Les compléments alimentaires et les produits parapharmaceutiques envahissent toutes les chaînes de télévision nationales. Les spots publicitaires diffusés à intervalle régulier dans les programmes de ces chaînes scandalisent les médecins. Ils dénoncent le silence des pouvoirs publics face à cette invasion cathodique.Rym Nasri - Alger (Le Soir) - D'interminables spots publicitaires sur les boissons gazeuses et fruitées, les produits laitiers, les desserts et le café envahissent, chaque année, les écrans de télévision des Algériens durant le mois de Ramadhan. Quelque peu délaissée durant le mois du jeûne de 2021, la publicité des produits alimentaires a cédé sa place aux compléments alimentaires et aux produits parapharmaceutiques. Une nouvelle «tendance» à laquelle ont adhéré toutes les chaînes de télévision nationales privées, mais aussi les chaînes publiques.
Tournant en boucle à longueur de journée, ces spots publicitaires présentent souvent ces produits comme des «remèdes miracles». Un «emballement» publicitaire qui vante les «bienfaits» des compléments alimentaires pour «réguler la glycémie», «soulager les douleurs rhumatismales», «mettre fin aux problèmes digestifs», «effacer la fatigue et favoriser la concentration», ou encore, «perdre du poids». Tous les arguments sont permis pour convaincre les consommateurs. Ce phénomène qui a pris de l'ampleur depuis l'avènement de la pandémie de Covid-19, et dont la cadence s'est accentuée durant le mois de Ramadhan, suscite justement l'indignation des médecins. Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), n'hésite pas à qualifier cette situation de «catastrophe». «Je suis scandalisé par rapport à toutes ces publicités des compléments alimentaires, alors que certains contiennent des substances médicamenteuses qui doivent être régies par une réglementation», dit-il.
Le comble, poursuit-il, «on les présente comme des produits qui ne peuvent engendrer aucun dégât sur la santé du citoyen». Il précise qu'au moment où le marché des compléments alimentaires est réglementé dans tous les pays du monde, dont certains interdisent leur vente en dehors des pharmacies, en Algérie, il évolue librement. «C'est la grande foire ! On importe les compléments alimentaires, et pour les écouler sur le marché, on recourt à leur promotion via la publicité», souligne-t-il.
Pourtant, assure-t-il, la consommation des compléments alimentaires sans contrôle et sans suivi médical peut porter atteinte à la santé des citoyens. «Le citoyen est livré à lui-même, et peut se procurer les quantités qu'il veut et mélanger les produits qu'il veut», note-t-il.
Alerte à la surconsommation
En l'absence d'une étude propre à l'Algérie, le Dr Merabet estime que les conséquences de la consommation et de la surconsommation de ces produits resteront méconnues. «Ce qui est valable pour un adulte ne l'est pas pour un enfant, ni pour une femme enceinte, ni pour une femme qui allaite, ni pour une personne âgée, ni pour une personne atteinte de maladies chroniques sous traitement», explique-t-il.
Selon lui, ce dossier mérite l'attention des autorités du pays, et des réactions à la hauteur de l'intérêt de la santé publique de notre pays, car «nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe par rapport à la consommation de ces produits sans contrôle et sans suivi médical».
De son côté, le docteur Mohamed Tahar Zerouala, omnipraticien diplômé en hématologie de la Faculté de Paris, déplore que les compléments alimentaires ne soient pas soumis à un contrôle strict. «Ils se vendent d'une façon anarchique sans demander le conseil du pharmacien ni celui du médecin traitant. C'est scandaleux !», note-t-il.
Pour lui, la consommation des compléments alimentaires, notamment chez certains patients atteints de maladies chroniques, ne doit pas avoir lieu sans l'assentiment du médecin traitant. Outre des allergies, ces produits peuvent également entraîner des complications graves. «Ce ne sont pas des traitements de fond, mais des traitements symptomatiques qui peuvent, parfois, masquer une pathologie qui peut être dangereuse», précise-t-il. Il cite ainsi le cas des compléments alimentaires à visée thérapeutique intestinale, qui peuvent cacher une maladie grave tel qu'un cancer intestinal. Pour lui, ces publicités doivent être proscrites, et le ministère de la Santé doit avoir un droit de regard sur la commercialisation de ces produits.
Le Dr Zerouala dénonce, par ailleurs, les agissements de certains pharmaciens qui substituent des produits médicamenteux prescrits par les médecins par des compléments alimentaires. «Certains pharmaciens ne respectent pas la prescription du médecin, et donnent à la place du médicament qui figure dans la nomenclature de la Cnas, le complément alimentaire présenté dans les publicités à la télévision, et qui souvent coûte plus cher», affirme-t-il. D'ailleurs, ajoute-t-il, «certains patients reviennent chez leur médecin traitant pour vérifier si le pharmacien a respecté la prescription».
Ry. N.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 26/04/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Rym Nasri
Source : www.lesoirdalgerie.com