Algérie

La transmission est un acte essentiel qu'on ne doit pas masquer



Maurice Attia, psychiatre, psychanalyste, cinéaste et par-dessus tout écrivain, était à Constantine la semaine passée, pour une conférence-débat autour de son livre « Alger la noire », paru aux éditions actes Sud en 2006. L'enfant de la Casbah, qui avait grandi dans une ville en décomposition, tiraillée entre deux communautés, est revenu sur l'une des plus sombres périodes qu'a connue la capitale et ce, à travers un roman policier où s'entremêlent la réalité et la fiction, avec un arrière-goût qui rappelle étrangement le vécu. Dans une écriture polyphonique, racée et sincère, l'auteur nous fait découvrir quatre points de vue différents à travers les personnages de Paco le jeune policier, Choukroun qui se fait vieux dans le métier, Irène l'éternelle amoureuse et la grand-mère de Paco qui, à l'image de la ville d'Alger, perd ses repères et son essence plongeant même vers l'inconnu. C'est à Bab el Oued, quartier mythique d'Alger, que commence l'intrigue avec la découverte des corps d'Estelle et de Mouloud gisant dans le sang sur une plage. L'amour d'un Arabe et d'une Européenne venait d'être brisé par la folie meurtrière de l'OAS. Paco entreprendra dès lors une enquête difficile qui n'aboutira à aucune réponse. Les responsables d'un crime odieux ne seront jamais traduits en justice. L'absurdité d'une enquête infructueuse permettra cependant, au fil d'une progression dramatique unique, d'explorer les fins fonds de la démence humaine qui, incitée par la haine et l'incompréhension, aboutira à une sauvagerie destructrice. Maurice Attia nous offre un polar qui se veut un pur témoignage d'une époque occultée par les livres d'histoire en Hexagone, une époque qui subira la censure des pages blanches des journaux et qui échappera, in extremis, aux griffes de l'oubli. Mais il est des vérités que nul ne peut cacher. L'auteur croit en une transmission qu'il considère comme acte essentiel, c'est à cet effet qu'il a planché dans les registres d'époque explorant les archives et revenant, dans un souci remarquable du détail, sur les faits divers qui se sont déroulés au moment des faits. Pour l'auteur, les historiens n'ont pas fait leur travail de manière adéquate, les zones d'ombre qui cerne l'histoire tumultueuse de l'Algérie et de la France en sont un parfait exemple. Sans réécrire l'Histoire, les écrivains cherchent à combler un creux en racontant les histoires des populations qui ont tant souffert d'un conflit qui a ravagé les petites gens. Bien plus qu'un polar, « Alger la noire » est une invitation à s'interroger sur un passé trop édulcoré qu'on n'a pas cessé de bafouer.


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