Algérie

La science relie les feux de forêt au changement climatique


La science relie les feux de forêt au changement climatique
PUBLIÉ LE 29-05-2022 dans le quotidien Le Soir déAlgérie
Par le Dr. Nadjib Drouiche(*)

Dans certains écosystèmes, les incendies naturels sont essentiels pour maintenir la dynamique, la biodiversité et la productivité des écosystèmes. Le feu est également un outil important et largement utilisé pour atteindre les objectifs de gestion des terres. Cependant, chaque année, les incendies détruisent des milliers d’hectares de forêt en Algérie, entraînant la perte de forêts, de vies humaines et animales. Par ailleurs, les coûts économiques associés aux incendies, en termes de ressources détruites et d'extinction des incendies, sont immenses.
Certains incendies de forêt sont déclenchés naturellement, principalement par la foudre. Les autres le sont par l'homme, soit par accident, soit par incendie criminel. Dans le monde entier, on estime que seulement 4% des incendies se déclenchent naturellement. Toutefois, la proportion de feux déclenchés par l'homme par rapport à ceux déclenchés par la foudre varie considérablement d'une région à l'autre. Par exemple, aux États-Unis, 84% des incendies sont déclenchés par l'homme. En revanche, au Canada, la majorité (55%) des feux de forêt sont attribués à la foudre.
Mais d’autres facteurs tels que la hausse des températures peuvent aussi amplifier les conditions qui favorisent les incendies et rendent les forêts vulnérables et plus susceptibles de brûler. En effet, la hausse des températures, considérées comme un indicateur clé du changement climatique, entraîne une plus grande évaporation de l'humidité du sol, ce qui assèche ce dernier et rend la végétation plus inflammable, augmentant ainsi considérablement la probabilité que les incendies se déclenchent plus souvent et brûlent plus intensément et plus largement que par le passé.
Les experts identifient par ailleurs un autre facteur favorisant les feux de forêt, il s’agit de la disponibilité en eau à laquelle est attribué le contrôle de la distribution spatiale de la photosynthèse (productivité primaire brute, PPB) sur une plus grande partie du globe et, à l'échelle locale, la sécheresse diminue davantage l’absorption de CO2 par la photosynthèse que la respiration sur la plupart des types d'écosystèmes. Cela fait de la disponibilité de l'eau un facteur climatique majeur de la variabilité des échanges nets des écosystèmes. Outre la suppression de la photosynthèse, les données de terrain suggèrent que les sécheresses réduisent également le puits de CO2 terrestre en augmentant la mortalité forestière et en favorisant les feux de forêt induisant aussi un risque de pollution atmosphérique extrême.
Dans de nombreuses régions sujettes aux incendies, telles que la région méditerranéenne, les projections concernant la gravité accrue des sécheresses et des vagues de chaleurs futures pourraient entraîner une augmentation de la fréquence des incendies de forêt par rapport aux observations. De nouveaux éléments indiquent que les récentes poussées régionales d'incendies de forêt sont dues à l'évolution des conditions météorologiques extrêmes.
Cependant, il n'y a pas de relation directe entre le changement climatique et les incendies, mais les chercheurs ont trouvé de fortes corrélations entre les températures estivales chaudes et les années de grands incendies, de sorte qu'il y a un consensus général sur le fait que la fréquence des incendies augmentera avec le changement climatique.
À titre d’exemple, une étude publiée en 2020 a révélé qu’en Méditerranée, limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, qui est l'objectif visé par l'accord de Paris, pourrait réduire de moitié la superficie totale brûlée par les feux de forêt en été, par rapport à un scénario où le réchauffement atteindrait 3°C, selon une deuxième étude.
Cependant, les incendies de forêt dépendent fortement de l'utilisation des terres et une gestion appropriée peut contribuer à atténuer les augmentations futures du risque d'incendie.
Cela ne veut pas dire que le changement climatique est la seule cause des incendies de forêt massifs, ni que les émissions de gaz à effet de serre en sont la seule conséquence. L'être humain a créé et perpétué des conditions qui augmentent le risque d'incendies graves et de grande ampleur. Nous ne sommes qu'une des nombreuses espèces qui en subissent les conséquences.
Cette année, des incendies de forêt sans précédent ont fait des ravages dans le monde entier. L'Australie a récemment combattu le plus grand feu de brousse jamais enregistré, tandis que certaines régions de l'Arctique, de l'Amazonie et de l'Asie centrale ont également connu des incendies d'une ampleur inhabituelle.
Compte tenu des risques associés aux incendies de forêt, la gestion intégrée des incendies est un élément clé des stratégies d'adaptation et d'atténuation du changement climatique. Les pratiques de gestion des incendies devront être intensifiées et adaptées à mesure que le contexte évolue avec le changement climatique.
La gestion des incendies doit obéir à certaines actions selon la spécificité de la zone, visant à : (i) prévenir les incendies ; (ii) protéger les personnes, les biens et les forêts contre les incendies ; (iii) et utiliser le feu pour atteindre les objectifs de gestion forestière et d'autres utilisations des terres. Tout programme efficace de gestion des incendies doit tenir compte de l'écologie et de l'histoire des incendies de la zone considérée, ainsi que de la connaissance des régimes d'incendie, des effets probables des incendies, des valeurs à risque, du niveau de protection forestière requis, du coût des activités liées aux incendies et de la technologie des feux prescrits.
D'autres actions de gestion des incendies portent sur des actions de réhabilitation et de restauration et font partie d'un processus à long terme, elles doivent être axées sur la réparation des dommages causés aux infrastructures et aux ressources naturelles par les incendies et peuvent prendre de nombreuses années. Ces actions comprennent : la plantation d'arbres, le rétablissement d'espèces indigènes et le traitement des plantes envahissantes. D'autres pratiques de gestion durable des forêts visant à réduire le risque d'incendie et les impacts des incendies sont : (i) l'établissement et l'entretien de coupe-feu, de pistes forestières et de points d'approvisionnement en eau ; (ii) le choix approprié des essences d'arbres, et (iii) des installations fixes de surveillance des feux de forêt et des équipements de communication pour éviter la propagation catastrophique des incendies.
La mise en œuvre effective des plans de gestion des incendies dépend du gouvernement, des financements alloués, des utilisateurs des terres et d'autres parties prenantes, qui doivent reconnaître pleinement les exigences spécifiques nécessaires à la gestion des incendies. Il peut être nécessaire de mettre l'accent sur le transfert de technologie, l'éducation, la formation et la coopération scientifique, ainsi que sur l'amélioration des capacités pour renforcer les organisations et les capacités de gestion des incendies.
N. D.
(*) directeur général de l'anvredet.

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