Algérie

La tentation du changement



La tentation du changement
La tentation du changement
Nous cherchons donc tous de l’air, à sortir la tête de l’eau de nous-mêmes. Nous cherchons tous à aller mieux, à ne plus nous cogner à ces mêmes murs, à ne plus ressentir les mêmes douleurs. Nous voulons faire différemment, mieux bien sûr. Nous voulons changer.
Nous ne savons pas trop là où cela nous mènerait vraiment à part que tout serait différent, enfin, parce que nous serions devenus autres.
Si nous n’y arrivons pas tout seuls nous irons voir des psys, des thérapeutes. Ils sont là pour ça non ? Nous nous disons qu’eux ils savent faire, qu’ils vont nous réparer. Eux nous aideront à changer. Sinon à quoi verrait-on qu’ils sont utiles ? Notre changement sera le reflet de leur compétence.
Nous pensons d’ailleurs que si nous sommes conscients du problème nous sommes déjà sur le bon chemin. Ce serait déjà un premier pas. Nous pourrions nous méfier parce que cette prise de conscience ressemble à s’y méprendre à un mea culpa. Pourtant cela ne nous alerte pas. La culpabilité, celle de n’être que nous, nous est familière. Nous pensons tous que qui nous sommes ça ne va pas.
Nous sommes sûrs qu’il y aurait des choses à changer, des réactions à modifier, des transformations à opérer. Nous devrions être plus ceci, moins cela, autre chose de toute façon. Ce serait en changeant qui nous sommes que nous pourrions être heureux. Pas trop heureux, pas tout le temps, nous sommes raisonnables mais, quand même, un peu plus.
Si nous sommes en quête de sagesse, là aussi, il faudrait s’appliquer à devenir. Devenir plus présents, plus ouverts, laisser être. Cette idée aussi pourrait nous mettre la puce à l’oreille. Faire l’effort de laisser être est-ce encore laisser être ? Il faudrait tout laisser être sauf nous qu’il faudrait s’appliquer à changer ? Accepter tout mais nous changer nous ? Il y a quelque chose là-dedans qui ne tourne pas rond non ?
Malheureusement nous ne voyons pas qu’au passage nous nous sommes attaqués, jugés. Au passage c’est nous que nous avons nié puisqu’il faudrait se dépêcher de changer. C’est nous que nous rejetons, nous avec nos peurs, nos hésitations, nos émotions excessives, nos défauts, nos incapacités et nos erreurs.
Le problème, pourtant, ce ne sont pas nos peurs, nos failles mais le lien que nous avons avec elles. Le lien que nous avons avec elles n’est rien de moins que le lien que nous avons avec nous-mêmes puisqu’il s’agit bien de parts de nous. A vouloir être différents nous nous abandonnons. Avec qui d’autre qu’avec nous-mêmes sommes nous si rejetants, jugeants, si durs ? Qui traiterions nous comme nous nous traitons ? Qui d’autre que nous voudrions nous tant transformer ?
Evidemment la démarche est contre intuitive. Nous allons dire que, bien sûr, nous avons un mauvais lien à nos peurs parce qu’elles nous rendent la vie plus difficile, bien sûr que nous avons un mauvais lien avec nos agacements, nos élans de mauvaise foi ou encore nos fuites. Mais encore une fois c’est de lutter contre qui les renforce et puis, nous pouvons toujours les nier, ils sont déjà là.
Et si c’était l’inverse qui allait nous soulager ? Et si nous étions moins durs avec nous-mêmes ? Et s’il n’y avait pas une meilleure version de nous-mêmes à construire, une version corrigée, à venir ? Et si ce qui allait nous rendre plus heureux c’était de changer notre regard sur nous et pas nous-mêmes ? Et s’il n’y avait rien à changer en nous et que c’était précisément ça le changement qui nous ferait respirer à nouveau ? A-t-on déjà appris quoi que ce soit à qui que ce soit avec des critiques permanentes, des coups ?
Et si nous pouvions changer seulement l’abord que nous avons de nous-mêmes ? Et si les thérapeutes pouvaient nous aider à ça plutôt, à développer de la tendresse pour nous ?
Peut-être pourrions nous arrêter de vouloir changer. Peut-être pourrions nous nous prendre tels quels. Peut-être pourrions nous dire, au moins de temps en temps, à défaut de toujours : « Qui je suis ça va ». Peut-être même que c’est en regardant avec douceur qui nous sommes que nous pourrions le laisser se modifier tout seul parce que nous nous détendrions enfin.
Xavier Mathieu


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