« La société patriarcale favorise l'homme »

La violence contre les femmes est une question sérieuse qui touche aussi bien à la santé publique qu'aux droits humains. Les pouvoirs publics algériens ont pris acte de la gravité de ce problème et ont élaboré une stratégie de lutte contre ce phénomène. Dans ce sens, plusieurs réseaux, centres d'écoute et associations se sont impliqués pour venir en aide à ces femmes en détresse et essayer de contribuer à baisser un tant soit peu des agressions envers les femmes à travers l'encadrement, le suivi, l'orientation juridique et la prise en charge psychologique de ces femmes violentées. Dans ce contexte, nous avons sollicité Me Nadia Ait Zai, responsable du Centre d'information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (CIDEF), pour parler de la violence à l'égard des femmes en Algérie. La société algérienne est-elle violente 'En chacun de nous sommeille une violence mais contrôlée. On ne peut répondre dans l'absolu par « oui » la société algérienne est violente dans la mesure ou grand nombre d'algériens sont éduqués de part leur comportement, la loi sociale, les règlements. La violence n'est pas aussi innée mais se sont les répercussions de l'environnement, fréquentations, stress, perte de contrôle. Tout un travail doit se faire sur le plan de l'éducation de nom violence et ce, depuis l'école. Quand on parle des femmes, quel est le type de violence qui leur est infligée 'La première violence commence par l'extériorisation et les cris de haine et de rejet, soit une expression orale voire verbale à laquelle s'ajoute le geste, et cela mène systématiquement aux disputes puis aux mains. L'incivisme mène aussi à la violence. Comment la loi peut-elle freiner cette violence 'La loi existe et prévoit des sanctions contre les infractions de ce genre, mais cela reste insuffisant car la sanction n'exclut pas la récidive. Il faut trouver des solutions pour que l'agresseur ne puisse plus avoir recours à ces actes de violences. Quels sont les raisons ou les facteurs qui poussent l'homme à violenter une femme ' La société patriarcale favorise l'homme. Il se croit alors supérieur, et qui peut disposer de la femme et en faire ce qu'il veut. Suivront d'autres facteurs comme le chômage, l'alcool, la nervosité.... Pouvez-vous donner des chiffres concernant les femmes victimes de violence en Algérie 'La police parle de 3300 femmes ayant porté plainte au premier trimestre 2014. On ne peut cependant chiffrer la violence car beaucoup de femmes ne parlent pas. Un sondage mené par le CIDEF en 2008, a fait ressortir que 750 000 femmes ont témoigné avoir été violentées au moins une fois dans leur vie, frappées ou interdites de sorties. Celles mariées retirent souvent leurs plaintes justifiant que cela relève de l'intérêt de leurs enfants, ou bien n'ont pas où aller ou de peur de faire l'objet d'une répudiation (divorce). Quel est le rôle du CIDEF dans cette bataille contre la violence 'Le CIDEF a pour objectif l'information et la vulgarisation sur les droits et la citoyenneté de l'enfant et de la femme à travers tous les supports de communication destinés au public. Le CIDEF travaille aussi sur la sensibilisation, le développement de la recherche et le renforcement institutionnel par la mise en place de partenariat intersectoriel, la consolidation de réseaux dans le pays et dans la région. Le centre assure une fonction d'écoute, de conseil juridique et d'accompagnement juridique aux femmes victimes de violence. Il existe une cellule d'écoute pour prendre en charge les doléances des victimes qui une fois, au centre, sont aidées à évacuer leur crainte et sont assistées par des écoutantes formées et dont la mission est de conseiller et faire connaître aux plaignantes leurs droits. Combien de femmes violentées se présentent au CIDEF 'Au moins 300 cas par an toutes violence confondues. Certaines appellent et viennent même de l'étranger car on travaille aussi avec des centres d'écoute en France. Après avoir mis sur réseau 15 centres d'écoutes BALSAM, nous avons fait monter une base de données à travers laquelle nous établissons des rapports relatifs à la nature des violences auxquelles sont confrontées les victimes. C'est le CIDEF qui a procédé à la formation des écoutantes. Des projets en perspective 'Actuellement, on travaille sur une évaluation sur la violence à l'égard des femmes constatée au niveau des différents réseaux et qui sera rendue publique le 23 du mois en cours. Qu'avez-vous à dire à ceux qui violentent les femmes 'La contribution des femmes au développement économique et social est capitale en matière d'égalité des sexes. La femme est responsable au même titre que l'homme. Il est urgent de mettre en place des mesures pour un changement de mentalité et l'abolition des stéréotypes dépassés sur les rôles et capacité des femmes et des hommes.