Depuis 60 ans, il n'y a pas un jour de mon existence où je n'ai pas prononcé le mot Algérie, je n'ai jamais cessé de penser à mon pays», a-t-il confié à un de ses amis un jour. C'est dire que le parcours de cet homme est entièrement lié à l'Algérie. Dans cet ouvrage, par ailleurs attendu, Yaha Abdelhafidh raconte à Hamid Arab sa vie de militant nationaliste. Une vie commencée dans les scouts à la fin des années 1940 et poursuivie dans l'émigration. La guerre d'indépendance déclenchée, Yaha s'engage. Mais pas seulement lui, puisque toute sa famille rejoint le FLN : ses parents, ses sœurs et ses frères.
«L'étincelle fut allumée une nuit d'automne en 1954. Dès les premiers jours, je pris part au tourbillon de cette guerre révolutionnaire dont beaucoup pourtant ne donnaient pas cher. Elle dura près de huit longues années, un long cauchemar que nous vécûmes éveillés et déterminés. A partir de là, je ne pensais qu'à la victoire finale, pas à autre chose, même pas à la mort, car celle-ci nous accompagnait à chaque instant. Dans cet engagement militant sans concession, je refoulais le souvenir de tous les àªtres chers, mon père, ma mère, ma femme, quelque part dans un coin de ma mémoire. Certes, c'est dur de se l'avouer aujourd'hui, mais la lutte armée pour l'indépendance était toute ma vie. Tout mon àªtre était tendu vers ce noble objectif. Comme beaucoup de compagnons de la résistance, je faisais fi de tous les sentiments pour ne pas faiblir devant l'ennemi. La révolution était nécessairement à ce prix», lit-on dans ce livre.
Leur maison située au village Takhlijt Aït Atsou devient très vite un refuge. Le premier. Et tout le patrimoine familial a servi pour nourrir les maquisards du FLN. Le père, Bachir Yaha, était le chef de refuge. Il nourrissait les colonnes de moudjahidine sur ses propres fonds jusqu'au début 1956. Si Abdelhafidh, comme l'appelaient ses anciens compagnons d'armes, a gravi les échelons de la hiérarchie du FLN au prix du mérite et du combat. Au quotidien. Ma guerre d'Algérie, au cœur des maquis de Kabylie (1954 -1962) raconte la révolution dans l'os, au plus près de la lutte pour l'indépendance. Ce sont près de 400 pages d'un témoignage précieux, capital désormais fixé pour la postérité.
L'une des particularités de ce livre, c'est la place qu'il donne à ce qu'on pourrait appeler les petites mains de la révolution : les moussebline, les femmes, les chefs de refuge, tous ces hommes et ces femmes qui ont irrigué la lutte armée avec courage et dévouement et dont personne ou presque ne parle. Ces mémoires sont majeurs, car ils renseignent avec une précision inouïe sur la mécanique de la lutte politique et militaire du FLN/ALN. Cet ouvrage est raconté par un dirigeant qui a passé toutes les années de la lutte pour l'indépendance parmi les moudjahidine et au plus près de la population.
Pas seulement, il a aussi été témoin du meilleur comme du pire de ce qu'a connu la Wilaya III. Yaha Abdelhafidh a rencontré plusieurs dirigeants, notamment les quatre colonels de la Wilaya. Il apporte son témoignage sur Abane Ramdane et Ben M'hidi qu'il a escortés le temps de leur traversée de la montagne vers Ifri pour le congrès de la Soummam. Il raconte aussi la Bleuite, l'une des pages noires de la Wilaya III dans laquelle il a été l'un des rares officiers à dire ses vérités au colonel Amirouche, l'affaire des «officiers libres», Jumelles.
Témoin de la bleuite
Là, l'ancien dirigeant de la Région 1 Zone 4 est à l'aise, car il a été l'un des seuls à dire non et appelé à cesser les liquidations de frères d'armes. En lisant Ma guerre d'Algérie, au cœur des maquis de la Kabylie, on comprend que tout ne fut pas blanc ni noir à chaque fois. Yaha Abdelhafidh nous apprend, unique témoignage du genre, qu'il s'est réfugié chez certains harkis, qu'il a utilisé certains d'entre eux comme agents de renseignement pour le FLN.
Nationaliste à l'état pur, Yaha Abdelhafidh est connu pour sa droiture, son sens de l'honneur et de l'engagement désintéressé pour le pays. Ce qui fait de lui un témoin privilégié en ces temps où les faux moudjahidine ont fait florès. Ce premier tome s'achève sur l'indépendance. Certains, beaucoup d'anciens militants sont rentrés dans les rangs, mais pour Yaha Abdelhafidh, c'est une nouvelle lutte qui commence. Car, pour lui comme pour de nombreux dirigeant de la révolution, l'indépendance a été confisquée. Un tome 2 en chantier «Notre combat était beau à certains égards mais incomplet à d'autres. Beau, car les grands espoirs de lendemains qui chantent le nourrissaient. Il fut même un parangon pour plusieurs révolutions tiers-mondistes. Finalement, quoi de plus exaltant que cette belle aventure de libération du pays !
Quoi de plus beau que cette journée du 19 mars 1962 durant laquelle le peuple algérien, sevré de liberté, avait laissé éclater sa joie sous un ciel plus bleu que jamais. Une joie pure et sincère contenue et réprimée durant plus d'un siècle se faisait entendre pour la première fois sur la terre d'Algérie. Cette liesse qui célébra la renaissance de notre pays fut hélas de courte durée. En quelques jours, l'élan révolutionnaire de toute une génération d'Algériens s'était brisé net sur le mur des ambitions d'un clan qui prit en otage la révolution et son devenir». Plus loin, il ajoute amer : «Le constat est franchement affligeant : que d'hommages sans
bataille ! Que de révérence sans panache durant toutes ces années !» Une autre page de sa vie qui commence. Une étape qu'il a entrepris de raconter dans un deuxième tome. Selon l'auteur, ce premier tome est disponible en Algérie dès le mois de mars chez Inas éditions.
Yaha Abdelhafidh Ma Guerre d'Algérie, Au cœur des maquis de la Kabylie (1954 – 1962) écrit avec Hamid Arab - Riveneuve édition France.
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Posté Le : 04/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hassan Moali
Source : www.elwatan.com