Algérie

La transition énergétique, comme l'Afrique, afficheuse de névrose de la gérontocratie algérienne



La semaine économique a été dominée par la crise politique autour de la reprise des privatisations en Algérie. En fait, à bien y regarder, il s'agit d'un symptôme révélateur d'une pathologie plus sérieuse : l'incompétence de la gouvernance gérontocratique algérienne face aux nouveaux défis d'un monde qui accélère sa mutation. Il y a des signes qui ne trompent pas.En décembre 2016, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a quitté de manière intempestive la séance inaugurale du Forum africain d'Alger au nouveau Centre international des conférences de Club des Pins, au moment même où l'organisateur de l'événement, Ali Haddad au nom du FCE, prenait la parole.
Devant un parterre considérable d'officiels et de personnalités du continent africain. A la Safex, mercredi et jeudi derniers, Ahmed Ouyahia a été prudent. Il n'est pas venu parler des solutions de son gouvernement pour enfin mettre l'Algérie sur la voie active de la transition énergétique. Il était question que le président de la République s'en charge. Par la voie du ministre de l'Energie Mustapha Guitouni.
Mais voilà que la présidence se ravise. Visiblement pas de communication officielle du chef de l'Etat devant un aréopage ou figurent les chefs d'entreprises privées. Il faut «retirer» un texte déjà lu et distribué à la presse. Le lien entre le scandale continental de décembre 2016 à Club des Pins et la bouffonnerie de la Safex de ce janvier 2018 est ténu. Sauf si on ouvre la focale en mode panoramique.
Les crises d'autorité du président de la République (déjà à l'origine du boycott par le gouvernement du Forum africain) retentissent sur des événements publics peu anodins. Le Forum africain d'Alger était censé lancer la nouvelle politique de diversification de l'économie algérienne tournée vers l'exportation, avec comme première frontière à conquérir la profondeur continentale naturelle du pays. La conférence-exposition sur le thème «Réussir la transition énergétique» de la semaine dernière est au c?ur du modèle exportateur algérien.
Une transition réussie, c'est la préservation de 300 milliards de m3 de gaz naturel, dont l'essentiel à l'exportation. Il s'agit, ne serait-ce que de ce seul point de vue, d'un enjeu hors gabarit. Le lien entre le CIC décembre 2016 et la Safex janvier 2018 est là. Les névroses terminales des années Bouteflika se répandent sur les moments les plus névralgiques de la préparation de l'avenir : le nouveau modèle énergétique, le nouveau modèle exportateur. Il existe un troisième enjeu décisif pour l'économie algérienne qui n'a pas encore eu droit à sa grand-messe tapageuse, la transition numérique. Ce n'est pas un hasard.
Il existe dans les travaux académiques sur le développement plusieurs approches explicatives de la sous-performance économique des pays. La frontière cognitive des gouvernants est l'une des moins évoquées dans le cas algérien. Normal, les approches explicatives par «la malédiction de la rente», «la faiblesse endémique des institutions» ou la survivance d'une «idéologie patrimoniale forte» sont «naturellement» les plus fréquentes. Mais arrêtons-nous une minute pour poser un postulat.
Au-delà d'une certaine ligne de complexité du processus de développement, les dirigeants algériens sont incompétents pour conduire les politiques qui permettent à leur pays d'émerger dans le monde. Bien sûr, ce postulat n'exclut pas les approches explicatives antécédentes du retard algérien. La rente énergétique permet d'acheter du temps et des équipements. Le consensus politique patriotique renouvelé face au péril islamiste désintégrant couvre encore la vacuité des institutions.
Mais le postulat devient pertinent au révélateur des thèmes que traite sérieusement le pouvoir politique. Le modèle exportateur avec l'Afrique comme premier territoire de conquêtes pour les marques algériennes ' Abdelkader Messahel a résumé la pensée officielle à ce sujet dans le Forum où il s'est déversé avec élégance sur le cas marocain en Afrique de l'Ouest. Mettons le postulat de l'incompétence en mode actif et la ligne de codage suivante change du tout au tout.
Abdelkader Messahel ne peut pas imaginer un discours innovant et réaliste sur une politique algérienne de pénétration des marchés mondiaux et africains, appuyée sur les produits et les services, mais aussi sur l'investissement et l'intégration régionale. L'univers mental de sa structure de pensée est celui de la coopération souveraine d'Etat à Etat. Le Nepad en étant le dernier ersatz amélioré. Donc incompétent dans le monde d'aujourd'hui.
De même qu'Ahmed Ouyahia est intellectuellement plus proche de Donald Trump en termes de décarbonisation de l'activité humaine que de l'accord de Paris sur le climat. Il n'a pas les clés digitalisées de la transition énergétique qui n'est pas, au fond, seulement un artifice pour économiser du gaz naturel à l'export (même si ce n'est pas du tout négligeable). Elle est aussi un moyen de figurer parmi les pays bien notés sur leur balance carbone.
Un rating plus important, dans trente ans, que celui du respect des droits de l'homme ou du climat des affaires. Les grands émetteurs de carbone seront coupables de cataclysmes de plus en plus clairement liés au réchauffement du climat et donc à leur irresponsabilité. Penser cet avenir et préparer l'Algérie à l'anticiper dépasse «la frontière technologique» de la gouvernance algérienne. Le comportement des officiels en décembre 2016 au CIC de Club des Pins devant les élites africaines, l'absence de Ahmed Ouyahia à une conférence stratégique sur la transition énergétique, finalement boudée symboliquement par le président de la République n'est pas une coïncidence.
C'est la manifestation, en mode vaudeville, de l'incompétence souveraine à la tête de l'Algérie. L'Afrique et la transition énergétique ne sont pas si importantes. Si peu importantes qu'on peut se payer le luxe de venir y étaler ses états d'âme de régime vieux et malade. Ne pas voir que l'Afrique. Les deux transitions, énergétique et numérique, sont les accélérateurs de particules du changement algérien est une rupture temporelle. Ne pas le comprendre est un dateur carbone fiable. L'Algérie paye cher le vieillissement de son intelligence aux affaires.
Dans l'actualité de la semaine il y a aussi de bonnes nouvelles. Les Algériens pourront désormais payer en ligne leurs factures aussi avec la carte Dahabiya d'Algérie Poste, la plus répandue dans les ménages. En réalité, 2018 se présente sous de bons auspices pour le démarrage enfin des transactions en ligne. Un gisement d'affaires insoupçonné se niche en dessous de cette possibilité de commercer sur internet. Les incidences positives sont colossales.
Sur la réduction du trafic routier, sur la pollution, sur les délais d'attente, sur les journées de travail perdues, sur la santé publique. Bref, la productivité du travail devrait enfin en être fouettée. Il y a un mais ' Bien sûr qu'il y a un mais. Les contenus algériens vont enfler. L'utilisation des smartphones pour régler de plus en plus des affaires quotidiennes via des applications mobiles va exploser. Il faudra une offre de transport et de services de la data adaptée.
Le monopole de Algérie Télécom sur l'internet ne peut définitivement pas l'assurer. Besoin encore de s'en convaincre pendant une année ou deux ' Le dégroupage est l'urgence de ce premier trimestre 2018. Algérie Télécom transporte sur son réseau de fibre optique la data de ses clients au plus près de l'abonné. L'offre commerciale terminale (last mile) doit être ouverte à la concurrence.
Tout le monde y gagnera. AT la première. Encore ce week-end à Oran HTA, la filiale Télécom du groupe des Sociétés Hasnaoui a fait une présentation à la presse de sa solution IPTV de télévision par câble (sans paraboles). Elle peut bénéficier à un million d'abonnés dans tous les coins du pays où arrive la fibre optique d'Algérie Télécom. Elle tourne depuis 2012 avec les 2000 abonnés du quartier Erriadh. Les bonnes nouvelles pour les Algériens dépendent souvent d'une simple levée d'écrou.


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