Algérie - A la une


LA SEMAINE ECO
Il faut réduire les prélèvements sur Sonatrach, marquer une pause dans les dépenses d'équipement et sanctuariser le FRR. C'est le professeur Abdelatif Benachenhou qui parle ainsi cette semaine sur Radio M. L'ancien ministre des Finances a été très disert sur la conjoncture mondiale.Pour lui, les Saoudiens ont une motivation économique lorsqu'ils déclenchent une tentative de reconquête du marché pétrolier. Il faut donc s'attendre à une période de trois à quatre années durant laquelle le prix du baril devrait rester relativement bas. Sans doute autour de 70 dollars. La baisse des revenus extérieurs va donc s'étaler dans le temps. Il faut faire quelque chose pour une économie algérienne qui «consomme beaucoup et investit peu».Mais quoi ' Changer la clé de répartition des ressources budgétaires. En commençant déjà par ne plus les gonfler «artificiellement» à cause d'un prélèvement trop important de la fiscalité pétrolière qui apporte les «moyens pour gaspiller» à l'Etat. Mais qui dans le même temps prive Sonatrach de ressources propres pour son développement.Une fiscalité pétrolière excessive qui fait également fuir les investisseurs étrangers dans l'amont pétrolier algérien. Le professeur Benachenhou prend le risque ? c'est lui qui le dit ? d'être traité de «voix de l'étranger», mais persiste et signe : quatre appels d'offres de Alnaft depuis 5 ans n'ont rien donné de probant. Il faut donc bien se rendre à l'évidence. C'est donc en accentuant la baisse des revenus budgétaires de l'Etat ? effet volume + effet prix + baisse du taux de prélèvement ? qu'on le poussera à rationaliser sa dépense. Comment ' «En marquant une pause pour consolider les investissements publics de ces dix dernières années avant d'en lancer de nouveaux».Et là, le professeur déplore que le recours au marché financier pour doter les projets d'équipement ait été si facilement abandonné lorsqu'au tournant de 2005-2006, les revenus pétroliers ont entamé leur hausse historique. «L'autoroute Est-Ouest aurait pu bénéficier d'un financement mixte, public-privé». Pour M. Benachenhou, «ceux qui construisent un ouvrage doivent être impliqués dans son exploitation». Pour finir de cerner le périmètre, l'ancien ministre des Finances rappelle que le Fonds de régulation des recettes budgétaires, le FRR qu'il a créé en 2001, ne doit plus être laissé à la discrétion du gouvernement. «Je suis pour qu'il soit sanctuarisé par un article de la nouvelle Constitution.»Explication : il faut fixer un prix de référence réaliste au baril du pétrole, et financer le déficit budgétaire, lorsqu'il survient, par le recours à l'emprunt sur le marché domestique. Le recours au FRR intervient exceptionnellement, sous encadrement constitutionnel. La ligne de pensée est homogène. Dimensionner la taille des ressources annuelles de l'Etat à la taille de l'activité économique réelle. Ce sera le début de la rationalisation de la dépense. Par les prix pour commencer. Le professeur Benachenhou a encore une fois vitupéré contre la subvention du carburant. «Je me méfie des amoureux du peuple», a-t-il déclaré en rappel d'une phrase lancée aux parlementaires opposés à un plan d'ajustement du prix du gasoil.Abdelatif Benachenhou est l'une des figures fortes de l'équipe présidentielle du début des années Bouteflika. Son discours, ses propositions actuelles sont un désaveu des politiques publiques depuis près de dix ans. Pour lui, «la contrainte financière a été évacuée des décisions d'investissement» depuis que le prix du baril est monté. Et c'est grave. Au même moment du tournant de 2005 où il prenait progressivement ses distances de l'Exécutif (dernier poste mai 2004), une autre figure de l'équipe économique présidentielle donnait un coup d'accélérateur à ce qui allait définitivement incarner les années Bouteflika : la corruption sur grands contrats.Dans la même semaine où le professeur Benachenhou a déroulé son triptyque de politique économique, Chakib Khelil revenait au-devant de la scène. Dans la rubrique de la délinquance économique. La sortie dans El Watan de Mohamed Meziane, ancien PDG de Sonatrach sous contrôle judiciaire, est donc venue rappeler qu'une autre «ligne de destin» existait au sein de l'équipe économique de Bouteflika. Celle de Chakib Khelill divergente de celle de Abdelatif Benachenhou. Le premier a été contrarié de ce que sa loi sur les hydrocarbures, passée au forceps en avril 2005, soit remise en cause une année plus tard. Il n'a pas fait, comme le second, Benachenhou, qui, mis en minorité en 2004 sur ses options de politique économique, a accepté de partir. Il a renoncé à toute ambition de «réforme». Et s'est incrusté dans le secteur de l'Energie pour le meilleur et surtout pour le pire. Dans une gouvernance idéale, c'est l'inverse qui aurait dû se produire dans le chassé-croisé Benachenhou-Khelil. Chakib Khelil rabroué en 2006 par le démantèlement de sa loi sur les hydrocarbures ? il accordait des concessions aux compagnies étrangères ? aurait dû démissionner.Et Abdelatif Benachenhou revenir, une fois de plus aux affaires, par exemple début 2009 lorsque avec la LFC, le gouvernement s'est remis ? faussement ? à se préoccuper de ses futurs équilibres financiers. La famille putative Bouteflika les Madoff ont pris le dessus sur les Stigliz. A cette nuance près. Le professeur Joseph Stigliz a toujours prévenu contre «le capitalisme de copinage». Le professeur Benachenhou, ministre des Finances durant près de 4 années en discontinu, n'a pas réussi à en éviter l'émergence. Tant mieux qu'il en dénonce les effets aujourd'hui.L'Afrique est la dernière frontière du capital. L'Algérie s'en rend enfin compte. Le ministère de l'Industrie veut organiser son forum Algérie-Afrique avant la fin de 2015. Il était temps. Cette semaine se tenait le 3e forum international Afrique développement à Casablanca. Au même moment, Bamako accueillait son 15e forum africain sous la bannière de l'émergence de l'Afrique en 2035. Tunis organisera cette année deux forums dédiés au continent noir, le premier dès avril prochain.Un trait commun à cette mise en réseau des acteurs du développement en Afrique ' Ce sont des entités privées qui les réunissent. Les gouvernements viennent en soutien. Au Mali, le fondateur de l'Institut des hautes études en management, Abdullah Coulibaly, a lancé le forum de Bamako en 2000 en veillant jalousement à la fois à l'utilité de ses contenus et à son indépendance. C'est aujourd'hui le lieu couru de toute l'Afrique de l'Ouest pour prendre le pouls de l'avenir du continent.Le président IBK est venu ? c'est une première pour ce niveau de responsabilité ? y inaugurer les travaux jeudi dernier. Ce n'était pas pour faire plaisir à l'organisateur. Le forum est «rafraîchissant» pour la pensée politique, lui a-t-il confié. A Alger, le gouvernement veut rattraper le temps africain perdu. En commençant par rendre visible à Alger l'Afrique qui réfléchit et qui entreprend. Comment va-t-il s'y prendre '




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