Algérie

La Révolution racontée par Sid Ali Abdelhamid



"Sid Ali Abdelhamid est une symbolique du mouvement national insuffisamment connue et une source mémorielle de toute une épopée de la Révolution algérienne.""Le besoin de mémoire est un besoin d'histoire", Pierre Nora. C'est ce doyen du mouvement national et de la guerre de Libération qui, pour fêter l'anniversaire de ses 98 années, vient de publier ses mémoires autobiographiques au titre expressif et évocateur Ce que j'ai vécu, ainsi transcrits avec la collaboration de Hamid Tahri, journaliste, auteur. Une symbiose de retrouvailles générationnelles livresque organisée par l'Association des amis de la rampe Louni-Arezki (Casbah), avec la contribution des éditions Dahlab, à la Bibliothèque nationale le 28 décembre écoulé, pour la présentation de cette œuvre mémorielle de l'histoire révélatrice du parcours fécond et laborieux de Sid Ali Abdelhamid, un repère de centralité de premier plan, de militantisme indépendantiste.
L'événement a été rehaussé par la présence de celui-ci qui, en dépit de l'état de fatigue et d'émotion, est venu à la rencontre d'une nombreuse assistance dans sa chaise roulante, revigoré et comblé de l'instant de bonheur d'une véritable communion d'évocation et de pensée collective avec un public enthousiaste et chaleureux qui, à son arrivée, l'a accueilli en triomphe avec une ovation d'un tonnerre d'applaudissements et une salve de stridents youyous.
Visiblement très ému par cet élan profondément affectif, l'icône du jour, symbolique d'un foisonnant itinéraire, d'un militantisme, de nationalisme indépendantiste, a connu un bain de foule amical d'une chaleur humaine très intense au souvenir du repère de résistance, d'abnégation et de conviction qu'il incarnait dans la seule voie salutaire d'engagement politique fondamental et irréversible, qui s'articulait par l'action soutenue autour de la libération de l'Algérie d'une invasion française de déni d'humanité.
Doyen de militantisme indépendantiste
L'Algérie, c'est moi, par le combat et la lutte perpétuels pour l'indépendance de la terre des ancêtres, telle était la réplique et la devise d'aspiration vitale du PPA/MTLD de Sid Ali Abdelhamid et du peuple algérien durant toutes les épreuves de la calamiteuse et longue nuit coloniale.
En fils prodige de La Casbah d'Alger, fervent admirateur de l'emblématique Abdelhalim Bensmaïa, un savantissime d'universalité et résistant phare de la Cité antique, qu'il parcourait dans sa tenue vestimentaire traditionnelle en cavalier sur son cheval blanc, l'inlassable militant Sid Ali Abdelhamid ne pouvait se résigner au triste sort de l'infâme code de l'indigénat et retrouva sa raison d'être dans le sillage du PPA/MTLD et de l'avant-gardiste Organisation spéciale.
Aucune revendication, ni d'égalité, ni de citoyenneté autre que celle de l'indépendance de l'Algérie et la souveraineté de son peuple n'était dans la vision de ses horizons. C'est la synthèse concise de cette épopée qui a été réactualisée par l'auteur de ces lignes en introduction thématique de la rencontre, complétée par Hamid Tahri, qui a collaboré à l'écriture de cette œuvre instructive de la mémoire de l'histoire, Ce que j'ai vécu, et de Abdallah Chegnane, directeur de publication des éditions Dahlab.
Devant un auditoire concentré et très attentif, Hamid Tahri a retracé en filigrane l'ouvrage et mis en exergue l'exemplarité du parcours dense et intense de Sid Ali Abdelhamid, en présence de plusieurs personnalités, parmi lesquelles Yacef Saâdi, chef de la zone autonome d'Alger historique, Ali Haroun, dirigeant de la Fédération de France du FLN, Ahmed Doum, responsable au sein de cet organe de la Révolution, Saïd Chibane, militant de référence et ancien ministre, Loukal Brahim, moudjahid, Amirat Zoubida, moudjahida et veuve du regretté Slimane Amirat, fidaï et militant de renom de la première heure, ainsi que Mme Yamna Ihaddadene, veuve du célèbre historien et moudjahid Zahir Ihaddadene, et MM. Mohamed Laïchoubi, ancien ministre, et Kaddour M'hamsadji, doyen des écrivains algériens, entre autres.
Avec une méthodologie de narration appropriée, Hamid Tahri a brillamment développé l'itinéraire politique de Sid Ali Abdelhamid, en doyen de militantisme, de nationalisme indépendantiste, de dirigeant de premier plan du mouvement national en tant que membre du Bureau politique du PPA/MTLD des années 40, responsable politique de l'Organisation spéciale, membre fondateur du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (Crua), compagnon de résistance des pionniers historiques Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Belouizdad, Mohamed Khider, Hocine Asselah, Hocine Lahouel, Ahmed Mezghena, Abderrahmane Kiouane, Benyoucef Benkheda, Ouali Benaï, Saâd Dahleb, pour ne citer que ceux là.
Sid Ali Abdelhamid et le CRUA occultés par les historiens
Inexplicablement, la dimension et la stature de ce vétéran, ainsi que le lieu de la constitution du Crua (Comité révolutionnaire d'unité et d'action), fer de lance et levain du 1er Novembre 1954, ont toujours été occultés par les historiens parmi les plus méticuleux dans la précision du détail événementiel d'historicité. Cette phénoménologie dans l'écriture de l'histoire a été judicieusement relevée par de poignants témoignages d'acteurs de notoriété, dirigeants de la Révolution algérienne qui se sont succédé, à l'instar de Yacef Saâdi, Ali Haroun, suivis de Saïd Chibane et de Zoubida Amirat.
Tous et à l'unisson, ces repères de l'histoire ont perspicacement su redéfinir l'importance du rôle politique et stratégique qui a été celui de Sid Ali Abdelhamid tout au long de son existence militante, qui s'inscrit aujourd'hui en une véritable leçon de patriotisme viscéralement ancrée à l'échelle des valeurs ancestrales et civilisationnelles algériennes de résistance, de combat, de lutte dans la vision radicale et exclusive, indépendantiste pour la reconquête de la patrie du joug de l'asservissement colonial français.
Ainsi, des interventions pertinemment émouvantes ont été développées notamment par Yacef Saâdi, qui a martelé : "Sid Ali Abdelhamid a été ma première école de militantisme. Il a été aussi mon chef de l'OS en 1954, dont je recevais des ordres pour le déclenchement de la lutte armée. C'est un dirigeant de grande valeur, un repère révolutionnaire important et un exemple pour l'ensemble des Algériens dont il demeurera un héros."
Il fut suivi par l'évocation de Ali Haroun, qui a enchaîné ses propos ainsi : "Sid Ali Abdelhamid est une symbolique du mouvement national insuffisamment connue et une source mémorielle de toute une épopée de la Révolution algérienne. En dirigeant de premier plan, il m'a communiqué à ma demande toutes les informations sur la création du Comité d'action révolutionnaire nord-africain (CARNA), ce qui m'a permis de publier des contributions sur cette période charnière de notre histoire."
Saïd Chibane a tenu, quant à lui, à rappeler élogieusement les positions lucides et courageuses de Sid Ali Abdelhamid au sein du Mouvement national et ce, à des étapes cruciales et complexes du contexte politique de l'époque. Et d'ajouter son réconfort pour la parution de cet ouvrage qualifié, selon son expression, de "restitution de l'histoire à notre peuple".
Un pan d'histoire a été repris par un enfant de La Casbah, Djamel Tchekikène qui, dans un sublime et émouvant plaidoyer, a réitéré avec force la gratitude, la fierté et l'admiration de toutes les générations à l'égard de Sid Ali Abdelhamid, qui incarnera à jamais une illustration des valeurs d'algérianité, d'engagement, d'ardeur, d'abnégation et de sacrifice pour servir d'exemple à la descendance future et à la postérité.
Cette inoubliable rencontre a été la liesse d'une nombreuse assistance au ressourcement de la mémoire de l'histoire symbolisée par la remise d'un magnifique trophée de la Reconnaissance et du Mérite décerné à Sid Ali Abdelhamid par le président de l'association "L'homme et la nature" de la ville de Sétif qui, pour la circonstance, s'est rendu à Alger en signe de participation et d'adhésion agissante à la célébration de l'événement.
Cela, le jour de l'anniversaire de ses 98 années, en un geste émouvant embelli par une ode poétique superbement déclamée par Rabah Haouchine, poète et vice-président de l'Association des amis de la rampe Louni-Arezki (Casbah) qui, dans une envolée d'une verve d'éclat, a transposé l'assistance dans le décor fascinant d'"El-Bahdja" Alger la Blanche et de l'épopée de son doyen Sid Ali Abdelhamid, épelé en une évocatrice strophe rimée au souvenir de son prodigieux parcours militant pour l'amour de l'Algérie.
Ce que j'ai vécu. Un fécond mouvement de la mémoire à fertiliser à dessein de la réappropriation de ce legs générationnel précieux pour l'écriture authentique de l'histoire de la Révolution algérienne à pérenniser en direction de la jeunesse et des générations montantes.

Par : Lounis Ait AOUDIA
Président de l'Association des amis de la rampe
Louni-Arezki, Casbah


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