Algérie - Moghrar

La révolte des Ouled Sidi Chikh



La tribu des Ouled Sidi Cheikh avait opposé une violente résistance pour défendre la patrie et son territoire. Après le tracé des frontières entre l’Algérie et le Maroc aux termes du traité de Lalla Maghnia, certaines tribus établies sur ces frontières furent disloquées, parmi lesquelles la tribu des Ouled Sidi Cheikh. La France avait également réussi à s’allier Si Hamza Ben Boubaker, chef de la faction orientale de la tribu, en le désignant en 1850 en qualité de khalifa sur le Sud Algérien.

Bien que le khalifa ait fait la preuve de son allégeance envers la France et mis son autorité à son service, celle-ci ne lui faisait guère confiance en raison de son audience au sein des tribus du Sahara. Il fut convoqué à Alger pour enquête sous prétexte de plaintes formulées contre lui par certains habitants de la région. Mais il trouva la mort le 15 Août 1861 et les Français prétendirent qu’il avait été empoisonné par son épouse. Son fils aîné fut désigné à sa place avec rang de Bachaga, rang inférieur à celui de khalifa mais il ne tarda pas à mourir également empoisonné par ses partisans le 22 juillet 1862.

La France installa Si Slimane Ben Hamza à la place de son frère Si Boubakeur et démit le caïd Si Zoubir de ses fonctions d’agha de Ouargla, sous prétexte de sa maladie chronique. Il fut remplacé par son frère Si Lâala ibn Boubakeur , lequel était convaincu que la mort de Si Hamza et de son fils Boubakeur était l’œuvre des autorités françaises. Il entreprit d’inciter son neveu Si Slimane à combattre le colonialisme, exploitant pour cela certains facteurs tels que le retrait, par la France, d’une partie de ses troupes basées au Sud marocain pour soutenir son effort de guerre colonialiste au Mexique et en Cochinchine (Indochine)..

Les causes de la résistance des Ouled Sidi Cheikh

Dans l’opération d’expansion et d'extension de son influence, le colonialisme français avait adopté plusieurs méthodes, en exploitant notamment l’autorité dont jouissait la famille des Ouled Sidi Cheikh pour s’implanter dans le sud. Réalisant le danger d’une telle politique, les chefs de cette tribu s’y opposèrent et lui déclarèrent la guerre.

Cependant, d'autres motivations d’ordre religieux, politique et économique ont précipité le déclenchement de la résistance, parmi lesquelles on peut citer :

- Le refus de l’occupation qui est le facteur essentiel de toutes les résistances;

- Le poids de plus en plus lourd des impôts exigés des populations en vue de les appauvrir.

- La politique de la France basée sur le principe de « diviser pour régner » pour briser l’unité des rangs.

- Les tentatives faites par la France en vue d’ébranler l’autorité de Si Slimane et mettre un terme à son influence dans la région.

A la lumière de toutes ces circonstances, Si Slimane adressa un appel à sa famille, affirmant que les Français qui avaient empoisonné son père Hamza et son frère Abou Bakr n’hésiteraient certainement pas à le tuer et qu'il était par conséquent nécessaire de se préparer à l’affrontement et entamer les préparatifs pour déclarer le djihad.

La cause directe reste néanmoins l’affront subi par Si El Foudhil et certains membres de la famille des Ouled Sidi Cheikh le 29 Janvier 1864 sur la place d’El Bayadh par le biais de l’officier du Bureau Arabe.

Première étape : 1864-1867

Après avoir obtenu l’accord des cheikhs de la zaouia et l’adhésion d’un nombre considérable de partisans et alliés, Si Slimane proclama la guerre sainte et chargea Si El Foudhil de mobiliser et contacter les tribus et les adeptes de la tariqa el Bouchikhia disséminés aux confins du Sahara.

Le 08 Avril 1864, la résistance fut déclenchée contre le campement de l’armée française sur la colline d’El Aouina Boubakeur à l’est d’El Bayadh ; ce qui provoqua le trouble et la peur dans les rangs des troupes françaises. Par ailleurs, Si Slimane s’empara du Colonel Boubrit et le tua mais il fut, de son côté, abattu par les soldats français.

Cette victoire a eu un impact positif au sein des tribus qui s'empresserent de rejoindre les rangs de la résistance, notamment après avoir appris la mort de nombreux officiers français parmi lesquels nous citerons le colonel Boubrit, le capitaine Isnard, le capitaine du bureau arabe à Tiaret, l’interprète Cabissot , le capitaine des spahis Thibault ainsi que son sous-lieutenant Perrin et le lieutenant des chasseurs Beaupied.

Après la mort au champ d’honneur de Si Slimane Ben Hamza, Si Mohamed fut désigné par les siens pour les diriger et se fit assister, en raison de son jeune âge, par ses oncles paternels Si Zoubir et Si Laâla. Ce dernier était connu pour sa vivacité et son expérience dans la direction des affrontements ainsi que pour ses capacités de mobilisation.

La résistance fut renforcée le 17 avril par le ralliement de la tribu des Ouled Chaïb de la daïra de Boghar dirigés par l’agha Naïmi fils de Djedid, avec environ cinq cent cavaliers qui venaient de lancer une attaque surprise contre un camp militaire français, en mission d’espionnage et de collecte d’informations sur les mouvements des combattants. Au cours de cette attaque, le lieutenant Ahmed Benrouila fut liquidé ainsi que deux officiers français et 11 Spahis.

Compte tenu de ses développements, le général Yussuf s’empressa de mettre en place un bataillon à Boghar pour maîtriser les tribus insurgées et rétablir le calme.

Parmi les batailles les plus célèbres livrées par Si Mohamed Ben Hamza, il y eut celle d’Ibn Hatab, le 26 Avril 1864 contre le bataillon du Général Martineau qui se dirigeait vers El Bayadh.

Le 13 Mai 1864, eut lieu la bataille de « Stinine » entre les résistants dirigés par Si Mohammed et les troupes de l’ennemi commandées par le Général Deligny, au cours de laquelle les combattants avaient perdu de nombreux hommes ; ce qui amena si Mohammed à se retirer vers le Sud et permit au général Deligny de se venger des populations isolées.

Profitant de la vague de chaleur sévissant dans la région, les combattants s’emparèrent des postes français et donnèrent une leçon aux tribus alliées au colonialisme. Ils attaquèrent Frenda le 12 Juillet 1864 pour punir les traîtres mais les autorités françaises avaient renforcé leurs positions en équipant cinq patrouilles parmi lesquelles celle du Général « Lugrun » et « Déligny-Martineau » ainsi que celle de « Jolie-vue ».

Cependant, cela n’empêcha pas les insurgés de lancer, le 30 septembre 1864 sous la direction de Si Mohamed, une attaque contre la patrouille du Général "Jolie-vue" basé à Aïn El Beïda, lui infligeant des pertes sérieuses.

Suite à cela, le gouvernement français donna des instructions au Général Deligny et au Général Yussuf pour briser le siège sur ces régions et Chanzy fut chargé de poursuivre les combattants. Le Général Deligny établit son camp à El Bayadh pour encercler les combattants et surveiller leurs mouvements.

C’est ainsi qu’eut lieu la bataille de la grotte de Sidi Cheikh le 4 février 1865, au cours de laquelle Si Mohamed Ben Hamza fut blessé, décédant des suites de ses blessures le 22 février de la même année. Son frère Si Ahmed fils de Hamza lui succéda et compte tenu de son jeune âge, c’est Si Bouzid qui se chargea d’organiser la résistance durant l’année 1865.

L’année 1866 fut marquée par de nombreux affrontements, batailles au cours desquelles le colonel « De colombe » s’illustra par quelques victoires en raison de son expérience et sa connaissance des régions sahariennes, dont la plus importante fut la bataille de Chellala en Avril 1866

Deuxième étape : 1867 -1881

Les dernières défaites n’entamèrent en rien la volonté des Ouled Sidi Cheikh de poursuivre la résistance ; bien au contraire, les combattants se regroupèrent au sud et aux frontières algéro-marocaines pour reprendre les combats suivant la méthode d'attaque et repli, afin d'arriver à bout des troupes françaises dont l'importance rendait impossible le combat selon les techniques de l’affrontement.

La période située entre 1867 et 1869 est considérée comme une période terrible pour l’Algérie puisqu’elle a connu des crises successives telles que la famine et les épidémies en plus d'une invasion de criquets. Les pertes humaines parmi les autochtones furent considérables mais en dépit de cela, la résistance s’est poursuivie à partir des frontières, même si c'est avec moins d'ardeur.

Après son décès en octobre 1868 à Tafilalet, Si Ahmed Ben Hamza fut remplacé par Si Kaddour ben Hamza qui réussit à unifier les rangs des Ouled Sidi Cheikh et à organiser la résistance. C’est à son époque qu’eut lieu la bataille d’Oum Debadeb, près de Aïn Madhi en février 1869 dont l’ennemi sortit vainqueur ; ce qui l’a poussé à renforcer sa présence dans la région.

De nombreuses missions furent envoyées parmi lesquelles la mission « Wimpfen » qui a pu frapper la tribu Hamiane le 19 mars.

Le cours des évènements en France et en Europe, notamment la défaite de la France face à la Prusse en 1870, la chute du régime impérial, l’avènement de la IIIème République Française ont influé positivement sur la résistance et encouragé à persévérer.

Parmi les batailles les plus célèbres qui furent livrées, il y eut la bataille de Makoura, le 17 Avril 1871 au cours de laquelle plus de deux cents résistants avaient trouvé la mort. Cependant, elle ne put égaler la résistance d’El Mokrani et du Cheikh El Haddad.

Le 23 décembre, le général « Osmante » a fini par rejoindre Si Kaddour ben Hamza qui avait pénétré les rangs des troupes françaises avec beaucoup de courage vers le Tell et le toucha lors de la bataille de « Mikoub » mais il s’enfuit avec son oncle Si Laala.

C’est ainsi que cette bataille peut être considérée comme le coup de grâce donné à la résistance des Ouled Sidi Cheikh de l’Est puisque ce fut leur dernière bataille contre l’occupation française.

Cependant les autorités françaises ne respectèrent pas leur engagement et il fut emprisonné à Lambèse pendant cinq ans pour être ensuite libéré . Il opta pour l’exil avec certains membres de sa famille et de ses partisans et passa le reste de sa vie à Damas jusqu'à sa mort de Mai 1883.


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