans
le gouvernorat de Tataouine dans le sud du pays alors qu'ils tentaient de fuir
vers la Libye où, semble-t-il, ils sont les bienvenus. Ils se trouvaient dans
des voitures sans immatriculation. Certains d'entre eux ont été blessés lors
d'échanges de tirs avec les militaires et ont été transportés dans des
hôpitaux. Une dizaine de membres de la garde prétorienne auraient réussi à fuir
et ils seraient traqués par les militaires.
Le général Ali
Sériati en prison
Deux «grosses
prises» ont été enregistrées dans la journée d'hier. La première est celle de
l'ex-chef de la sécurité de Ben Ali, le général Ali Sériati, qui a été
formellement accusé d'être à la tête des milices qui essayent de provoquer le
chaos en commettant des exactions et des pillages. Le général Ali Sériati a été
interpellé et placé sous mandat de dépôt par un juge d'instruction de Tunis.
Selon une version, ce seraient des citoyens qui ont arrêté Ali Sériati. L'autre
prise est celle de Kaïs Ben Ali, un neveu du président déchu, qui a été arrêté
dans la nuit de samedi à dimanche en compagnie de dix personnes qui «tiraient
en tous sens» à bord de véhicules de police, selon des témoins. Kaïs Ben Ali,
grand potentat à Msaken, une localité de la région d'origine de l'ex-président
Ben Ali, est désormais out. Ce double mouvement d'autoprotection des citoyens
et de traques des franges délinquantes du régime déchu permet d'amorcer un début
de reprise en main de la situation sécuritaire.
Le chantier de la transition politique est
ouvert avec des consultations politiques menées par le Premier ministre,
Mohammed Ghannouchi. Il était question de mettre en place trois comités : l'un
chargé de proposer des personnes pour former un gouvernement d'union nationale,
un autre pour examiner les exactions et dérives sécuritaires et le dernier sur
les accusations de corruption de l'ancien régime. La rencontre a été limitée
aux partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, dont le
parti au pouvoir, le RCD. De ce fait, le Parti communiste des ouvriers de
Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami et Ennahdha de Rached Ghannouchi n'ont pas été
conviés. Une situation qui risque d'être intenable dans les jours qui viennent.
Des manifestants l'ont déjà d'ailleurs exprimé à Regueb, dans le Centre-Ouest,
un des hauts lieux de la contestation anti-Ben Ali, sous le mot d'ordre
«Pourparlers limités, démocratie boiteuse». «Nous ne nous sommes pas révoltés pour
la formation d'un gouvernement d'union avec une opposition de carton-pâte»,
ont-ils scandé avant d'être dispersés par l'armée qui n'a pas recouru à la
violence.
Une transition avec
ou sans les islamistes ?
Mustapha Ben
Jaffar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés qui a été
reçu par Ghannouchi, a indiqué que la «discussion a tourné autour des mesures à
prendre pour jeter les bases d'un véritable processus démocratique et tourner
la page d'un système qui a échoué». Il a indiqué que l'objectif des discussions
est la mise en place d'un gouvernement d'union nationale et la préparation
d'élections transparentes «sous supervision internationale éventuellement».
L'un des enjeux de la transition est de savoir si elle sera inclusive et donc
intégrant les islamistes ou non ? Un retour à la bipolarité laïcs-islamistes
pourrait être, avec la menace sécuritaire posée par les tenants de l'ancien
régime, le plus important écueil pour cette transition. Le chef du mouvement
islamiste Ennahdah, Rached Ghannouchi, s'apprêtait à rentrer au pays après de
longues années d'exil à Londres. Il escompte participer à la transition
politique. «Les raisons qui m'ont contraint à partir n'existent plus. La
dictature est tombée», a indiqué Rached Ghannouchi, «plus rien ne m'empêche de
revenir dans mon pays après 22 ans d'exil». Le mouvement islamiste tunisien a
subi une répression féroce sous Ben Ali et on ne sait pas ce qu'il représente
réellement dans un pays où l'on pouvait se risquer à se dire de gauche mais où
l'on n'osait absolument pas s'afficher islamiste.
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Posté Le : 17/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com