Algérie

La tête dans les toiles



La tête dans les toiles
Si Picasso a passé sa vie à essayer de dessiner comme un enfant, les participants de l'exposition «Art-thérapie», eux ont déjà trouvé leur style. La vingtaine de toiles visibles à Dar Abdellatif est le résultat d'un atelier initié par Tidjani Benlarbi et accompagné par l'Agence algérienne de rayonnement culturel (AARC).L'artiste peintre algérien installé en France depuis près de quinze ans nous revient avec un projet rafraîchissant et salutaire à plus d'un titre. Avec l'aide de la psychothérapeute Faïka Medjahed et des artistes Sofiane Dey, Moad Bachir et Chelghaf Hichem, Benlarbi a encadré de jeunes handicapés mentaux, issus du centre Zerzouria de Aïn Taya, dans une découverte de leurs ressources artistiques et leurs possibilités d'expression à travers la peinture.Les toiles des jeunes participants à l'atelier nous parlent par visages interposés. Une thématique chère à Benlarbi qui a trouvé écho chez eux. «Ils m'ont plus appris de choses que je leur en ai apprises. Les enfants viennent avec une énergie énorme et ce n'est pas la moindre des choses de la canaliser», affirme-t-il. Une énergie qui transparaît dans les peintures ainsi qu'une grande volonté de communiquer.On y rencontre des visages qui prennent tout l'espace de la toile et des autoportraits où les artistes en herbe affirment leur présence avec force. Certains sont maquillés ou parés de couleurs, d'autres sont plus sombres et d'autres encore éclatent dans un feu d'artifice de formes déstructurées et de couleurs brutes. L'animateur de l'atelier se souvient de la fascination des participants pour les matières comme le fusain. Il met l'accent sur cette façon d'apprivoiser les matériaux qui ouvre les vannes de l'expression au-delà de la barrière psychique du «bien dessiner».L'artiste a eu plus d'une surprise, comme celle de découvrir son portrait réalisé par deux élèves. Il explique que son rôle d'art-thérapeute consiste à accompagner le patient dans sa démarche créative sans jugement mais en l'amenant à plus de clarté dans l'expression graphique, et puis à écouter son discours sur sa production artistique. Dans «art-thérapie», il y a aussi «art» ! Benlarbi se refuse d'interpréter les productions de cet atelier comme on diagnostique les pathologies d'un patient.Pour lui, il s'agit bel et bien d'?uvres artistiques : «Mon travail est de valoriser le travail de ces enfants. Les résultats de l'atelier sont des ?uvres d'art. J'imagine aisément une vente aux enchères de ces toiles. Par exemple, pour aider le centre psychiatrique Zarzouria à développer cette activité d'arts plastiques». Il souligne par ailleurs que l'enjeu est aussi d'apporter de l'espoir aux parents et de les épauler dans leur combat quotidien : «Ce ne sont pas les handicapés qui sont malheureux.Eux, ils sont dans leur sphère. Je veux attirer l'attention sur la souffrance des parents. Leurs enfants ne trouvent pas leur place dans la société. L'enfant devient une honte pour les parents ! Avec cette initiative, on dit haut et fort que ces enfants ne sont pas des animaux sauvages mais des humains comme vous et moi. Ils ne devraient donc pas rester en marge de la société». Benlarbi expose également ses ?uvres comme en dialogue avec la restitution de l'atelier.On y retrouve l'omniprésence du visage traité cette fois avec le savoir-faire et la profondeur de l'artiste. Il souhaite que cette exposition puisse voyager dans d'autres wilayas du pays et susciter éventuellement d'autres initiatives du genre. «Je regrette de ne pas avoir vu beaucoup d'artistes algériens, notamment ceux de ma promotion aux beaux-arts, venir au vernissage et donner leur avis sur cette initiative? En tant qu'artistes, nous devons nous engager dans des projets à visée éducative, nous devons jouer un rôle dans la société où l'on vit. On a le droit de critiquer, mais à un moment il faut aussi agir pour passer le message et laisser une trace».Né à Koléa en 1962, Tidjani Benlarbi a étudié à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts d'Alger. Installé en France depuis 1991, il a mené, à côté d'une intense activité artistique, de nombreuses actions culturelles dans des hôpitaux, des établissements psychiatriques ou des prisons dans le cadre d'activités associatives. L'exposition «Art-thérapie» se tient actuellement et jusqu'au 23 décembre 2015 à Dar Abdellatif.




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