Algérie

La sévère réplique d'Alger



Le Parlement européen a adopté jeudi une résolution sur « la situation des libertés en Algérie ». Le texte condamne les arrestations de manifestants et les atteintes aux libertés. Alger a vivement réagi à ce qu'elle qualifie d' « immixtion flagrante » dans ses affaires internes. Le communiqué des affaires étrangères, d'une rare virulence, pourrait ouvrir la voie à des mesures concrètes en direction des institutions européennes.Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Ce qui n'était qu'au stade de projet s'est concrétisé ce jeudi. Le Parlement européen a bel et bien voté une résolution dans laquelle le régime algérien est montré du doigt en matière de respect des libertés. Déclinée en quatorze points, ladite résolution « condamne vivement l'arrestation arbitraire et illégale, la détention, les intimidations et les attaques de journalistes, de syndicalistes, d'avocats, d'étudiants, de défenseurs des droits de l'Homme et de la société civile ainsi que de tous les manifestants pacifiques qui participent aux manifestations pacifiques du Hirak ».
Les eurodéputés demandent « la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes inculpées pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression » et invitent « les autorités algériennes à mettre fin à toute forme d'intimidation, y compris le harcèlement judiciaire et législatif, l'incrimination ainsi que les arrestations et les détentions arbitraires à l'encontre des manifestants pacifiques » tout en supprimant « toute forme de recours excessif à la force par les forces de l'ordre lors de la dispersion de rassemblements publics ». Un chapitre est également consacré au respect de l'exercice du culte avec « l'arrêt des violations de la liberté de culte des chrétiens, des ahmadis et d'autres minorités religieuses ».
La résolution exhorte l'Algérie à « garantir le plein exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction à tous ceux à qui elle est garantie par la Constitution algérienne et par le pacte international relatif aux droits civils et politiques ». La réaction d'Alger ne s'est pas fait attendre. Le jour même, le ministère des Affaires étrangères rendait public un communiqué au ton très sévère, laissant entrevoir la possibilité de mesures à prendre en direction des institutions européennes. Les termes du communiqué renseignent sur le degré d'agacement de l'Algérie qui a rejeté « dans le fond et dans la forme, l'immixtion flagrante du Parlement européen dans ses affaires internes et se réserve le droit de procéder à un examen général de ses relations avec l'ensemble des institutions européennes ». Le communiqué fait état de l'indignation de la partie algérienne pour qui « le Parlement européen, sur instigation d'un groupe hétéroclite de députés partisans, a pris l'outrecuidante liberté de statuer sur le processus politique en cours dans notre pays », ajoutant que « les députés européens se sont même arrogés, toute honte bue, un droit d'exiger du Parlement algérien de modifier des lois que nos députés ont souverainement adoptées ».
Ce même communiqué parle du « mépris » du Parlement européen « non seulement des institutions algériennes » tout en faisant la promotion d'un « agenda du chaos provoqué, qu'ils ont malheureusement mis en œuvre dans bien des pays frères ».
La haute représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité, Federica Moghereni, dans une tentative de nuancer la position du Parlement européen, a fait savoir que « l'Algérie n'est pas seulement un pays voisin mais surtout un partenaire, politique et économique, un pays ami. Pour beaucoup de citoyens européens, l'Algérie est aussi la famille. Donc nous ne parlons pas d'un ami parmi d'autres, nous parlons d'un pays ami qui est très proche de nous ». Des propos qui n'ont, en aucun cas, eu d'impact sur la vague d'indignation provoquée par ladite résolution. Réagissant à cette dernière, Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, a écrit sur son compte tweeter que « le Hirak algérien a été utilisé par des députés de l'UE pour flatter leur propre électorat et non pas pour notre bien . Oui à la solidarité des peuples mais pas à n'importe quel prix. Si l'Europe veut aider l'Algérie, elle devra faire en sorte que l'argent volé lui soit restitué ».
Abdelaziz Rahabi a, pour sa part, estimé que « la résolution du Parlement européen sur la situation en Algérie ne peut être acceptée tant dans la forme que dans le fond. Même si elle n'est pas contraignante, son caractère général, marqué par le sceau de l'urgence alors que le pays connaît un processus interne autonome de transformation long de 9 mois, autorise à la qualifier d'immixtion dans les affaires internes d'un Etat souverain».
C'est sur son compte Facebook que le président du MSP a réagi, estimant que « les interventions de ce type sont rarement au profit des peuples et qu'elles servent généralement les régimes dictatoriaux ».
Le Bureau de l'APN a, pour sa part, rendu public un communiqué dans lequel « l'APN, qui considère que ce qui s'est passé à Strasbourg est une ingérence flagrante dans les affaires internes et une provocation à l'égard du peuple algérien, dénonce catégoriquement toute ingérence, d'où qu'elle provienne, dans nos affaires internes ». Pour sa part, le président du Conseil de la Nation par intérim, Salah Goudjil, a déclaré rejeter « les agendas étrangers dictés à l'Algérie ».
De son côté, le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a fait part de « ses vives dénonciations et condamnation de la résolution du Parlement européen », affirmant qu'elle est basée sur « des renseignements erronés et des intentions malveillantes ».
A l'unanimité, les candidats à l'élection présidentielle ont également fait part de leur rejet de cette résolution qui prélude de relations tendues entre l'Algérie et son partenaire européen.
N. I.


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