La tartufferie des puissants

Le G8 se réunit demain au Japon avec, semble-t-il, unevolonté d'apporter une réponse à la crise alimentaire qui met déjà en périlplus de cent millions de personnes et déstabilise de nombreux Etats dans le suddu monde.

Il y a d'emblée un vice profond dans ce G8 qui regroupe lespays les plus riches du monde: les pays émergents comme la Chine et l'Inde, àqui l'on reproche de progresser trop vite - et de provoquer une hausse des prixdu pétrole et des denrées alimentaires -, ne font pas partie du «club». Biensûr, on va les consulter le mardi, dans le cadre du G13 qui inclut la Chine,l'Inde, le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud. Tout comme d'ailleurs onrencontre, depuis le sommet de Kananaskis de 2002, les chefs d'Etat de septpays africains sans que les choses ne décollent. Les promesses d'aide àl'Afrique formulées par le G8 n'ont pas été respectées et tout indique qu'il vase défausser de ses engagements.

A l'évidence, les invités du syndicat des riches, qui s'estconstitué en 1975 pour discuter de manière «informelle» sur la marche du monde,n'ont pas voix au chapitre. Ils sont là, malgré eux, pour faire de lafiguration et donner aux «patrons» du monde l'image d'une écoute aux autres quin'existe pas. Si pour l'Afrique, en l'état actuel des choses, cette présencefigurative se comprend, cela n'est pas valable pour les pays émergents dont lepoids dans l'économie est de plus en plus important. Mais on peut s'attendre àce que le syndicat des riches mette tout en oeuvre pour préserver son formatqui, en terme de puissance économique, ne cadre déjà plus avec la réalité.

Pour le reste, on entendra sûrement une répétition desarguments occidentaux qui imputent la hausse des prix pétroliers auxproducteurs, tout en relativisant, voire en la niant, la part considérable quejoue la spéculation.

Les altermondialistes, qui poursuivent avec une constanceremarquable ces sommets des chefs d'Etat rassemblés dans des bunkershyperprotégés, donnent un autre son de cloche. Ils sont, dans un monde mis aupas par l'ultralibéralisme brutal et militarisé parfois, les défenseurs d'uneautre mondialisation, humaine et sociale. Dans le discours des puissants, ce nesont que des utopistes, mais ce sont les utopies axées sur le progrès humainqui font changer le monde.

A la veille de ce sommet du G8, un journal britannique arévélé les conclusions d'une étude, gardée secrète, de la Banque mondiale, quimontre la part considérable (75%) des biocarburants dans la flambée des prixdes denrées alimentaires. Or, ceux qui encouragent le détournement del'agriculture vers les biocarburants au détriment de l'agriculture vivrièresont bien au G8 et ils vont sans doute lancer un appel pieux pour répondre à lagrave crise alimentaire qui sévit au sud du monde. Une tartufferie de plus despuissants...