Algérie

La stratégie fiscale de l?Algérie : Des imperfections et des implications gravissimes et dangereuses



A travers des propositions différenciées d?articles de presse que je vous ai adressés à la publication par le passé, j?y avais exposé à chaque occasion les raisons et les tenants qui stigmatisaient la pente dangereuse dans laquelle s?engage avec légèreté la stratégie de la fiscalité nationale algérienne.Dans une de ces propositions que j?avais intitulée «Hérésie fiscale de la loi de finances 2007», j?avais traité de l?IFU, un impôt forfaitaire unique que le ministère des Finances instituait à partir de cet exercice. Conséquence de cette décision, les bureaux d?études, les professions libérales, les bureaux de consulting, les cabinets de tenue de comptabilités, les cabinets de géomètres, les cabinets fiduciaires, etc., ont tiré la sonnette d?alarme pour dénoncer cette mesure qui allait systématiser l?obligation d?avoir à payer des impôts. Ces bureaux voyaient venir la menace qui ciblait l?entrée en inaction de leurs corporations de professions dites d?experts et d?expertise.Déjà lourdement frappées par l?entrisme concurrent de leurs semblables étrangers, ces corporations intellectuelles doivent désormais payer systématiquement des impôts même si on n?a pas pu faire de recettes faute de plans de charges, même si leurs activités étaient irrégulières, instables et aléatoires. Dans ce même contexte, a contrario et à la faveur de la clause «prestations et services négociés dans les accords internationaux», les cabinets étrangers d?expertises sont autorisés à rapatrier leurs bénéfices. Dans le même style, quelque temps après la mesure, ce sont les commerçants détenteurs de registres de commerce qui reçurent contre leur gré des avis d?office de fixations d?assiettes fiscales.Autour de l?UGCAA (Union générale des commerçants et artisans algériens), ils ont entrepris de dénoncer les services des inspections fiscales qui refusaient d?autorité de prendre en compte les présentations volontaires et justifiées de leurs bilans et d?écouter leurs doléances. C?était pour tout le monde l?instrument unique qui restait pour critiquer les prononciations d?office des assiettes fiscales improvisées derrière les bureaux des inspections et les bureaux de tutelle. Ce n?est que des mois plus tard que les services des impôts durent reconnaître en sourdine et à moitié la mauvaise direction de leur trouvaille, qu?il admettent d?ailleurs comme telle puisque le ministre en poste avait ouvertement déclaré que l?Algérie était le seul pays au monde à l?avoir fait. Les responsables des impôts à des niveaux différenciés admettent finalement leur impair; et au cours de conférences, y compris avec la presse, ils ont signifié qu?ils allaient réagir en annonçant qu?il devait être fait quelque chose pour cadrer l?application de cette mesure et la corriger au vu des réclamations enregistrées. Etant entendu que si cela devait intervenir, cela sera à leur vitesse uniquement, mais pas à celle de centaines de milliers de commerçants et de contribuables terrassés par les avis fiscaux qu?on leur a envoyés, les assignant à payer, à fermer, à chômer, à subir...Ce sursaut des responsables des impôts est-il suffisant ? La réponse est non.Examinons pourquoi. Le développement économique et la croissance des nations sont régentés et impulsés par la rigueur, la cohérence et la permanence des revenus de sa fiscalité. Qu?en est-il en Algérie actuellement ? Les revenus fiscaux sont apportés pour plus de 60% par la rente pétrolière. Le restant de l?apport proviendrait de la fiscalité ordinaire classique. Notons spécialement que ce deuxième apport est dumpé par le secteur public à partir de l?activité économique et industrielle des entreprises nationales; minoritaire, la part du secteur privé est crescendo de plus en plus insignifiante... Ce premier constat met en évidence la précarité et le déséquilibre de l?assise fiscale nationale. Une précarité qui menace sérieusement le pays tout entier. * Une assise générée à l?exclusive par la vente des matières brutes extraites du sous-sol algérien (actuellement dépourvue de croissance, la part de la fiscalité ordinaire ne compte pas). Ce type de revenus fiscaux est donc circonstanciel, lié à la disponibilité durable ou non de ces matières premières. Ces revenus ne sont pas stables et leurs volumes découlent par ailleurs des coûts et des cours des hydrocarbures à la vente sur le marché international.A elle seule, cette description devrait suffire pour amener les responsables des impôts à décider de gérer la fiscalité pétrolière séparément par une direction centrale intrinsèque que l?on devra ériger spécifiquement dans l?organigramme du ministère des Finances. Cette comptabilité fiscale propre «hydrocarbures-mines» doit faire l?objet d?un «Benschmark» spécial qui s?attachera à évaluer dynamiquement les rapports «coût & prix & probabilité de ventes» des hydrocarbures et des mines. L?estimation et l?évaluation dynamiques et simulées de ces ventes dans des proportions réelles ou probables permettront de fournir des indications et des échéances qui aideront la décision étatique à s?exercer efficacement. On veillera ainsi à prendre la trajectoire qui supportera spécifiquement la gestion de ces revenus spéciaux dans un cadre administratif et financier à part. Au 07-05-2008, le baril de pétrole était coté 122 dollars. La période estivale qui rentre devrait tendre à accroître ce prix dans les semaines et les mois qui viennent. Les recettes algériennes devraient en conséquence croître et les réserves en devises également, mais elles croîtront dans une dynamique moindre car le pays, faute justement d?une fiscalité non pertinente, enclenche curieusement une politique d?expatriement de devises vers l?étranger. Pourtant, il est connu et admis internationalement que les bénéfices produits par une économie de croissance sont réinvestis au profit de cette croissance, sur place normalement ou ailleurs, peu importe, notamment en ces temps d?économie mondialisée.Cet ensemble de remarques suggère de relancer la politique de remboursement de la dette externe et viser le taux zéro, de tolérer l?endettement international seulement pour des secteurs dits de partenariats économiques réciproques, de stimuler les épargnes internes et externes alimentées par les industries extractives dans les hydrocarbures et les mines. C?est une précaution fondamentale pour se prémunir contre l?inflation dévorante.De plus, les engagements physiques et financiers actuels de l?Algérie sont suffisants pour privilégier cette politique sélective et ouverte d?épargne financière, en attendant que sur place en Algérie des potentiels industriels algériens puissent se doter et offrir des capacités industrialisantes à valeurs ajoutées. Les industries légères algériennes sont actuellement en décroissance, en partie à cause des privatisations, en partie à cause de l?absence de mise à niveau industrielle et de l?obsolescence technologique, en partie en raison d?un tissu de PME qui cherche à se faire une place dans les marchés algérien et extérieur... * Alors la fiscalité ordinaire des entreprises publiques évolue vers la baisse (l?augmentation dont il été fait état il y a quelques mois en 2008 pour 2007 est d?ordre inflationniste) et les programmes nationaux d?ouverture économique la poussent à la restriction interne (régimes fiscaux subventionnés accordés aux nouvelles entreprises à titre d?encouragement). Les programmes de privatisation des entreprises et de promotion de l?IDE sont facteurs à restructurer positivement cette forme de fiscalité, mais cela ne peut intervenir qu?à l?issue d?une certaine temporisation (par exemple une dizaine d?années, vers 2017 si l?accord d?association avec l?UE donne des résultats positifs). Cela interviendra aussi en misant sur des actions et des programmes de développement qui promeuvent la liberté d?entreprendre supportée par le libre jeu de la Bourse d?Alger.Le marché financier obligataire est seulement une technique d?appoint. Elle ne doit pas être la règle ou la panacée, uniciste. En Algérie, elle a maintenant 10 ans d?âge et de pratique passifs. Contributive actuellement dans la proportion de 30% dans la collecte fiscale nationale, cette part, y compris la participation de la fonction publique pour les salaires, va relativement continuer à baisser au profil de la dite échéance. * La fiscalité des entreprises du secteur privé interne est très faible. De plus, elle est incertaine devant la concurrence mondiale pendant cette même échéance. En outre, elle est réduite et notre pays compte, selon diverses sources, à peine quelque 380.000 PME (la vérité du chiffre importe peu dans l?analyse que nous faisons, quand bien même d?autres sources indiquent que le dénombrement des PME algériennes compte 1 million). Cette forme de fiscalité devrait par contre connaître un basculement positif de son assiette à cause des transformations économiques qu?apporteront les programmes de privatisation et la promotion des IDE. Pareillement, ce basculement plaide pour créer au sein du ministère des Finances une direction centrale qui sera chargée de la fiscalité privée. Alors le patronat algérien ou un groupement d?entrepreneurs algériens peuvent décider collégialement de la création d?une banque dite à capitaux privés dont ils seront les membres du conseil d?administration. Une telle banque décidera de promouvoir l?investissement et l?épargne privés. A la Bourse d?Alger (SGDVB) et dans Algeria Clearing, ils prendront place également en qualité de membres du conseil de direction au sein de la COSOB. La collégialité bancaire et entrepreneuriale du secteur privé algérien peut s?exprimer rapidement en prenant des parts, par exemple dans la SNVI.Dernièrement, la direction générale de cette entreprise, après s?être embourbée dans son programme de renouveau pour fabriquer de nouvelles boîtes à vitesses, a tiré la sonnette d?alarme sur sa situation et a appelé au secours. Elle n?avait pas jugé utile d?écouter des experts et ses clients qui lui réclamaient d?augmenter plutôt la puissance de ses moteurs diesel. Son appel semble avoir été entendu puisque les décideurs officiels ont opté pour installer un fabricant automobile chinois pour monter des camions à Biskra, à la place de Tiaret cette fois-ci. Pour les voitures légères, la Chine préfère les exporter directement.Ainsi donc, l?état de précarité de la fiscalité algérienne exclut toute garantie visant à rassurer la nation qu?elle rapporte bien des revenus fiscaux capables d?alimenter selon un régime stable et durable les budgétisations des lois de finances de l?avenir. Une précarité, hélas, qui semble s?installer dans la durée et dans les habitudes comportementale des décideurs de l?économie nationale. La procédure budgétaire d?élaboration de la loi de finances continue d?être reconduite chaque année selon la forme décrite comme si les tenants de cette forme étaient éternels. Tout est donc basé sur la rente pétrolière. Devant l?ampleur de ce phénomène et devant la légèreté de la stratégie fiscale algérienne, les responsables du secteur des finances déclarèrent qu?ils allaient s?engager à mener à terme une réforme fiscale à la hauteur des attentes. Seulement, au fil des trois ou quatre dernières années, la pratique utilisée pour cela pour conduire la dite réforme a montré des limites négatives et a au contraire impliqué un recul sur plusieurs plans. La rigueur budgétaire et comptable de la fiscalité algérienne allait vers son naufrage.Voici les scènes les plus visibles de ce naufrage...  1. Au plan organique La réforme a consisté à créer la DGE (Direction des grandes entreprises) pour capitaliser et collecter, est-il dit, les impôts dus par les grands contribuables. En fait, qui est concerné ? La Sonatrach pour l?impôt pétrolier, les DGI et DGD (Directions générales des impôts et de la douane) agissant en qualité de percepteurs pour le compte du Trésor public, la fonction publique au titre de impôts prélevés directement sur les salaires (la part du privé est négligeable de plus en plus), les reversements au Trésor public des montants des polices d?assurances diverses...Qu?y a-t-il de nouveau dans cette liste pour justifier la dite création de la DGE ? En réalité, on ne fait que changer les noms et la DGE ne peut rien offrir que continuer comme par le passé à percevoir les impôts dus par ces agents économiques. Pour justifier cette décision, les services des impôts ont décidé a posteriori d?intégrer dans cette liste de grands contribuables, les importateurs, dont le nombre est devenu de plus en plus grand. D?un seul coup, des groupements d?achat, les importateurs sont érigés fonctionnellement en grandes entreprises. Quant à la présence étrangère avec ses charges fiscales, elles sont pour le moment embryonnaires sur la scène économique nationale. Toujours au plan organique, il a été décidé de créer des centres d?impôts, d?envergure moyenne, qui géreraient la fiscalité des PME et des centres d?impôts dits de proximité pour les chiffres d?affaires dits modestes. Dans ce nouveau schéma, les inspections et les recettes fiscales actuelles devront demeurer en état de fonctionnement et de service. Les structures organiques nouvellement créées y joueraient le rôle de structures de tutelle sur les dites inspections. Notons ensemble que cette démarche de construction massive de bâtisses pour abriter des centres d?impôts est encombrante du point de vue de sa mise en oeuvre. En réalité, purement et simplement, elle ne fera qu?ajouter des relais d?administratifs superflus, redondants et inutiles qui écarteront du même coup toute orientation et perspective d?informatisation des inspections fiscales et des recettes et leurs procédures. Pourquoi ? Parce qu?on dira, maintenant avec ces nouvelles bâtisses, nous sommes modernes (cette façon de moderniser a d?ailleurs été pratiquée lorsque les banques, pendant la phase dite de réforme bancaire, ont mis à exécution des programmes de renouvellement de meubles et de pose de faïence aux entrées des agences bancaires en guise de modernisation et de meilleur accueil clientèle).La restructuration organique ainsi décidée pour la fiscalité va impliquer pendant son implantation un séisme et un démantèlement désordonnant des procédures fiscales en vigueur et en cours. On passera la plupart du temps à réaliser massivement des déménagements de dossiers d?une structure vers une autre à tâtons, en doutant ou en espérant qu?ils vont aboutir à la bonne place. 2. Au plan fonctionnel La réforme fiscale s?est focalisée en pratique sur la création de l?IFU (Impôt forfaitaire unique). Bien que la loi prévoie en matière de choix de régime fiscal la libre option entre les régimes du réel et celui du forfait (la presse l?a annoncé officiellement dans cette forme), l?application de l?IFU est tombée comme un couperet sur les activités à bas chiffres d?affaires ou à chiffres d?affaires incertains... D?un seul coup, par décision ministérielle et sans études concertées a priori avec les syndicats professionnels et les patronats, les services des impôts imposent l?IFU à tous les registres de commerce du CNRC. Ainsi, environ un million de registres de commerce du CNRC sont taxés forfaitairement parce qu?ils sont considérés comme chiffres d?affaires inférieurs à 3 millions de dinars, faisant fi délibérément de toute approche à taxer les contribuables sur la base de la réalité de leur travaux, de leur revenus, de leurs activités et de la transparence comptable. Ainsi, toutes les activités relevant de prestations d?études, de recherches, d?expertise, etc, sont émargées de force à l?IFU et sommées d?avoir à verser des impôts régulièrement, même s?ils n?ont pas de recettes. Tous les bureaux de comptabilité qui activaient à tenir la comptabilité des clients et des tiers, du secteur du commerce notamment, ont dû baisser rideau par le fait que les contribuables sont dispensés de tenir une comptabilité, puisqu?ils n?ont qu?à s?acquitter désormais d?un impôt forfaitaire unique. Il n?est plus question de devoir faire de déclarations G50 (un imprimé méritoire de la rigueur comptable), ni d?avoir à présenter un bilan selon les normes du plan comptable national, ni à élaborer un compte de résultats pour attester de la véracité des faits de leur activité... 2.1. Désormais, l?impôt doit être négocié verbalement entre le commerçant et l?inspection fiscale, puis notifié après accord et entente anticipés par écrit à l?intéressé. Conséquence directe par rapport à son activité: il n?a pas à se soumettre aux procédures justifiées de vente et d?achats de marchandises apportées par des jeux de factures ou de bons de livraison. Il n?a pas non plus à devoir régler ses transactions commerciales en usant du mode de paiement par chèque. Ce n?est pas indispensable puisque la facture d?appui est devenue superflue. La traçabilité est balayée. 2.2. Pour un million de commerçants algériens (c?est-à-dire pratiquement tous), le régime de la facture et du bon de livraison disparaît. C?est le trabendo et l?informel qui devient d?Etat, officiel, et il couvre tout le territoire algérien. Quel registre de commerce va faire usage du chèque ou souscrire à l?utilisation du TPE (terminal de paiement électronique) pour cadrer son activité maintenant qu?il est soumis à l?IFU, ce mode d?impôt qui l?incite à s?approvisionner et à vendre sans documents retraçant les mouvements de trésorerie ? Plus encore, tout dernièrement, on a décidé de relever le seuil de l?utilisation du chèque à 500.000 dinars au lieu de 50.000 dinars. Cela revient intégralement à proscrire l?usage du chèque du champ de commerce. Du même coup, avec l?élimination du chèque comme moyen de paiement, on barre la route à l?utilisation moderne de la carte à puce que les nations émergentes imposent comme mode de paiement actuel, juste et transparent. Alors le programme de la SATIM sera désormais destiné à des utilisateurs qui seront désignés nominativement et sera limité pour toucher quelques milliers de transactionnaires potentiels du commerce. C?est essentiellement les quelques milliers de registres de commerce du CNRC résiduels, constitués des entreprises publiques de distribution, des grossistes privés et des importateurs.  A suivre


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