Algérie

La spiritualité d’aujourd’hui



La spiritualité d’aujourd’hui De tout temps l’homme a essayé d’appréhender, de réfléchir à son destin afin de donner un sens à sa vie, à sa mort inéluctable, et de répondre à l’angoisse provoquée par ses interrogations sur l’après-mort. En effet, aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire de l’aventure humaine, nous trouvons trace de croyances et de rites car l’homme est mû par un besoin inné chez lui de relier ses réflexions à une dimension sacrée, religieuse ou spirituelle. Cet héritage lointain de l’humanité n’est-il pas l’expression de la quête permanente chez l’homme à vouloir connaître l’inconnaissable ? Dans sa vision partielle de la vérité, l’homme a adoré les éléments de la nature, créé des idoles, divinisé des hommes comme lui, inventé des rites magiques, des concepts, des théologies... Mais, au fond, cela n’est il pas l’émanation du désir constant de réaliser en lui l’état de l’unité transcendantale, lien qui rattache sa vie par-delà la mort à l’éternité, source de toute manifestation ? « Mais plus vaste encore sont les propos sur l’homme, car l’homme est un problème pour l’homme » a dit le sowhidî . Cela est incontestable : l’homme n’a élaboré sa pensée que par rapport à sa vision, son interrogation du monde et de l’univers. Ainsi sont nées les civilisations humaines et avec elles la conscience universelle. L’homme s’est distingué de l’animal par son intelligence, par sa capacité à s’adapter, à concevoir des règles de vie, des lois, des philosophies et des vertus morales. C’est le passage de l’homme biologique à l’être spirituel, porteur de cette conscience universelle qui permît l’épanouissement de la société humaine. Les croyances et les religions furent le foyer-laboratoire où naquirent les différentes cultures avec leurs multiples richesses. La religion, dans ce qu’elle a d’essentiel, de spirituel, n’a de sens que si elle relie l’homme à l’absolu. Elle l’invite par une expérience vivante et intime, réconciliant le corps et l’esprit, à s’éveiller aux réalités subtiles. Elle lui permet d’atteindre l’équilibre et l’épanouissement de son être. Pour se parfaire en l’homme, elle a besoin d’un cheminement balisé, fruit de l’expérience, de la sagesse et de la connaissance de ceux qui l’ont devancée. En effet, c’est par cette transmission fidèle et complète qu’il se rattache aujourd’hui à cet héritage précieux et fécond. C’est le lieu de ressourcement ou se perpétue la transmission de la tradition vivante d’une génération à une autre. A notre époque la confusion est grande entre spiritualité et religion. Et il s’avère même que certains religieux craignent, voire condamnent le spirituel. Car celui-ci libère l’homme par une réflexion profonde et une méditation attentive du dogmatisme étroit de la dialectique et de la casuistique théologique. Cet enseignement permet de retrouver en nous la connaissance qui structure et nourrit la conscience. Cela nous conduit à expérimenter un état d’être en harmonie avec la réalité qui nous entoure. En ce sens, la tradition soufie prêche la voie du juste milieu entre le temporel et le spirituel, entre la loi (shar’ia) et la vérité (haqiqa). Si la première est un moyen d’adoration, une aide et un garde-fou permettant à l’homme de vaincre ses passions, d’atténuer son égoïsme et d’ouvrir son cœur à la générosité et au respect d’autrui, la seconde lui permet de vivre l’intime expérience de la présence divine. Par ailleurs, la loi (ou shar’ia) en elle même s’avère impuissante et dénuée de sens si elle se pratique sous la contrainte : « pas de contrainte en religion... » affirme clairement le Coran (Sourate 2, verset 256). Elle n’a de sens que si elle repose sur la foi (iman) qui rattache notre conscience à l’unité transcendantale. Elle est une force, une énergie qui pousse l’homme vers la certitude, la réalisation de son être d’étape en étape, de l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers l’extérieur. Créant ainsi un double mouvement qui relie le relatif à l’absolu, l’individualité de l’être au principe éternel et à l’essence première de toute manifestation (« Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché. Il connaît parfaitement toute chose » (Sourate 57, verset 3). Et c’est cela précisément qui donne à la formule de l’unité (tawhid), de la profession de foi musulmane (pas de Divinité autre que Dieu et Mohammed est le messager de Dieu), sa véritable dimension. Ce double témoignage, affirmation fondamentale de tout croyant, ne fait qu’attester l’unicité divine en toute chose, en confirmant le lien indéfectible de l’homme en tant que dépositaire et messager de cette vérité (khâlifa). Ainsi, pour le soufisme, l’humanité depuis Adam jusqu’à nos jours n’a de sens que dans la reconnaissance et le renouvellement de ce pacte primordial scellé dans la pré-éternité entre l’homme et Dieu. Il serait vain de rechercher dans l’expérience de la vie une finalité autre qu’être le témoin sous quelque forme que ce soit de la relation du tout avec l’Un.   Khaled Bentounès


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