Algérie

La stratégie électorale risquée des démocrates



Se voyant souvent reprocher de ne pas user du même machiavélisme que leurs adversaires républicains, les démocrates aux Etats-Unis ont récemment introduit dans leur stratégie électorale une bonne dose de ruse, suivant un jeu des extrêmes qui pourrait toutefois se révéler dangereux. Pour le parti de Joe Biden, l'idée est simple: il s'agit de peser dans le processus des primaires du camp républicain, en donnant un coup de pouce aux candidats les plus radicaux, afin que par la suite le candidat démocrate se retrouve en position de force face à un rival difficilement éligible ou peu présentable. En d'autres mots, le pari est que, le jour du vote en novembre, les électeurs se détourneront d'un candidat républicain trop trumpiste, trop populiste ou trop novice en politique au profit d'un candidat démocrate présentant davantage de gages de sérieux ou de stabilité. Avec les élections de mi-mandat en ligne de mire, les efforts financiers se sont concentrés dans certains Etats pivots, comme l'Arizona ou le Michigan, susceptibles de faire basculer la majorité au Congrès à Washington. Les démocrates espèrent notamment augmenter leurs chances de rallier le vote des femmes dans les scrutins où s'aligneront des candidats républicains ouvertement anti-avortement. Du côté des électeurs de gauche, beaucoup ont salué cette nouvelle stratégie sans scrupules, y voyant une façon de rendre la pièce aux manoeuvres politiciennes des républicains pour contourner certaines règles du Sénat ou assurer la confirmation de juges conservateurs à la Cour suprême. Mais d'autres ont prévenu que le calcul de soutenir les extrêmes revenait à jouer avec le feu. «En brûlant des villages sous le prétexte de les sauver, on risque de ne laisser que des cendres», estime Peter Loge, un expert de l'université George Washington. «Se mêler des primaires du parti rival en soulevant des questions politiques peut s'avérer astucieux sur le plan stratégique», dit-il. «Mais amplifier des mensonges sur les élections, promouvoir des thèses conspirationnistes infondées et ouvrir le micro à des attaques contre les institutions démocratiques est une faute.» Lors de la primaire républicaine dans le Michigan, le candidat trumpiste John Gibbs, qui assure que Joe Biden n'a pas gagné l'élection en 2020, a coiffé au poteau Peter Meijer, l'un des dix élus du «Grand Old Party» à avoir voté en faveur de la destitution du président Trump après l'assaut contre le Capitole. Gibbs, qui a même un jour évoqué de soi-disant rites sataniques, peut remercier le parti démocrate, qui a dépensé un demi-million de dollars pour sa campagne. De façon volontairement trompeuse, un spot télévisé affirmait que Gibbs était «trop» conservateur, d'une façon faussement critique plutôt susceptible d'être vue comme un éloge par les votants de droite. Les démocrates ont également dépensé des fortunes pour des candidats niant le résultat de la présidentielle en Pennsylvanie, dans le Maryland et l'Arizona. Une tactique décriée par divers parlementaires démocrates ou encore par le consultant politique David Axelrod, architecte en chef des deux campagnes présidentielles de Barack Obama. Il évalue également la situation qui illustre selon lui le rôle néfaste à son paroxysme des «gros sous» en politique. «Ils manipulent les électeurs au lieu de les écouter. c'est écoeurant», déplore-t-il. D'autres voix estiment au contraire qu'il est légitime de durcir son jeu sur un terrain devenu plus âpre et davantage polarisé.»Dans ce système bipartite, il y a déjà un parti maître en politique sans pitié», constate Aron Solomon, juriste de l'agence Esquire Digital, en référence au parti républicain. «Se placer au-dessus de la mêlée peut sembler respectable mais aujourd'hui, c'est le meilleur moyen de se retrouver viré du pouvoir, non pas pour une élection, mais pour une génération.»


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