C'est la première fois que le président Bouteflika, évoquant les scandales de corruption de Sonatrach dévoilés par la presse, reconnaît que celle-ci a fait 'uvre utile. Cette presse, il l'a pourtant qualifiée au début de son règne de «mégère de bain maure» avant de développer à son encontre un mépris tenace. En treize années, aucune interview ne lui a été accordée, un record mondial, s'épanchant par contre, souvent sans retenue, dans les médias étrangers. La presse nationale, celle de statut privé particulièrement, il l'a laissée exister par elle-même, dans l'anarchie, sans moyens ni règles claires.
Le ministre de la Communication vient de s'émouvoir de son sort, révélant que l'écrasante majorité des journaux ne vend presque rien. Le taux d'invendus est anormalement élevé, a-t-il relevé sans se risquer à citer les causes profondes de cette situation ni les raisons de la faiblesse de la presse, dont l'un des paradoxes est le nombre anormalement élevé de titres par rapport au lectorat réel et potentiel. Le ministre de la Communication a évacué la question-clé du rapport entre le pouvoir politique et la presse et singulièrement la relation névrotique qu'entretient avec elle le chef de l'Etat.
Celle qui a le plus souffert est naturellement cette presse de statut privé qui, en dehors d'un soutien étatique à sa naissance, en 1990, n'a jamais bénéficié d'un soutien des pouvoirs publics en mesure de lui assurer une quelconque indépendance financière et éditoriale. La gestion politique par l'Etat de la publicité institutionnelle et des moyens d'impression l'a contraint à faire des concessions sur son indépendance vis-à-vis des autorités. Souvent elle l'a poussé à s'orienter vers des puissances d'argent pour survivre.
Plusieurs titres ont réussi à s'en sortir au niveau des tirages, mais certains au prix d'une ligne éditoriale pervertie (sang, sexe, religiosité, etc.). Quelques-uns ont toutefois réussi à gagner en respectabilité contre vents et marées, grâce à la ténacité et au professionnalisme de leurs personnels. Mais tout autant que les autres, ces journaux ne sont pas sortis de l'auberge, car les années Bouteflika sont loin d'être achevées. Le signe le plus révélateur est l'exclusion des chaînes télévisuelles généralistes du futur champ audiovisuel, une intention que vient de confirmer le ministre du secteur. L'Etat continuera donc à exercer son monopole sur l'information et la future loi sur l'audiovisuel ne laissera au secteur privé que les chaînes thématiques, c'est-à-dire la pêche, la chasse, la cuisine, etc.
Ce sera la traduction de la conviction de Bouteflika, exprimée publiquement il y a quelques années, que «la société algérienne n'est pas prête pour l'information audiovisuelle», en réalité la peur d'une information non contrôlée par l'Etat, la hantise de voir émerger un journalisme offensif et critique en prévision de la présidentielle d'avril 2014 qui bouleverserait les calculs du pouvoir. Le syndrome Khalifa News de l'élection de 2004 !
La traversée du désert de la presse est donc loin d'être achevée. Elle a débuté dans l'effroyable décennie de mort physique et morale des années 1990 qu'elle a réussi à surmonter au prix de lourds sacrifices devenant, depuis, un acquis démocratique certain dans un pays où tous les contre-pouvoirs sont laminés. Elle est condamnée à poursuivre son chemin dans l'adversité. Le président Bouteflika pourrait briguer un quatrième mandat et même s'il se retire de la course, il 'uvrera pour que le siège d'El Mouradia revienne à un enfant du système en mesure d'assurer la préservation des intérêts des clans et des familles des puissants.
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Posté Le : 25/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Bahmane
Source : www.elwatan.com