Algérie

La tentation de l'abyme



«En abyme» se dit d'une oeuvre citée et emboîtée à l'intérieur d'une autre de même nature (récit à l'intérieur d'un récit, tableau à l'intérieur d'un tableau, etc.)» ceci pour la définition académique. Pour faire plus célèbre en littérature, il reste et à ce jour «Les Mille et Une Nuits»...Au cinéma et sans remonter trop loin citons «Le projet Blair Witch» de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez ou «Mulholand Drive» de David Lynch. Pour arriver à Mia Hansen-Love et son dernier-né «Bergman Island», présenté cette année à Cannes et qui balada son public au gré de ses humeurs scandinaves. Ou plutôt celles de son couple de cinéastes venus sur l'ile de Farö, chercher des clés à même de débloquer des situations scénaristiques dans l'impasse. Cette île de la Baltique ne doit sa mondiale renommée qu'au cinéaste suédois le plus célèbre au monde. Farö avait accueilli le tournage de «Comme dans un miroir» du maître scandinave en 1960. Depuis, une gémellité toponymique s'est établie entre cette langue de terre et cet homme. Depuis sa mort, en 2007, cette destination se transforma en lieu de pèlerinage des cinéphiles. Et c'est donc tout naturellement que les personnages principaux du film de Hansel-Love s'y sont donc rendus. Dans une première partie, le spectateur eut droit à un portrait robot de Bergman taillé à la serpe. C'est qu'il n'avait pas une réputation aussi flatteuse que son oeuvre. Autocrate proclamé pour certains, irascible pour d'autres. Père peu modèle, ayant eu neuf enfants de six mères différentes. La statue du commandeur en prend un sérieux coup aux tibias. Seul le «Bergman tour» (si, si, il existe vraiment) recadre les choses dans une optique artistique en remontant un itinéraire bien balisé le long des lieux de tournage et des espaces habités (maison, salle de projection, bibliothèque). Et c'est à ce moment qu'un habitant du crû rappellera l'ennui que la proximité d'Ingmar Bergman provoque. Sauf que depuis Pascal et ses Pensées on sait que l'ennui peut-être expérience du temps.
Ceci peut aisément s'appliquer à Bergman, mais l'ennui que distille, par à-coups, Mia Hansen-Love, ne trouve pas forcément une résonance intellectuelle et à aucun moment. Pourtant, on a failli se l'éviter lorsque la cinéaste franco-danoise via son héroïne (Vicky Krieps), racontant son scénario, en panne d'inspiration à son compagnon (Tim Roth) développa une image d'amour difficile à se nouer durablement.
Quand West Anderson s'abîme...
Le film dans le film, cette mise en abyme a failli fonctionner, l ennui s'étant retiré sur la pointe des pieds. Momentanément. «Cathartique, ce film dans le film, intitulé ´´la Robe blanche´´ [et interprété par Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie], ne cherche pas seulement la réparation, il clame la jouissance à abolir les frontières entre ce qui a eu lieu et n'a pas eu lieu, entre ce qui a existé et ce qu'on aurait aimé qu'il existe» admet Hansel-Love. Admettons aussi.
«Une lettre d'amour aux journalistes placée dans un avant-poste d'un journal américain dans une ville fictive française du XXe siècle qui donne vie à une collection d'histoires publiées dans le magazine «The French Dispatch». C'est ainsi que West Anderson résume l'argument de son dixième film «The French Dispatch» qui a été entièrement tourné dans la ville française d'Angoulême, qui abrite le festival de la bande dessinée. Et là aussi il est question d'ennui, mais comme référence géographique puisqu'il est dans le nom d'un village français (fictif) Ennui-sur-Blasé! Le film où la jeune Algérienne Lyna Khoudri fait ses premiers pas dans une production américaine, assurée par Roman Coppola. À ses côtés on repérera les visages de Léa Seydoux, Mathieu Amalric, Cécile de France, Vincent Macaigne, Benjamin Lavernhe, Frances Mc Normand, Elisabeth Moss, Tilda Swinton, Benicio Del Toro, et bien sûr même Bill Murray qui montera les marches avec à son bras la révélation de «Papicha» de Mounia Meddour. Toute cette brochette d'actrices et d'acteurs n'empêchera pas l'ennui poli mais bien réel devant cette débauche d'images qui passent au rythme d'un chanteur de Be Bop et dans un débit d'arme automatique. Toute cette figuration, car c'est ainsi qu'on appelle les apparitions brèves ou moins brèves à l'écran, semble avoir fini de provoquer l'effet inverse une jubilation contrariée sans doute par une frustration bien réelle celle-là. Point de mise en abyme aboutie chez Anderson, tant la débauche de sons et de couleurs aura abimé l'essentiel, l'imaginaire...


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