Algérie

La tentation sécuritaire : une conception de la sécurité nationale



Les fondements de l'Etat, élément de base du système international, et la survie de l'humanité peuvent être compromis par l'insécurité et les menaces pesant sur la sécurité. De plus, ce qui constitue une menace pour une région dans le monde, doit aussi être considéré comme telle pour l'ensemble du monde. Lorsque l'on parle de menace sur la paix et la sécurité, il faut considérer les guerres et conflits nationaux et internationaux, la criminalité organisée et la violence civile, les armes de destruction massive, le terrorisme, mais aussi la pauvreté et la dégradation de l'environnement, dont les conséquences peuvent aussi être dangereuses. Max Gounelle signalait dans l'un de ses travaux de recherche, que la sécurité, dans le milieu spécifique des relations internationales, correspond à un ensemble de circonstances dans lesquelles les Etats ne se considèrent pas comme menacés dans leur intégrité territoriale, leur indépendance et leur liberté de choix en politique intérieure ou extérieure. Cela explique que dans leur recherche spontanée de la sécurité, les Etats aient, traditionnellement, fait prévaloir les aspects militaires: les considérations militaires et de défense ont une prégnance souvent déterminante sur la politique étrangère des Etats et sur l'ensemble des relations internationales. L'ancienneté d'une telle conception de la sécurité internationale a conduit les Etats à l'invention pragmatique d'un ensemble de règles qui constituent le cadre normatif de la sécurité internationale: principe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats; obligation de respecter la personne des diplomates, les locaux et les communications diplomatiques; obligation de régler pacifiquement les différends; réglementation de l'emploi et de la menace de l'emploi de la force armée; droit de légitime défense de l'Etat victime d'une agression; pouvoir discrétionnaire du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans la qualification des situations pouvant constituer des menaces contre la paix et la sécurité internationales y compris les actes d'agression; réglementation des hostilités qui résultent, à la fois, du droit de la guerre et du droit humanitaire réglementation internationale des armements, tant dans le domaine des armes de destruction massive que dans celui des armes conventionnelles qui passent, aujourd'hui, d'une manière informelle les frontières pour la déstabilisation de certains pays... En effet, dans le cadre de nouvelles menaces et de la véritable explosion de la demande diversifiée en sécurité, les Etats concernés, et même l'ONU, n'ont certainement pas les moyens logistiques pour répondre à pareille demande. Ce que l'on peut noter, ici, est que la paix et la sécurité internationales ne découlent pas seulement aujourd'hui de cette bonne liste de principes et de règles, et donc de l'éventuelle absence de guerre et de conflits armés. D'autres menaces à la paix et à la sécurité des pays, de nature non militaire, trouvent leur source, d'un côté dans les actions armées, de nature clandestine, visant à provoquer une peur chronique dans le camp des tenants de l'ordre établi, et d'un autre côté dans l'instabilité qui existe dans les domaines économique, social et humanitaire. Dans ce sens, on peut considérer que certaines menaces et certains risques transnationaux peuvent affecter la sécurité de l'Algérie. Il en va ainsi du terrorisme et de la criminalité transfrontalière (actions de barbarie, mafias, corruption, trafic de drogue, blanchiment de capitaux...). En revanche, il est à mentionner que la sécurité en Algérie a été largement rétablie, partout à travers le pays, grâce aux sacrifices de la population et surtout des forces de sécurité, en comparaison avec la situation de la décennie des années quatre-vingt-dix. La paix civile a été restaurée en Algérie grâce aux bienfaits de la concorde civile, aussitôt transformée en réconciliation nationale. Dans cette paix retrouvée, les Algériens doivent apprendre à s'accepter avec leurs différences d'opinion, et à faire prévaloir le fait qu'en définitive, nul parmi eux n'a de patrie de rechange. Par contre, les problèmes de sécurité de ces derniers temps qui peuvent avoir diverses origines, comme par exemple, provenir des groupuscules s'organisant désormais de façon «déterritorialisée», font remonter des traumatismes que le pays n'a pas connus depuis le regain d'une certaine sécurité. Cette nouvelle vague de violence doit être placée à la fois dans le concept intérieur et aussi international. Le débat est au c?ur de la problématique des relations internationales de demain. Dans un monde où les frontières ne sont plus ce qu'elles étaient, l'ennemi «destructeur» est partout et nulle part à la fois. En Algérie, tout le monde est pour la réconciliation nationale et contre ces actes barbares qui nuisent à la sécurité et qui ont été condamnés par toute la communauté internationale, notamment par de grands théologues. L'Algérie a donc tout intérêt à s'inscrire dans une démarche appelée tentation sécuritaire qui consiste à privilégier un mode d'action résolument politique et sécuritaire orienté sur l'auto-protection. Au niveau interne, comme disait Christophe Euzet dans l'un de ses travaux de recherche, cette tentation sécuritaire peut prendre les contours d'une pratique de normativité à outrance (voire policière), induite par la lutte contre les dérives sociales. Toujours selon cet auteur, au niveau international, elle peut se concrétiser par la production de règles, de plus en plus, privatives de libertés, c'est-à-dire par des systèmes de contrôle plus vigilants au niveau des frontières ou par la violation des règles considérées comme trop permissives. Afin de lutter contre de telles dérives, l'Etat peut être conduit à adopter des mesures de répression, en rupture avec les principes normatifs du droit international public, qui menacent l'édifice en cours de construction. La tentation sécuritaire algérienne peut donc revêtir différentes formes et se matérialiser à plusieurs niveaux. Dans le même sens et dans le cadre de la politique générale, l'Etat a donc le droit à la sécurité et dispose d'une grande marge d'appréciation dans le choix des méthodes et des moyens pour parvenir à cette fin qui est bien la protection de la sécurité de l'Algérie, pourvu qu'il respecte ses obligations internationales. Autrement dit, cela implique la fabrication de la capacité à réaliser cette sécurité. Enfin, pour prévenir l'insécurité, l'Etat algérien doit s'attacher à suivre certaines orientations. En particulier, il convient d'adopter une stratégie globale reposant sur une idée maîtresse: dissuader les populations de recourir ou de soutenir ces actes responsables de l'insécurité et empêcher les éventuels responsables de se procurer des fonds et des équipements. L'Algérie a intérêt à travailler dans le sens d'une coopération plus efficace pour combattre et éradiquer la criminalité organisée, notamment dans le cadre de la défense des frontières dites naturelles ou de sécurité. Le principal est de conduire à une conception des politiques publiques sécuritaires qui, au nom de la sécurité nationale, aboutirait à traiter l'essentiel des problèmes dans l'optique du maintien de l'ordre. Une telle vision sécuritaire pourrait privilégier l'action des institutions répressives traditionnelles dans une approche de la sécurité individuelle du citoyen et de l'Etat, et de non-violation des droits de l'Homme. Pour conclure, l'on peut dire que le passé a déjà montré que des situations que l'on croyait pérennes et insurmontables (comme l'affrontement Est/Ouest), ne permettent pas de préjuger des soubresauts inédits de l'histoire. * Docteur en sciences politiques (politologue)


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