Algérie

La sécurité alimentaire de la Méditerranée en débat au Salon de l'Agriculture de Paris



La sécurité alimentaire de la Méditerranée en débat au Salon de l'Agriculture de Paris




Pour l’édition 2014 du Salon International de l’Agriculture de Paris, la coopération entre les deux rives de la Méditerranée a été au cœur de deux journées de conférences avec en ligne de mire la question de la sécurité alimentaire.

Ces rencontres organisées le 24 et 25 février dernier par l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED) se sont achevées sur une table ronde à laquelle ont participé les ministres algérien et français de l’agriculture, Abdelouahab Nouri et Stéphane Le Foll.

«Cette rencontre est l’occasion pour nous de faire l’évaluation de la coopération [franco-algérienne] et de voir ce qu’il reste à faire», a indiqué Abdelouahab Nouri.

Le ministre français a quant à lui affirmé l’importance du bassin Méditerranéen en général et de l’Algérie en particulier comme partenaire économique, dans une proximité affichée avec son homologue algérien.

«La France reste le premier partenaire de l’Algérie. À nous de créer les conditions d’un développement qui soit partagé.»

Interrogé sur l’importance symbolique de cette rencontre au sein de «la plus grande ferme de France» (le Salon de l'agriculture réuni près de 4.000 animaux et 700.000 visiteurs selon les organisateurs), Abdelouhab Nouri a indiqué qu’elle s’inscrit dans la continuité de plusieurs réunions récentes.

Le dernier acte de cette coopération s’est passé il y a moins de quinze jours à Alger avec la 10eme réunion des États membres du Centre international de Hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM).

À cette occasion, les représentants des pays membres ont annoncé le lancement du réseau Med-Amin qui doit empêcher la spéculation sur les marchés céréaliers agricoles. Là encore, le sujet prédominant a été celui de la sécurité alimentaire.

Tout comme se fut le cas en novembre dernier lors de la conférence ministérielle du dialogue 5+5 qui s’est également déroulé à Alger.

La question était aussi en débat à Rome cette semaine lors de la conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, comme l’a signalé le directeur général de l'organisation onusienne, José Graziano da Silva.

Depuis la crise alimentaire de 2008 liée à la flambée du prix des matières premières, la sécurité alimentaire est une priorité à l’échelle internationale. Les Nations Unies ont d’ailleurs proclamé 2014 année de l’agriculture familiale, afin d’en «rehausser l’image (…) en focalisant l’attention du monde entier sur [sa] contribution à l’éradication de la faim et de la pauvreté».

L’enjeu est d’autant plus pressant que, comme l’a relevé le ministre de l’agriculture albanais, le réchauffement climatique produit déjà des effets.

«Nous devons ajuster nos productions à ces nouvelles réalités, a-t-il plaidé, et nous appuyer sur la recherche pour palier la raréfaction des terres causée par la désertification».

La prise de parole du directeur général de la FAO a d’ailleurs été l’occasion de replacer la situation de la région méditerranéenne dans un contexte plus global.

«La population chinoise consomme de plus en plus de protéines animales», a-t-il rappelé.

Et compte tenu du poids démographique de ce pays, cela a un impact à l’échelle mondiale. Le lien avec la demande des pays de la rive sud de la Méditerranée est direct quand on sait que la facture des importations alimentaires du Maghreb a triplé sur la dernière décennie, et même quadruplé pour la seule Algérie (lien consultable gratuitement sur inscription).

L’un des objectifs clairement affiché de la délégation algérienne a justement été de nouer des contacts avec les hommes d’affaires français désireux d’investir dans le pays.

Abdelouahab Nouri s’est employé à vanter «les potentiels immenses d’un grand territoire», en ajoutant que «l’Algérie a réservé un énorme budget pour le développement de l’agriculture», laissant entrevoir un soutien financier conséquent pour les investisseurs étrangers.

Cet appel a trouvé une oreille attentive en la personne de Xavier Beulin, Président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Ce dernier a déclaré que «la page des relations purement commerciales doit être tournée». Les partenariats avec les industriels des pays du Maghreb sont d’autant plus prometteurs qu’ils pourraient représenter un point d’entrée vers les pays d’Afrique et du Proche-Orient, selon ce responsable syndical.

En sa qualité de président de Sofiprotéol, il a d’ailleurs appliqué cette stratégie à sa propre activité puisque la société d’exploitation d’huiles et de protéines végétales qu’il dirige a conclu un accord avec le groupe SIM, dont le président, Abdelkader Taïeb Ezzraïmi, était également présent sur le SIA2014.

Trois usines de fabrication d’aliments pour animaux d’élevage verront le jour d'ici trois ans, dans les wilayas d’Aïn Defla, d’Oran et de Sétif, selon une information de l'APS développée par nos confrères de l'hebdomadaire Jeune Afrique.

Lors de cette séance de clôture, les discours, plus consensuel que pendant les trois premières conférences (voir l'article, à paraitre demain, sur l'agriculture familiale), ont rarement remis en cause l’application du modèle d’agriculture intensive européen. Seul, Cosimo Lacirignola a regretté le «manque d’initiative en Europe» pour soutenir le sud.

«Après le processus de Barcelone, nous avons laissé la Méditerranée de côté», considère-t-il.

Plusieurs experts du sud se sont toutefois accordés pour dire que les pays du Maghreb ne doivent pas tout attendre de l’Europe.

Présent dans la salle, Leith Ben Bechir, responsable syndical tunisien a appuyé cette position en regrettant que les pays du Sud ne parviennent pas à parler d’une seule voix lors des négociations avec l’Europe. Une position exprimée avec force par le délégué général d’IPEMED, Jean-Louis Guigou.

Profitant de la présence du ministre algérien, il l’a interpelé sur le manque de coopération entre les pays du Maghreb, rappelant que le cout du «non-Maghreb» est estimé entre 3 et 9 milliards de dollars par an par la Banque mondiale.

Abdelouahab Nouri préférera botter en touche. Sans appeler de ses vœux à un Maghreb uni, ni à le récuser, il se cachera derrière les instabilités sécuritaires au Mali, en Libye, Tunisie et à la frontière marocaine, allant jusqu’à présenter l’Algérie comme le nouvel élément de stabilité de la région.

Une rhétorique que les responsables politiques internationaux feront mine de croire.

* Photo: Abdelouahab Nouri et Stéphane le Foll assis côte à côte lors de la conférence sur la sécurité alimentaire et le développement agricole en Méditerranée - © Larbi Tensaouti


Sophia Ait Kaci



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