Algérie

La sardine et le ministre Point Net



Le ministre de la Pêche Abdellah Khanafou a une conception un peu singulière du développement de la pêche, plus particulièrement du marché du poisson. Sur la sardine surtout, puisque c'est le poisson qui fait toujours l'actualité pour des raisons évidentes, comme sa supposée abondance naturelle et son prix, censé être à la portée des plus faibles revenus.
Qu'elle soit «le blé de la mer», pour faire un peu poétique, ou «le poisson du pauvre», pour rester plus terre à terre, la sardine est le produit par excellence par qui s'exprime l'érosion affolante du pouvoir d'achat jusqu'au sein des classes moyennes, désormais contraintes de renoncer aux plaisirs les plus simples. Il est évident qu'à quatre cent dinars, voire cinq cents, la sardine change elle aussi de statut : elle devient un luxe et ce n'est pas exagéré de la désigner ainsi. Les raisons peuvent être nombreuses, le fait est là.
C'est seulement quand le ministre de la Pêche vient nous donner «son» explication que ça ne va plus. Parce qu'il fallait vraiment aller la chercher, celle-là : «La production était la même il y a quelques années et les prix n'avaient pas atteint un tel niveau !» Monsieur Khanafou, qui croyait sans doute qu'il ne fallait pas s'arrêter en si bon chemin, a continué.
Pour lui, le problème ' ce doit être un gros problème, en effet ' est qu'il y a de plus en plus d'Algériens qui consomment de la sardine ! Et, plus grave, manifestement, il y a même des Algériens dans le sud' algérien qui ont eu l'idée saugrenue de découvrir le goût de la sardine.
Et de la faire acheminer à partir des ports de pêche' d'Algérie par camions frigorifiés ! Comme le ministre de la Pêche était particulièrement inspiré, hier matin, à l'émission «L'invité de la rédaction» de la Chaîne III, il va boucler la boucle avec le même entrain. La spéculation ' Une invraisemblance. Pourquoi '
La sardine ne peut pas être stockée pour faire l'objet de spéculation ! On spéculerait donc sur la sardine avec le même mode opératoire que pour la pomme de terre. On vide le marché par des achats massifs, on «cache», comme on disait du temps de la Révolution agraire, on attend que la tension soit à son paroxysme et on vend au prix qu'on veut.
Cela ne doit pas vraiment se passer ainsi pour la sardine, et dire qu'il n'y a pas de spéculation sur ce produit, c'est vraiment se cacher derrière son petit doigt. Même quand M. Khanafou dit les plus plates évidences, il le fait avec un tel détachement qu'on en arrive à se demander si le ministère de la Pêche a une quelconque responsabilité dans «l'affaire» : «Seule l'offre et la demande sont responsables de la détermination des prix.»
C'est difficile, mais on peut même concéder au ministre de la Pêche que le pouvoir d'achat des Algériens soit en phase d'explosion au point que «même» dans le fin fond du désert, on se met à la sardine. Cela, c'est la demande. Et l'offre alors ' Le plus dur chez nos ministres est qu'ils parlent des problèmes de leur «secteur» comme d'une fatalité. Plus grave, comme s'ils ne sont en rien concernés !
Ils peuvent bien étaler leurs «plans de développement», annoncer leurs projets et fixer des objectifs. Comme ils ne sont soumis ni à obligation de résultats à terme ni à des bilans de conjoncture, ils continueront à parler comme s'ils venaient de prendre leur fonction, sans compte à rendre, sans constat d'échec et sans trajectoire à changer. A tel point qu'on ne sait même pas si Abdellah Khanafou a promis un jour aux Algériens de la sardine en quantités suffisantes et à des prix «humains», pour pouvoir lui rappeler ses engagements.
C'est sans doute cela aussi qui lui permet une telle nonchalance dans le propos. Hier, sur les ondes de la Chaîne III, il ne se sentait même plus obligé de sortir ses projets de «développement du secteur». Normal, quand on a commencé par se situer au-dessus de la mêlée dans son propre ministère. Et que ça n'offusque pas outre mesure.


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