- Comment se présente cette 37e conférence de l'Eucoco pour vous et pour le peuple sahraoui '
Ecoutez, elle se présente très bien ; on arrive avec de bonnes nouvelles comme celle du Parlement européen qui a refusé la reconduction de l'accord de pêche avec le Maroc. Le Parlement européen a demandé à la Commission éponyme de revoir cet accord en tenant compte des règles du droit international. C'est un vote remarquable puisqu'il a été obtenu par 500 sur 700 voix. C'est tout de même un revers important pour le Maroc puisque les eurodéputés ont réaffirmé la primauté du droit international. C'est d'autant plus important que ce vote est intervenu quelques jours avant que du côté des Etats-Unis, le congrès lui-même adopte une résolution dans laquelle il demande à Mme Clinton de ne pas livrer d'armes au Maroc, qui viole les droits de l'homme dans les territoires occupés. C'est quand même un moment fort là aussi de la réhabilitation du droit humanitaire. Donc, je crois que ce sont là deux bonnes nouvelles. Et puis nous allons, durant cette rencontre, écouter maintenant les conclusions du congrès du Polisario et voir comment on pourrait mettre en œuvre une série de propositions qu'il a formulées. De notre côté, nous sommes extrêmement attentifs aujourd'hui au fait que l'ONU à toujours l'attitude de dire le droit et non pas faire le droit. Notre travail va donc consister à pouvoir nous mobiliser pour forcer le Conseil de sécurité et les organes de l'ONU à appliquer le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Je crois qu'il faut contester l'incurie des Nations unies pour que cette organisation soit au service du droit et des droits des peuples à l'autodétermination. On ne doit pas accepter que le monde soit géré uniquement pas le G8, le FMI ou Davos. Tout ce qui a été construit après la Seconde Guerre mondiale a été déconstruit par les puissances financière et l'argent.
- Ne craignez-vous pas, M. Galland, que la crise économique actuelle qui sévit en Occident ne déteigne sur l'effort humanitaire en direction du peuple sahraoui '
Pour l'instant, les budgets de l'aide humanitaire n'ont pas été changés. La répercussion ce n'est pas la crise en elle-même, mais la multiplication des crises humanitaires dans le monde du fait de ces déstabilisations. Alors, quand vous avez un gâteau vous coupez les parts de plus en plus petites ; c'est cela le problème. C'est dire qu'il faut s'attaquer au fond du problème, à savoir défendre les droits des Sahraouis au titre de réfugiés, les aides auxquelles ils ont droit. On saura ce que la Minurso va faire pour défendre ces droits parce que même les aides de l'Union européenne passent par les institutions onusiennes. C'est cela qui polarisera notre attention. C'est un travail d'alerte et de surveillance que nous allons mettre en place à l'occasion de cette 37e conférence.
- Le Printemps arabe est devenu une expression en vogue pour décrire la lutte des peuples pour la liberté. Où se situe, selon vous, le combat du peuple sahraoui ' Â
Si vous lisez le Monde diplomatique de ce mois de janvier, vous y trouverez un excellent article d'un journaliste qui est revenu avec une image forte des territoires occupés, à savoir que le Printemps arabe a commencé, en fait, lors que les Sahraouis sont sortis dans la rue en octobre et novembre 2010 protester contre le régime marocain. Cette expression populaire était un signe avant-coureur du Printemps arabe. Cela a bousculé la vision réciproque des régimes arabes et l'Union européenne. L'Europe se rend compte que ces beaux principes proclamés à Barcelone, à savoir aider ces pays à se démocratiser et à respecter les droits de l'homme, n'ont jamais été appliqués. Elle se rend compte aussi qu'elle a fait du business avec des régimes qui ne représentent pas leurs peuples. On est donc aujourd'hui clairement dans une situation de transformation et nous plaidons pour qu'elle soit positive. Cela mettra du temps, ce n'est pas simple mais cela crée de nouvelles solidarités aussi. Voyons par exemple l'Egypte où le nouveau régime prône la renégociation des accords de Camp David avec Israël. C'est un signal fort. Il y a donc une nouvelle vision dans le Monde arabe qui va probablement induire de profondes transformations. Â
- Il y a aussi le facteur économique ; les pays qui soutiennent le Maroc, à l'image de la France, l'Espagne et les Etats-Unis, le feront peut-être de moins en moins à cause de la crise. Cela ne pourrait-il pas profiter à la cause sahraouie '
C'est vrai qu'en interne, il y a dans ces pays des problèmes économiques plus ou moins sérieux. Mais en termes de capacité et de stratégie d'alliance, je pense qu'on n'en est pas là. Peut-être qu'en France, par exemple, la prochaine élection présidentielle va induire une modification de la perception du Monde arabe. Maintenant, la question est de savoir si les pays européens vont àªtre capables d'entendre et décoder les appels du Monde arabe puis de modifier leur politique.
- Justement quel serait, selon vous, l'impact de l'arrivée de la droite populaire (PP) au pouvoir en Espagne sur la question sahraouie '
En tant socialiste, je pense que les Espagnols qui ont voté pour ce gouvernement vont le payer cher. Ceci dit, par rapport à la cause sahraouie, le PP a toujours été plus nuancé et plus prudent dans ses rapports avec le Maroc et les autres pays de la Méditerranée. J'observerai donc si ce parti a gardé cette perspective et s'ils ont une vision. C'est vrai que l'Espagne socialiste n'a pas montré son empressement à àªtre en première ligne aux côtés des Sahraouis. Maintenant est-ce que le nouveau gouvernement va faire quelque chose, on peut évidemment le souhaiter et l'espérer.    Â
- Comment sortir, M. Galland, de cette situation de ni guerre ni paix dans le conflit entre le Maroc et le Polisario ' Comment voyez-vous l'avenir '
C'est vrai que c'est l'impasse pour le moment. Mais il faut savoir que c'est un choix volontaire des Sahraouis eux-mêmes ; un choix intelligent qui dénote d'une grande maturité de dire que le droit doit prévaloir sur toute autre considération. Mais cette situation profite surtout au Maroc qui augmente sa colonisation de ce pays et pille ce territoire. Je pense que les Sahraouis eux-mêmes vont évaluer la situation et voir jusqu'où ils pourront l'accepter puisque l'ONU ne joue pas son rôle. Maintenant, est-ce que les deux événements cités plus haut (loi du Congrès américain et refus de l'accord de pêche au Parlement européen) sont des signaux qui pourront àªtre décryptés par le secrétaire général de l'ONU, on verra bien. Vous savez, Ban Ki-moon ne sait même pas ce qui se passe dans les enceintes du Parlement européen. En revanche, il sait tout de suite ce qui se passe au Congrès américain. Donc c'est à nous de dire à Ban Ki-moon que les choses changent. Et cette conférence est faite pour cela.
- Et au sein du Parlement européen, y a-t-il des initiatives dans ce sens 'Â Â
Oui, oui, d'ailleurs le Parlement européen s'est réuni hier (jeudi, ndlr) en présence des membres de l'intergroupe parlementaire de soutien au peuple sahraoui qui étaient particulièrement enthousiastes sur les positions exprimées. Certains d'entre eux sont allés dans les territoires occupés, d'autres dans les campements. La bonne nouvelle est que ces eurodéputés ont décidé d'écrire à l'envoyé spécial de Ban Ki-moon, Christopher Ross, pour lui demander de venir au Parlement pour discuter de la situation au Sahara occidental.
Espérons donc qu'on pourra débloquer cette situation de ni guerre ni paix et aller vers une solution pacifique. Sinon, les Sahraouis vont sans doute tirer leurs conclusions.
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Posté Le : 05/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hassan Moali
Source : www.elwatan.com