Algérie

«La révolution ne règlera pas les problèmes socio-économiques»



«La révolution ne règlera pas les problèmes socio-économiques»
Son film Cairo exit a défrayé la chronique en Egypte cette année en raison de sa censure. En dépit de cette épée de Damoclès, ce long métrage courageux et réaliste a été projeté lors des Journées du film méditerranéen qu'a organisé l'Aarc au mois de mars dernier avec le concours de la boîte de distribution MD Ciné. Né en Egypte, Heshman Issawi, le réalisateur, a étudié l'anthropologie puis la photo et le cinéma aux USA. Le réalisateur, également scéanriste et producteur, est l'auteur de courts métrages talentueux et de deux longs métrages de fiction, Amercian East (2007) et Cairo exit. Dans cet entretien, le réalisateur revient sur cet absurde épisode de censure qui a frappé son film lors de sa sortie et évoque avec nous la situation actuelle de l'Egypte. Bien qu'interdit en Egypte, cela n'a pas empêché son film Cairo exit d'être projeté à l'étranger et participer à des festivals internationaux que ce soit à Dubai, à Tribka, Munich ou encore en France.
L'Expression: Votre film est beau et aborde une autre facette de l'Egypte que l'on connaît peu à travers les feuilletons télés. Votre film a été censuré au festival de Louxor...
Heshman Issawi: Effectivement, il est passé sous la trappe de la censure. Le film est interdit en Egypte car on a tourné sans autorisation. Le scénario a été refusé. On a décidé de tourner sans attendre les autorisations. Après, ils ont demandé quelques modifications au niveau du scénario. Qu'on enlève toute référence à la religion principalement chrétienne telle la croix, l'image du Christ et de la Vierge Marie.
On nous a demandé aussi de changer la scène où la fille se prostitue et d'autres modifications et nous, on a refusé. Cela n'aurait pas dérangé que la prostituée soit musulmane et un chrétien n'est pas censé être pauvre. Le titre aussi dérangeait. Il fallait trouver un autre. Ce refus de projection est une forme de punition en fait, car on n'a pas attendu les autorisations pour le faire. L'équipe technique a été réduite de trente à sept personnes.
Les deux principaux comédiens viennent des quartiers populaires Ils connaissent bien la psychologie de ses gens et leur rapport avec la police a aidé à ce que le film se fasse. Et on a fait le film sans autorisation, à la sauvette.
Comment vous est venue cette idée du film. Et pourquoi la famille de la fille est chrétienne et pas musulmane'
Quand j'ai écrit l'histoire, je l'ai écrite alors que j'habitais à l'étranger. L'idée n'a rien à voir avec le fait qu'un musulman soit amoureux d'une chrétienne mais de dire que la pauvreté concerne tout le monde. La pauvreté touche toutes les franges de la société.
Chaque fois que je descendais en Egypte les gens me faisaient part de leur misère et malaise social. Ils étouffaient. Bien que leur niveau économique soit potable et refusent de partir et quitter le pays, les gens étouffaient. J'ai évoqué la population chrétienne car, j'en connais certains. Et personne ne parle d'eux. La population chrétienne n'est pas présente au cinéma.
Vous êtes Egyptien vivant aux USA, depuis une vingtaine d'années. Votre regard sur l'Egypte a dû radicalement changer depuis votre retour...
Bien sûr, ma vision a radicalement changé. D'ailleurs je suis resté pendant 15 ans là-bas sans jamais rentrer en Egypte. Quand je suis retourné en 2005, j'ai été surpris, je n'ai pas reconnu l'Egypte, la pauvreté a augmenté, les gens sont fatigués, désabusés. Le mot «étouffer» revenait souvent. D'où l'idée du film.
Tout le monde veut partir pour assurer une meilleure situation, l'un veut fuir ses conditions misérables en quittant le pays, l'autre veut quitter son quartier, l'essentiel pour lui est de partir.
Question qui n'a rien à voir avec le film: quelle est la situation actuelle des artistes et cinéastes après la révolution'
Des gens ont été touchés et d'autres en ont profité. Beaucoup de films documentaires ont été réalisés dans ce sens.
N'importe qui possédant une caméra en a fait un film. Et l'a vendu dans des festivals, mais ceci n'est pas du cinéma. Pour ma part, nous avons fini de tourner 20 jours avant l'éclatement de la révolution.
Pourriez-vous faire le même film aujourd'hui'
Je ferai le même mais sans ça, c'est-à-dire la révolution, les problèmes demeurent, vous savez. Rien n'a changé. Au contraire. En plus, c'est impossible que des problèmes qui datent de 60 ans changent comme ça, brusquement. Les gens sont très pressés. C'est la même vie. La révolution a brisé la peur.
Les gens n'ont pas peur, il y a aussi une certaine liberté d'expression qui n'existait pas avant. Les gens passent à la télé pour s'exprimer plus librement. Sinon dans la vie quotidienne, les problèmes ont augmenté. La pauvreté aussi. La révolution ne va pas régler les problèmes socio-économiques. La révolution gagnera en fonction des hommes politiques à condition qu'ils ne soient pas encore des corrompus. La seule chose positive de la révolution est qu'elle a brisé la barrière de la peur. Il n'existe aucune révolution qui a réglé les problèmes d'une société en un an. Et puis, les problèmes de l'Egypte sont nombreux. Et comme on dit, elle ne nous appartient pas mais appartient plutôt à la génération qui va suivre.
Votre vie aujourd'hui est en Egypte ou aux USA'
Ma vie est entre les deux. Aujourd'hui, j'ai un nouveau projet de film autour du thème du retour. C'est l'histoire d'un homme qui revient à la recherche de ses racines et son identité en cherchant sa mère avec laquelle il a rompu le contact depuis des années. Sa quête va l'emmener à découvrir l'Egypte. Il passe du Caire, en passant par Alexandrie jusqu'au Essaïad. Il voit l'Egypte qu'il n'a jamais connue et telle que les gens ne la connaisse pas. L'Egypte ce n'est pas les mêmes personnes. Il y a différentes cultures. Et on ne les connaît pas. Si tu vas à Essaïd c'est un autre pays avec une autre culture. Or, nous avons tendance à avoir une certaine idée reçue qui est figée sur l'Egypte. Même la langue diffère d'une région à une autre.
Cet homme va suivre les traces de sa mère jusqu'à son arrivée à Essaïd. Une autobiographie'
C'est inspiré de mon vécu certes et de gens que je connais et des amis qui vivent à l'étranger...
Il y a une actrice marocaine, Sanaâ Mouziane, qui joue dans votre film un rôle assez délicat et tabou, lié à la virginité. N'avez-vous pas trouvé une Egyptienne pour interpréter ce rôle'
Sanaâ je l'ai rencontrée alors qu'elle partait vivre à Londres. C'est un hasard. On s'est rencontrés elle a aimé le scénario et accepté de jouer dans le film et puis partir. C'est une bonne comédienne et je n'ai pas fait la différence entre elle et les autres.




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