Algérie

La rue algérienne, un dictionnaire à ciel ouvert Dossier : les autres articles



La rue algérienne, un dictionnaire à ciel ouvert                                    Dossier : les autres articles
Dans la rue où ils sont les maîtres, les jeunes des villes, à Alger comme à Oran ou à Annaba, usent d'un langage flamboyant d'inventivité, agrémenté de néologismes inattendus.
Les mots claquent, déformés pour mieux contrer la rigidité de la langue scolaire ou celle de l'ENTV.
Dans l'Algérie des années 2000, les parvenus, les beggara, les chebrag sont au centre des discussions des jeunes. Espérant, sans oser se l'avouer, ressembler à ce nouveau modèle de réussite sociale, les jeunes «naviguent» entre système D et crainte pour l'avenir. L'argent prend une place considérable dans leurs discussions, à en juger par le nombre de termes qui lui sont attribués. Tout le monde veut ainsi gagner ettiki ou même boucou tiki. Les jeunes veulent ramasser el aate, el kamoune, el ch'kara. Le sac de billets, apparu bien avant les scandales financiers à répétition, laissait présager que la corruption allait devenir un phénomène répandu dans la société algérienne. Chacun devait avoir sa tchippa, un terme emprunté au verbe anglais «to chip in» (verser un peu d'argent, contribuer), à en croire le linguiste Abderrazak Dourari.
Au pays de la débrouille, entre désespoir et crainte pour l'avenir, les jeunes se démènent pour dénicher une tberdida, un petit boulot pour joindre les deux bouts et pour s'acheter des fringues. Car le but ultime est de plaire aux belles donzelles ' désignées par le mot peu gracieux d'elzel ' qui les narguent à longueur de journée. Mais il y a encore autre chose que les jeunes Algériens aiment presque autant que les filles : les voitures. Et de rêver à une BMW chitana une Clio debana ou même une debza. La voiture de l'instit, la Maruti, est réduite au statut de mouâlimati. Dans le new parler urbain, les jeunes abordent la vie et ses obstacles avec humour. Ils affrontent ainsi des problémations, des mochkilations et même des oukhdations.
Pour eux, les moyennes et petites bourses souffriraient de «déssouknation aiguë». Au final, les innovations lexicales traduisent les aspirations et les doutes des jeunes citadins. Et il n'y a guère de quoi s'étonner que le mot «el harga» ait désormais fait le tour du monde.


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