ON ami revenu d'un séjour oranais nous racontait la dernière fois son angoisse à chaque fois qu'il quittait sa chambre d'hôtel. Non pas parce que le bonhomme en question est un froussard maladif, mais tout au long de son passage d'une semaine, le réceptionniste le soumettait à un rituel, pour lui, exaspérant. A chacune de ses sorties, le vigilant employé se croyait obligé, certainement de bonne foi, de le mettre en garde :
«Je vous conseille de rentrer tôt, mon frère. Oran n'est plus ce qu'elle était. Déjà qu'on n'y est pas à l'abri du danger en plein jour, je vous laisse le soin d'imaginer le péril qui vous guette, la nuit tombée !» C'est qu'en pensant à ce qu'est devenue cette belle et quiète ville, qui a été pendant longtemps l'incarnation du bon-vivre, de l'ouverture et de la... sécurité, on aura été chercher un exemple emblématique d'une situation générale, dont le moins qu'on puisse dire, est qu'elle est inquiétante. La sécurité est au centre des préoccupations des Algériens et ils l'expriment à chaque fois qu'on veut bien leur demander leur avis.
En allant parfois très loin dans l'appréciation du niveau de gravité de cette situation, ils donnent au moins la mesure de leur inquiétude et parfois de leur colère. Le «phénomène» est d'une telle ampleur qu'il arrive que le pas soit franchi, pour citer l'insécurité urbaine, dans la foulée du terrorisme intégriste ! Et en la matière, ils ne manquent parfois pas d'argument : d'abord parce que ce ne sont pas les exemples qui manquent où il y a eu jonction entre banditisme et terrorisme.
Ensuite, parce que le citoyen veut vivre et les deux ne lui facilitent pas... la vie. Là, évidemment, s'arrête le rapprochement, s'il est acquis qu'il y en ait un. C'est un lieu commun, mais il faudra peut-être le rappeler, il n'y a rien d'envisageable de sérieux sans la sécurité des personnes et des biens. La «préoccupation», l'inquiétude, puis la colère sont d'autant plus légitimes quand s'y greffe le sentiment d'impuissance. Il n'y a pas peur plus tenace et plus horrible pour un citoyen que celle que lui inspire l'impression d'être abandonné à son sort par la force publique. Les services de sécurité font certainement ce qu'ils peuvent.
Le problème est que... «ce qu'ils peuvent» ne donne à aucun moment l'impression d'être à la hauteur de ce qui est attendu d'eux ! A la périphérie, et parfois au milieu de toutes les grandes villes, prolifèrent des zones de non droit, les centres urbains qui auraient pu être les plus névralgiques se vident à la tombée de la nuit, femmes, vieillards, jeunes hommes et jeunes filles peuvent se faire détrousser n'importe où et à n'importe quelle heure, la lâcheté est devenue une seconde nature et pire que tout ça,
le sentiment que quelque part il y a une complaisance qui ne dit pas son nom. Quand on entend dire çà et là, parfois avec beaucoup de bienveillance, qu'il y a des «jeunes» qui ont toutes les raisons de voler et d'agresser, quand les victimes en arrivent à presque s'excuser d'avoir été là,
quand on a le sentiment que les services de sécurité «gèrent» là où il faut réprimer, proposent la «réconciliation» là où il faut opposer la rigueur de la loi, se montrent conciliants quand il s'agit d'être ferme, on comprend que la sécurité, dont on oublie souvent qu'elle est un droit, soit un immense chantier qu'il faudra certainement entamer avec plus de moyens et surtout avec plus de volonté politique.
A commencer par se dire que ceux qui volent et agressent ne sont peut-être pas ceux qui ont cherché vainement un emploi. Et si les «instructions» de fermeté que vient d'adresser le ministre de l'Intérieur aux walis et aux services de sécurité, dans la foulée du changement de gouvernement, ne tirent pas les leçons de ce qu'on a vécu ces dernières années, pour passer à «autre chose», sans doute que la sécurité ne sera pas pour demain. La vie aussi.
laouarisliman@gmail.com
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Posté Le : 08/10/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Slimane Laouari
Source : www.letempsdz.com