Algérie

La Tunisie dans la tourmente



Qui tire les ficelles'
«Ces pilleurs sont à la solde des corrompus que nous avons arrêtés... L'Etat est debout et résistera», avait déclaré aussitôt Youssef Chahed en choisissant de durcir le ton...
Quelque 780 personnes ont été arrêtées dont 60% ont moins de vingt ans, depuis que des troubles puis des affrontements violents les ont opposés durant quatre nuits aux forces de l'ordre. Alors que les ONG multiplient les appels «à la retenue», le gouvernement Youssef Chahed n'a pas cessé de dire qu'il se montrera ferme et déterminé pour appliquer les mesures d'austérité. Syndicats et mouvements sociaux ont du coup appelé à une nouvelle mobilisation, hier après-midi, dans le centre de Tunis. Raison pour laquelle les autorités accusent les manifestants d'être manipulés par l'opposition. Aussi, des militants de gauche ont été arrêtés à leur tour, notamment ceux du Front populaire de Hama Hamami. Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur Khlifa Chibani, la situation se serait quelle que peu apaisée dans la nuit du jeudi au vendredi où aucun acte der violence, de pillage et de vol n'a été enregistré. Mais la vigilance des autorités reste de mise même si elles s'efforcent de minimiser la portée des heurts avec les forces de l'ordre. Toutefois, on a appris que 151 personnes impliquées dans des violences ont été appréhendées hier encore par les forces de l'ordre. Les échauffourées se déclarent de manière sporadique, de sorte que lorsqu'on pense que la situation est apaisée dans telle ville, elle s'enflamme aussitôt dans une autre. C'est ainsi qu'on parlait hier soir d'une relative accalmie à Kasserine, Thala et à Sidi Bouzid, dans le centre défavorisé du pays, ainsi qu'à Tebourba, ville à 30 km à l'ouest de la capitale, marquée par de violents affrontements lundi et mardi dernier. Le mois de janvier a toujours été salué par une brutale montée de fièvre, de sorte que nombreux sont ceux qui attestent que la situation résulte des brusques flambées des prix induites par la loi de finances 2018. La nouveauté, depuis mercredi dernier, concerne la participation active des citoyens aux côtés des forces de l'ordre pour protéger les édifices publics et les sièges des organisations. Les actes de vandalisme nocturnes, qui portent un préjudice grave au pays, au moment où il tente de s'imposer comme un interlocuteur crédible avec le FMI, sont de nature à plonger la Tunisie dans le désordre généralisé. Or, s'évertue à le répéter sans cesse le chef du gouvernement Youssef Chahed, certains courants politiques semblent résolus à tirer leur épingle du jeu, dans cette crise qui n'a pas encore révélé tous ses secrets. Comme les élections municipales sont programmées pour le 6 mai prochain, et que ces consultations ont un impact décisif sur la prochaine élection présidentielle de 2019, d'aucuns considèrent que le parti Ennahdha et Rached Ghannouchi ont tout intérêt à attiser le mécontentement en soufflant discrètement sur la braise.
Toujours est-il qu'une réunion des signataires de l'accord de Carthage a eu lieu hier pour tenter de démêler les fils de cette crise. Etaient présents à ce conclave, autour du président de la République Béji Caïd Essebsi, des personnalités comme Mohamed Abbou, Mehdi Jomâa, Noureddine Tabboubi, Yassine Brahim Hamma Hammami et Wided Bouchamaoui. Au menu de cette réunion, figure en priorité l'examen de la situation actuelle du point de vue économique et social et elle cherchera à évaluer les propositions du patronat, représenté par Wided Bouchamaoui, et de l'Ugtt, en la personne de Noureddine Taboub.
«Ces pilleurs sont à la solde des corrompus que nous avons arrêtés... L'Etat est debout et résistera»», avait déclaré aussitôt Youssef Chahed en choisissant de durcir le ton... Jour après jour, les manifestations nocturnes, de plus en plus violentes se sont étendues pour toucher les différents gouvernorats. Politiquement, le parti au pouvoir, Nidaa Tounès, appelle ouvertement à un remaniement ministériel, alors que sur le plan économique, les prix continuent de s'envoler.
Indéniablement, le gouvernement Chahed traverse en ce moment la période la plus difficile depuis sa prise de fonction à l'été 2016. Tout l'enjeu est de savoir aujourd'hui s'il peut tenir et à quel prix. Pour plusieurs raisons, l'hiver s'annonce des plus compliqués pour l'équipe gouvernementale. La situation est critique, et les actes de vandalisme touchant des institutions économiques (magasins, commerces et banques) créatrices de richesse, risquent d'envenimer les choses. Sur le plan politique, le gouvernement Chahed semble avoir été lâché par le parti au pouvoir Nidaa Tounès qui réclame ouvertement un remaniement. Le mouvement Ennahdha, tout en soutenant timidement l'équipe gouvernementale, l'appelle «à être plus à l'écoute des préoccupations des citoyens et à oeuvrer à répondre à leurs revendications ainsi qu'à accorder plus d'appui et d'intérêt aux régions intérieures». Aussi, le consensus créé par l'accord de Carthage s'effrite, des partis se sont retirés (Afek Tounès), menacent de le faire (Machrou Tounès) ou boycottent les réunions d'évaluation (Al Joumhouri).Certains partis d'opposition à l'instar du Front populaire appellent même au départ du gouvernement et à l'organisation d'élections législatives anticipées.
Pour faire face à toutes ces difficultés, le chef du gouvernement Youssef Chahed cherche à s'appuyer sur sa bonne image auprès de la population tunisienne, au lendemain de la campagne de lutte contre la corruption en 2017, et sur le fait que l'Ugtt n'ait pas mobilisé ses propres troupes dans la bataille. Mieux, la Centrale syndicale fait preuve de responsabilité et adopte une position tranchée en se prononçant contre les manifestations nocturnes et les actes de vandalisme et en n'appelant pas à des grèves régionales ou nationales. Le gouvernement de Youssef Chahed se trouve aujourd'hui dans une position peu enviable, secoué par les manifestations contre la hausse des prix et lâché par le parti vainqueur des récentes élections législatives. Saura-t-il remonter la pente' Les prochains jours s'annoncent cruciaux pour répondre à cette interrogation, alors même que le parti Nidaa Tounès avait choisi, fin décembre, de mener sa propre campagne des municipales, en tournant le dos à son allié redoutable, Ennahdha de Rached Ghannouchi...


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