Algérie

«La situation des écoles privées en ALgérie reste précaire»



«La situation des écoles privées en ALgérie reste précaire»
En 2005, l'Etat décide d'officialiser les établissements privés. Neuf ans plus tard, l'école privée se cherche une place au sein du système de l'Education nationale.- Les établissements privés sont-ils aujourd'hui partie intégrante du système éducatif national 'Je dirais que nous sommes tolérés, sans plus. La preuve : nous ne sommes jamais sollicités par la tutelle lorsqu'elle mène une réflexion sur le système éducatif. Tout se fait comme si l'on n'existait pas. Par ailleurs, notre personnel pédagogique n'est pas convié aux stages de formation qu'organise l'Etat en direction de ses enseignants. En outre, nous sommes rejetés par une partie des chefs d'établissement de l'Education nationale. Pour preuve, au moment où je finalise les orientations de mes élèves, certains proviseurs et chefs d'établissements du public refusent de scolariser mes élèves.Ils me l'ont clairement signifié. Si il y a quelques années le rejet dont nous faisions l'objet était implicite, aujourd'hui il est verbalisé et assumé. Pour moi, il est clair que les chefs d'établissement qui agissent de la sorte se savent protégés. C'est pour cela que j'estime que la situation des écoles privées est précaire. A n'importe quel moment on peut être frappé d'une sanction et être contraint de fermer...- On vous fait payer vos taux de réussite au primaire et au collège?Oui, j'en suis convaincue. Alors, bien sûr, on nous ressort à chaque fois l'argument comme quoi nous n'avons pas autant d'élèves par classe que dans le public. Mais, il n'empêche que pour un examen national sur lequel nous n'intervenons ni sur les sujets ni lors des corrections, nous parvenons à des taux de 100%. Ce résultat n'est pas le fruit du hasard. Il est le résultat de notre volonté d'offrir les meilleures conditions pédagogiques pour permettre l'épanouissement de l'élève. Cela concerne également les élèves qui sont en échec scolaire. A l'école Tafat, par exemple, les enseignantes m'ont amenée à ouvrir une classe spéciale destinée aux élèves qui sont en échec. Eh bien, là aussi nous obtenons d'excellents résultats.- L'enseignement privé est-il complémentaire ou partenaire de l'enseignement public 'J'estime que nous sommes partenaires. On ne peut être complémentaire que si on se ressemble? ; or, ce n'est pas le cas. Pour preuve, nous n'avons pas le même fonctionnement. Par exemple, la préoccupation essentielle de la réussite de l'élève et de la mise en place des dispositifs qui permettent cette réussite n'existent pas dans le public par manque de formation. J'en parle en connaissance de cause, car j'y ai enseigné pendant dix-sept ans. Dans le privé et à partir du projet pédagogique de l'Etat, nous proposons une autre approche.Mais, malheureusement, cela n'intéresse personne. Pourtant, quand vous obtenez 100% de réussite au primaire, il y a lieu de se pencher sur nos méthodes d'enseignement. Que ce soit sur le plan de la mise en ?uvre de la pratique pédagogique au quotidien ou des dispositifs d'aide pour les élèves en difficulté. Au sein de l'association, nous avons mis en place des stages de formation en collaboration avec les universités de Montpellier et de Lyon pour nos enseignants.Revers de la médaille, nous sommes devenus, à notre corps défendant, des pourvoyeurs d'enseignants pour l'Education nationale. Une situation pénalisante, d'autant qu'elle s'apparente à une concurrence déloyale. Nous ne pouvons pas nous mesurer à l'Etat, car malheureusement nous ne pouvons pas offrir de plan de carrière à nos enseignants.- Certains établissements appliquent le double programme, alors que plusieurs pédagogues dénoncent la pratique?Appliquer le double programme est de la criminalité pédagogique. J'estime qu'il pousse à l'éparpillement des énergies. Faire porter aux élèves un double programme, c'est les contraindre à subir une plus forte surcharge de travail. Il faut être raisonnable et se demander, par exemple, s'il est nécessaire de proposer aux élèves la même leçon dans les deux langues. Pour moi, c'est de la perte de temps. Il faut juste faire en sorte que l'élève assimile parfaitement sa leçon dans une langue, puis passer aux applications dans les deux langues.Par exemple, un élève qui a bien assimilé sa leçon de maths en arabe est parfaitement capable de faire des exercices dans les deux langues. C'est ce que nous pratiquons à l'école Tafat. Car ce qui est important pour l'enfant, c'est de pratiquer les deux langues et bien les maîtriser. Cette nécessité de bien maîtriser l'arabe et le français est une demande des parents qui ne veulent pas que leurs enfants soient handicapés à l'université. Car certaines filières du supérieur ne se font qu'en langue française.- On a beaucoup soupçonné les établissements privés de privilégier la langue française et de constituer une menace pour «l'identité nationale». Qu'en est-il aujourd'hui 'L'école privée a connu deux grandes périodes. La première, où les parents prenaient en charge leurs enfants. Puis, dans les années 1990 on a assisté à la venue d'enseignants du public pour chapeauter ou lancer des écoles privées. A cette époque, certaines d'entre nous se sont appuyées sur le réseau El Djazaïr. La diabolisation de l'école privée fait suite à la décision de certaines écoles d'enseigner l'histoire française dans leur programme. Cela a été le catalyseur de toutes les haines contre l'enseignement privé. Pour ma part, j'ai toujours refusé d'adhérer à cette démarche.Il reste que l'enseignement du programme français a été pris à l'époque pour permettre l'évaluation de nos élèves. Comme cela n'était pas possible avec le secteur de l'Education nationale, le privé s'est tourné vers ceux qui nous offraient cette opportunité avec la possibilité de passer l'examen international. Par la suite, en 2003, l'Etat a décidé de mettre en place l'agrément, mais en nous obligeant de posséder un registre de commerce comme condition sine qua none. Personnellement, je n'ai accepté ni la méthode ni la possibilité que l'on envisage l'enseignement comme une activité commerciale. A l'époque, si cela n'avait pas été la demande des parents d'élèves, j'aurais fermé l'école.- Vous réfutez la dénomination commerciale de votre activité, mais en même temps les écoles privées font payer les mois de juillet et août aux parents?On ne le fait pas de gaieté de c?ur. Mais parce que l'on y est contraints. Si nous voulons que nos enseignants partent en vacances, ils doivent percevoir leurs salaires durant ces deux mois d'été. Le fonctionnement des établissements d'enseignement et d'éducation n'est possible que grâce à l'argent que déboursent les parents. Nous ne bénéficions d'aucune aide de la part de l'Etat. Pour exemple, en France, les écoles privées sont soutenues à 70%, ce qui offre à l'Etat un droit de regard. En Algérie, l'Etat ne nous apporte rien.- Comment les parents d'élèves perçoivent-ils l'enseignement privé 'Nous faisons face à un nouveau phénomène. Beaucoup de parents d'élèves choisissent, dès la quatrième année moyenne, de retirer leurs enfants de l'enseignement privé pour les inscrire dans le public. Cette nouvelle tendance s'explique par le fait qu'ils ont décidé de ne pas scolariser leurs enfants à l'étranger. Aujourd'hui, beaucoup privilégient les universités algériennes.Les parents estiment que malgré les carences du système éducatif national, il est préférable de garder leur progéniture en Algérie. Pour rappel, il y a quelques années nous vivions un phénomène totalement différent, puisque beaucoup d'enfants étaient systématiquement inscrits en France après un passage par le lycée international d'Alger.- Comment voyez-vous l'évolution de l'enseignement privé en Algérie'Au sein de l'association, nous menons une réflexion dans ce sens. Nous pensons qu'il est primordial que les écoles privées se spécialisent par cycle d'études. Prenez le cas des pays scandinaves qui sont excellents dans de nombreuses matières. Un même établissement ne propose pas tous les cycles d'études.Cela permet d'éviter l'éparpillement des énergies. C'est pour cela qu'au sein de l'association, nous pensons qu'un établissement ne peut pas offrir la même qualité d'enseignement en maternelle, au primaire, au collège? En conséquence, nous défendons l'idée de la spécialisation.Que des écoles n'enseignent que le primaire. Que d'autres se spécialisent dans le secondaire. C'est pour cela que je défends le projet au sein de notre association pour que les membres de l'Anepa créent un lycée commun, un collège commun? C'est mon v?u le plus cher.




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