Algérie

« La révulsion d'une guerre injuste »



Le personnage de Jean Soubeyran est imaginaire, mais tellement réel. Soldat malgré lui d'un combat qui n'est pas le sien, il dénonce, alors qu'il est sous les drapeaux de l'armée française, l'injustice de la colonisation, et la barbarie des méthodes employées pour combattre le mouvement révolutionnaire algérien. Cela lui vaudra des sévices de la part de ses supérieurs et collègues dont l'un d'eux ne le lâchera jamais dans les années d'après-guerre, alors que l'Algérie a recouvré l'indépendance. A son retour, il écrit dans les feuilles de son journal : « J'avais encore dans la tête le mal d'Algérie. Le mal de ce fellagha blessé dans un accrochage que j'avais conduit à l'infirmerie et que j'avais retrouvé mort, à quelques temps de là, à moitié dévoré par des chiens ». C'est la trame de La danse de c'ur de Jean-Pierre Védrines. Les démons imagés et concrets ne vont cesser de poursuivre l'ancien militaire dont la vie va se trouver en pointillés. Rien ne lui est épargné, comme une malédiction irrémédiable. Il note tout inlassablement, et ce sont ces écrits épars qui donnent le ton rapide, incisif, violent du roman qui est une belle 'uvre de fiction, avec beaucoup de liberté de narration, et un souffle épique qui rejoint les plus belles plumes, dont celle d'Albert Camus. L'auteur éprouve « une grande admiration » pour le prix Nobel originaire d'Algérie. Dans un entretien qu'il nous a accordé, il nous le dit : « Il marqua profondément les animations littéraires que je faisais dans mes jeunes années en milieu associatif. En écrivant La Danse du coeur j'avais ce que j'appelle la petite musique de l'Etranger en tête » . L'Etranger, avec ce personnage meurtri avec lequel on tremble. La comparaison n'est que littéraire, mais elle indique la qualité d'une écriture apurée. Pour le reste, Jean-Pierre Védrines veut dire toute la révulsion qu'il a eue, « étant jeune, contre la guerre d'Algérie qui a marqué les jeunes gens de ma génération », explique-il. Une guerre injuste qu'il dénonce. Au service militaire chez les paras en 1961-1962, il n'est pourtant pas allé en Algérie : « Le régiment était surveillé de près. Cependant, j'ai pu voir, entendre, subir les ''méthodes'' de la formation parachutiste. L'idéologie de la ''race supérieure'' n'était pas loin. » Pour rédiger les premières pages qui feraient frémir de gêne ceux qui ne veulent pas entendre parler de repentance, malgré les faits avérés, l'auteur dit avoir « fait un gros travail d'archives sur la guerre d'Algérie pour rédiger le premier chapitre sur la torture ».L'ouvrage resta de longues années en jachère, étant simplement publié par bouts dans des revues. « Jusqu'en 2008 où j'ai pu ''trouver le passage'' et écrire la version que vous connaissez ». La faille, J.-P Védrines la trouva dans l'idée de dénoncer la torture qui, « hélas, continue son affreux chemin' et l'idée de combattre la montée en France des idées lepénistes avec ce que cela comporte de haine contre l'étranger ».Le « héros » du livre est « bien un bâtard de la société ». Dans tous les sens du terme, parce que sa naissance ne s'est pas faite dans une famille en règle, mais aussi parce qu'il est inadapté au monde. « La révolte de Jean est viscérale. Je crois que dans la société si on accepte l'injustice, on accepte le malheur des autres, l'oppression et la barbarie. Peut-il avoir une place dans la société ' se questionne l'auteur. La réponse est non. Mais il reste accroché aux bouées qu'il lance dans ses carnets : comme un journaliste, un peintre, un écrivain, Soubeyran note, parce que c'est essentiel si l'on veut ensuite continuer la réflexion, tenter de rédiger, à partir de ces croquis pris sur le vif. Le carnet, c'est la trace qui relie au ressenti du moment passé . Pour tenir le coup dans l'adversité qui sera terrible' Un moment d'humanité rare dans lequel nous conduit un auteur attachant.*** Jean-Pierre Védrines, La danse de c'ur, roman, 150 pages, éditions Apogée, 17.(*) Jean-Pierre Védrines, La danse de c'ur, roman, 150 pages, éditions Apogée, 17 '.Bio ExpressJean-Pierre Védrines est né le 28 janvier 1942 dans l'Hérault, à Lunel. Il écrit depuis très jeune, se tournant surtout vers la poésie avec des incursions dans l'écriture romanesque : Un jour d'orage (2004) , Froides vendanges (2005) , Marie des vignes(2006), Soleil de femme (2008) et La Huguenote, roman historique, aux éditions Lucien Souny (2006) , ses souvenirs d'enfance aux éditions Cheminements, L'arbre des escargots (2007). Il est actuellement directeur de la revue Souffles, Président de l'association Les Ecrivains Méditerranéens.


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