Algérie

«La tendance des prix sera baissière»



«La tendance des prix sera baissière»
- La réunion de l'OPEP, qui s'est tenue jeudi à Vienne, n'a finalement pas débouché sur une décision en faveur d'une réduction de la production pétrolière. Quelle en est la raison, selon vous 'Sur le plan pratique, pour prendre une décision au sein de l'OPEP, il faut obtenir l'unanimité. C'est une organisation qui prend ses décisions à la majorité. Depuis déjà quelque temps, on savait bien qu'il n'y avait pas d'unanimité à l'OPEP, il était donc peu probable que la réunion de jeudi débouche en faveur d'une réduction de la production pétrolière.Un deuxième point concerne le fait que parmi les pays qui s'opposaient assez fermement à une baisse de la production, dont l'Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis, il y a cette idée de donner à présent la priorité à la défense des parts de marché. Quand on est producteur, on a deux stratégies possibles : défendre un certain niveau de prix et, éventuellement, être prêt à perdre et voir les ventes diminuer, même si le prix défendu n'est pas apprécié par les acheteurs potentiels, ou alors, défendre les parts de marché en étant flexible et souple sur les prix.Ce qui est sûr, c'est qu'un producteur ne peut pas défendre à la fois un prix et une part de marché. Il faut faire un choix. Durant les dernières semaines, l'Arabie Saoudite a changé sa stratégie pétrolière, en donnant la priorité à la défense de sa part de marché, notamment sur l'asiatique, qui est son principal marché. C'est la raison pour laquelle elle a décidé de ne plus se battre pour soutenir un prix de 100 dollars le baril, qui est un prix qu'elle considérait excellent jusqu'à il y a quelques semaines, mais qu'elle estime, maintenant, ne plus être adapté à la réalité du marché d'aujourd'hui.Il faut dire, par ailleurs, que lorsque l'OPEP réduit sa production, cela s'est produit dans le passé, des pays en dehors de l'Organisation ne faisaient rien ou pas grand-chose. Le message que l'Arabie Saoudite veut faire passer consiste à dire qu'elle ne veut pas réduire sa production parce que, en fait, on sait très bien que si la production est réduite, ce sont des pays non-OPEP qui vont en profiter.- Certains analystes soutiennent l'idée que l'Arabie Saoudite cherche plutôt, à travers sa décision, à freiner l'essor du pétrole de schiste aux Etats-Unis, ou encore qu'elle veut saper l'influence de Téhéran et de Moscou en raison de leur soutien au président syrien. Qu'en dites-vous 'Non je ne suis pas d'accord avec ça. Je crois qu'il y a une confusion dans cette thèse. Lorsqu'on regarde bien la chronologie des faits, on voit très bien que les prix ont commencé à chuter au cours de l'été 2014, alors que l'Arabie Saoudite n'avait pas du tout modifié sa stratégie pétrolière.Donc ce n'est pas elle qui a commencé à faire chuter les prix du pétrole. Ces derniers ont commencé à baisser depuis le pic de juin, où ils ont atteint le record de l'année, à savoir 115 dollars le baril. On a vu sur le marché, à ce moment-là, un ralentissement économique qui a pesé sur la demande, une abondance de la production pétrolière mondiale, notamment en Amérique du Nord, et l'Irak a beaucoup produit et exporté malgré la guerre contre le groupe Etat islamique.De même, il y a eu un mieux en Libye, en termes de production et d'exportation et, enfin, la hausse du dollar qui se traduit souvent par une baisse des prix du pétrole. Globalement, il y a quatre facteurs qui expliquent la chute des prix du pétrole : une demande moins dynamique que prévu, une offre abondante et croissante, grâce à la production de l'Amérique du Nord, la présence des pétroles irakien et libyen sur le marché et la hausse du dollar.C'est cette combinaison de raisons qui a fait que les prix ont commencé à chuter. Plus tard, alors que les prix ont chuté, l'Arabie Saoudite s'est interrogée sur ce qu'elle devait faire dans ce contexte-là. Elle a ainsi opté pour un changement de stratégie, donnant la priorité à la défense de ses parts de marché. Ce faisant, cela est devenu, évidemment, un facteur supplémentaire de baisse des prix. L'Arabie Saoudite a réagi à la baisse, elle ne l'a pas créée.Le fait que cette baisse soit un inconvénient sérieux pour des pays tels que l'Iran et la Russie, qui sont les principaux soutiens du régime de Bachar Al Assad, cela ne fait pas de la peine à l'Arabie Saoudite, bien entendu. Mais cela n'a pas été la motivation de son changement de stratégie pétrolière. Un changement qui a été décidé pour des raisons pétrolières et économiques, même si par la suite, cette modification a eu des conséquences politiques et stratégiques.- Concrètement, comment le marché pétrolier mondial va-t-il réagir à la décision de l'OPEP 'Très clairement, on le voit depuis jeudi, les prix avaient déjà beaucoup baissé avant même la réunion de l'OPEP, parce que les traders sur le marché se doutaient bien que l'Organisation n'allait pas réduire sa production. Après l'annonce de la décision de l'OPEP, les prix ont encore chuté. Hier matin, ils étaient en dessous de 72 dollars le baril. La baisse est donc vertigineuse.Vraisemblablement, la tendance sera baissière, puisque l'OPEP a annoncé qu'elle n'était pas prête, pour l'instant, à défendre les prix. Ces derniers peuvent continuer à baisser, à moins que l'on estime, sur les marchés, que la baisse depuis juin est tellement importante que les prix devraient se stabiliser autour de 70 dollars le baril. Mais ce qui s'est passé à Vienne n'est pas de nature, dans l'immédiat en tout cas, à faire remonter les prix.- Certains vont jusqu'à prévoir un prix à 60 dollars le baril?L'hypothèse de 60 dollars aurait paru fantaisiste il y a de cela très peu de temps. Mais aujourd'hui, on ne peut pas l'exclure. Il y a deux scénarios possibles : soit les prix continuent à baisser, ou alors, les opérateurs sur le marché estiment que les prix ont suffisamment baissé, qu'ils ont encaissé leurs bénéfices et cela peut entraîner, du coup, une stagnation des prix pendant quelque temps. Il y a un troisième scénario, où les prix pourraient remonter, mais là je ne vois pas pourquoi.- Quel impact aurait un baril de pétrole à 70 ou 60 dollars pour l'Algérie 'Evidemment, c'est une fort mauvaise nouvelle pour tous les pays comme l'Algérie, qui, malheureusement, sont très dépendants des hydrocarbures. On sait très bien aussi que les prix du gaz algérien à exporter sont indexés sur les prix du pétrole ou des produits pétroliers. La chute des prix aura donc un impact sur les exportations du pétrole, mais aussi sur celles du gaz. Ce qui se passe actuellement sur le marché est donc extrêmement grave, puisqu'on est maintenant sur une baisse qui n'est pas loin de 40%.Si ce phénomène dure une année, cela va entraîner une forte diminution des recettes des exportations et des revenus budgétaires de l'ordre de 30 à 40%. Cependant, l'Algérie a l'avantage, comme quelques autres pays, d'avoir des réserves de changes importantes (193 milliards de dollars fin 1er semestre 2014).Elle n'est donc pas en danger et ne risque pas, à court terme, d'être étranglée financièrement. Mais elle n'est pas non plus l'Arabie Saoudite, les EAU, le Koweït ou le Qatar. Sa situation n'est pas dramatique dans le court terme, mais c'est une situation extrêmement préoccupante. Toutefois, je continue à penser qu'à moyen et long termes, les prix du pétrole et de l'énergie seront plutôt orientés à la hausse.




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