Algérie

La théorie du « Tout » qui lave plus blanc



Comme le collectivisme économique, il existe un collectivismemoral qui vous permet d'être innocent même si vous venez de tuer quelqu'un. Unesorte de théorie de statistiques qui permet de se laver les mains en répétantavec tout le monde « c'est un Tout » ou « c'est lié au Tout ». Le collectivismeéthique permet ainsi l'anonymat, l'absolution en solde, l'effacement et ladémission. Pour la cage d'escalier, le meurtre, les ordures ou le bien public. Unenseignant universitaire est assassiné à Mostaganem ? Oui, il y a un coupablemais « c'est lié à tout ». Et du coup, la chaîne des explications s'étend àl'infini, remonte aux premières années de l'indépendance, convoque le système Bouteflika, la guerre du Vietnam, la cause palestinienne oul'échec de l'université algérienne. La théorie du « Tout » permet de discuterde n'importe quelle tragédie, comédie, échec ou fracas algériens, en partant detout pour aboutir à tout. A la fin, l'exercice national permet d'inculper toutle monde sans arrêter personne. Juger de tous sans se sentir partie de cettetotalité. Le mécanisme permet de discutailler de n'importe quoi sans aboutir aumoindre petit acte individuel engagé ou le plus maigre sentiment de responsabilité.C'est une recette très algérienne consacrée comme une métaphysique de la 3èmepersonne du pluriel et dont l'empire va du ratage des avaloirs au crime dansune université. Ainsi, après le meurtre commis à Mostaganem, on a eu droit aumême réflexe collectiviste d'effacement des empreintes des 36 millionsd'Algériens restant : on accuse des enseignants qui accusent des enseignantsqui accusent des administrations qui accusent des étudiants qui accusent unministère qui accuse des syndicats qui accusent un système...etc., dans unesorte de sarabande où tout ce beau monde peut se réunir dans une seule sallesans se sentir coupable, ni même partie de ce tout jugé et pendu depuis lespremiers jours de la liberté de la RADP. A la fin, comme après chaque drame algérien, il estdécidé de la responsabilité de tous avec l'innocence de chacun, et on aboutiraà la conclusion qu'il faut arrêter le meurtrier, enterrer le mort.

L'autre grand coupable, ce fameux «Tout» impersonnel, surtoutes les lèvres, au bout de chaque analyse, brevetant une démissioncollective, lui, ne sera pas inquiété, ni arrêté, seulement jugé puis relâchédans la nature, en attendant son prochain acte. L'Algérien est reconnaissableainsi pas à son drapeau, son histoire nationale ou à son passeport mais à cetrait de caricature mentale : assis dans une luxueuse salle d'attente dansl'aéroport de Dulles aux USA, vous le reconnaîtrez à sa façon lasse de faire ungeste las, en s'affalant sur son siège, concluant «C'est un Tout». A propos deson pays, sa terre, ce qui s'y passe et ce qui s'y commet. C'est le dernier motde presque toutes les conversations locales. Avec l'espoir que ce ne sera pasle dernier mot à Mostaganem.




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