Algérie

La rue impatiente, pas pressée



L'usure ' Il y a ceux qui en parlent en évoquant leurs appréhensions instinctives de voir la protestation finir par s'estomper dans la lassitude de la répétition. Il y a également ceux qui, par réflexe maladif, sont immédiatement dans l'analogie des expériences, dans l'historique jurisprudentiel et l'expérience infaillible. Pour ceux-là, non seulement la théorie politique dans le genre est du domaine de la certitude, mais les «exemples» qui ont permis de vérifier ça sur le «terrain» sont légion. Ils sont tellement pléthoriques que personne ne peut imaginer que la rue algérienne a une chance d'enterrer la thèse qui les a portés depuis tout ce temps où ils ont eu à fortifier leur consécration. Il y a enfin ceux qui, par paresse intellectuelle, par paresse tout court ou à dessein, sont? pressés d'en finir ! Il y a enfin, tous ceux, sincères et engagés, veulent déjà dessiner une perspective politique à l'action populaire sans quoi toute cette formidable mobilisation, cette détermination et cette clarté dans le discours comme dans les objectifs, manqueraient de sens. Tous ces gens, s'ils diffèrent dans leur regard sur les choses et la nature de leurs motivations, partagent la même erreur d'appréciation. Il n'y a aucune raison de se précipiter. Ni pour structurer un mouvement qui est encore loin d'avoir fait émerger des leaders représentatifs de ses projections, ni pour lui donner d'autres formes d'action, celles dans lesquelles il s'est installé ayant donné toutes les garanties à son aboutissement. Il n'y a qu'à apprécier déjà son évolution en quantité et en qualité, les ruptures politiques qu'il a charriées, les mutations culturelles qu'il a générées et les doutes qu'il a installés dans l'autre camp pour se convaincre qu'il est sur la bonne voie. Nous avons même eu à vérifier, plus d'une fois, que c'est plutôt le pouvoir qui est pressé d'aller sur «un autre terrain» et d'y travailler parfois dans les soubresauts du désespoir. Parvenu au seuil critique de l'incapacité à former son «gouvernement de compétencesnationales», impuissant à garrotter les flots de défections dans ses propres rangs et paniqué par les premiers grands déballages, il en est à installer ses décibels à folklore dans des maisons feutrées pour tenter de perturber la marée populaire, sereine dans sa résolution. Et pour ceux qui insistent sur la menace de l'«usure», cette photo d'une jeune fille belle comme le jour, postée par un jeune manifestant, accompagnée d'une légende de génie : «S'il te plaît Bouteflika, ne parts pas tout de suite, j'ai envie de la (la fille) revoir vendredi prochain» !S. L.


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