Algérie

La révolution tunisienne en cours à Dakar




Dakar (Sénégal).
De notre envoyé spécial

Fathi Chemkhi, syndicaliste, Djeloul Azouna, secrétaire général du Parti de l'unité populaire (PUP), Leïla Ben Salem, avocate opposante ayant quitté la Tunisie depuis 1977 et Nabil Mountassar, membre de l'association Attac, ont dispensé un «cours» de techniques révolutionnaires devant une assistance acquise à  leur cause. Ils étaient tous fiers, ces orateurs, de pouvoir parler – enfin ! – autrement de leur Tunisie que sous le prisme peu enviable d'un Etat policier. Avant même le début de leurs exposés, les conférenciers ont été bombardés de questions autour du thème générique «La leçon tunisienne». D'entrée, Djeloul Azouna, du PUP, a tenu à  clarifier les choses en expliquant que la révolution tunisienne est certainement riche en leçons, mais qui ne sont pas forcément transposables à  d'autres pays. «Il y a sans doute des leçons à  tirer de la révolution tunisienne, mais pas à  en donner», souligne l'orateur. Et d'ajouter, dans une allusion à  une possible contamination des pays de la région, que chaque pays possède ses «spécificités» et ses propres «ressorts». Le secrétaire général du PUP met en garde l'assistance contre les «amalgames» en faisant remarquer que «la Tunisie n'est pas l'Egypte». Quid de l'origine de cette révolution ' Pour M. Djeloul, les événements furent une surprise pour «le dictateur et ses semblables ainsi que les Occidentaux qui le soutenaient en fermant leur yeux sur ce qui se passait en Tunisie». Mais pas pour les Tunisiens «d'en bas» qui, d'après lui, avaient «capté le signal» en 2008 lors des émeutes du bassin minier de Gafsa. Le conférencier a expliqué que les Tunisiens s'attendaient à  ce que la «situation déborde tôt ou tard».
Leçons
De quoi la Tunisie sera faite demain ' «C'est le flou politique pour l'instant !», reconnaît le syndicaliste Fathi Chemkhi. Avant d'avouer : «Nous manquons d'expérience, c'est un nouveau contexte qui se présente à  nous.»
Pour autant, il pense qu'il faudrait «repartir sur des bases plus saines et plus transparentes». «Y aura-t-il de la place pour les islamistes qui risquent de détourner votre révolution '», interroge un militant sénégalais. «Je vois, vous faites sans doute référence à  une tribune publiée par certains intellectuels français, dont Bernard Henry Lévy, qui évoque le péril islamiste. Mais tout cela est faux, les islamistes ont leur place dans une Tunisie libre, on ne pourra pas nier une composante de notre peuple. Je pense que ce risque est sciemment exagéré par les Occidentaux pour justifier leur soutien à  nos dictateurs», lâche le syndicaliste. Il referme la parenthèse sur la gestion des islamistes par cette formule à  la fois réelle et originale : «Mieux vaut les avoir comme adversaires que comme ennemis.»
La célèbre avocate et opposante Leila Ben Salem n'en pense pas moins : «Le courant islamiste est une donnée qu'il faut prendre en considération ; on doit l'intégrer dans le jeu politique», lance-t-elle, convaincue, elle qui a été contrainte de quitter son pays pour aller s'installer en France avant de venir enseigner à  Dakar.
Auparavant, l'opposante a «scanné» longuement le système Ben Ali et montré pourquoi il ne pouvait plus tenir. «Notre peuple a opéré une véritable razzia qui a emporté le régime», devait-elle souligner. La conférence sur «La leçon tunisienne» a été clôturée dans l'enthousiasme et la bonne humeur sur les airs de Tounes Ardh Al Ahrar (Tunisie, terre des hommes libres), entonné par un jeune artiste, la guitare en bandoulière.
Dans les allées du campus Cheikh Anta Diop, le célèbre cyberdissident Sofiane Belhaj, alias Hamadi Kaloutcha, l'un de ceux qui ont fait tomber Ben Ali sur facebook, promenait fièrement sa frêle silhouette, drapé du drapeau rouge et blanc. A Dakar, la Tunisie libre a bien repris droit de cité.

 


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