La saveur des priorités

Akbou, à 70 km au sud de Béjaïa. Deux policiers font une descente dans un café au centre-ville pour y débusquer des non-jeûneurs. A l'heure des grands défis qui attendent l'Algérie, on se soucie encore de faire la chasse à des Algériens qui ont décidé, en toute âme et conscience, de ne pas observer le jeûne. Dans un pays où officiellement la loi fait force, aucune loi franche n'oblige les gens à jeûner alors pourquoi s'entête-t-on à faire le procès d'Algériens non-jeûneurs alors que les priorités sont ailleurs 'Cette inquisition moyenâgeuse fait la part belle aux discours extrémistes qui y prêchent les motifs d'une montée au créneau et de l'occupation du débat national. L'heure n'est plus à la traque d'un casse-croûte mangé en cachette à midi ni à un verre d'eau bu parce qu'on ne veut pas faire carême, mais aux exigences d'une sortie de crise sociétale et économique. L'Etat incapable de proposer des alternatives salvatrices tente de créer de fausses pistes loin des sujets sensibles pour occuper le peuple et l'obliger à regarder ailleurs. Et quoi de mieux que d'ouvrir des brèches polémiques dans la religion poussant les Algériens à s'élever les uns contre les autres et à ne pas demander, du coup, des comptes à ce gouvernement qui les dirige.Au lieu d'intensifier la guerre contre la corruption, de poursuivre les criminels en col blanc, d'essayer de rapatrier les milliards de dollars volés à l'abri d'un poste de responsabilité, on est encore à surveiller la langue des Algériens pour voir s'ils ont réellement jeûné. Akbou n'est ni le premier ni le dernier exemple de cet acharnement contre toutes les libertés individuelles et de culte. En quoi un non-jeûneur peut-il constituer un danger sur la sécurité de l'Etat pour mettre des uniformes derrière chaque porte de restaurant ' N'y a-t-il pas plus urgent à entreprendre pour arrêter cette saignée économique qui vide notre pays faute de gestionnaires compétents et d'une volonté manifeste de détruire ce pays 'Faire la chasse aux non-jeûneurs équivaut à poursuivre des vendeurs de sachets en plastique oubliant les responsables véreux qui ont coulé l'économie nationale. Mais de là à interpeller les mangeurs d'Akbou alors que le parquet aurait dû s'autosaisir après les dernières déclarations d'un prédicateur en mal de notoriété sur Daech, il n'y a qu'un pas qu'on n'a pas hésité à franchir. Les propos de cette personne s'assimilent facilement à une apologie du terrorisme alors que le seul crime d'un non-jeûneur est de manger un frite-omelette à midi. Y a-t-il photo '