Algérie

La Révolte de 1871 attribuée à tort à Al Mokrani ?



La Révolte de 1871 attribuée à tort à Al Mokrani ?
Quel rôle a eu réellement Al Mokrani dans la révolte de 1871 ? Les avis à ce propos divergent. Le chercheur Ali Farid Belkadi bouscule ici certaines informations historiques. Et vous qu'en pensez-vous ?

C’est bel et bien Lakhdar Al-Mokrani accompagné de son frère Boumezrag qui a assassiné Boubaghla (colonel Nil Robin). Une autre version attribuée à un géomètre français qui travaillait non loin de là, le confirme. Une péripétie parmi d’innombrables autres. La lettre manuscrite de Lakhdar Al-Mokrani adressée à l'officier Dargent, est à verser au débat, mais pas dans le cadre de cet article. Des photos ont été prises du crâne de Boubaghla, qui au moment où j’écris ces lignes, gît toujours dans une boîte. Les sources indispensables à la compréhension de l’époque sont consignées dans Le "Rapport établi au nom de la Commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la défense nationale". Publié à Versailles, par Cerf et fils, en 1875, connu sous le nom du député De la Sicotière Tome I, II, III., 890 pages, (que j’ai acquis chez un bouquiniste à Paris). Ce rapport saisissant détaille longuement le rôle joué par les Al-Mokrani aux cotés du corps expéditionnaire français. Les députés, les ministres et les militaires français de l’époque débattent au fil des pages de l'insurrection de 1871. Les militaires qui témoignèrent dans ce rapport du député De la Sicotière confirment par ailleurs les affirmations du colonel Rinn concernant l’insurrection de 1871 qui fut attribuée à tort à Al-Mokrani. En fait le véritable meneur fut Mohand Ou-Ali Belkadi qui enflamma les khouans de la Kabylie. Voici ce qu’écrit le colonel Rinn : « En réalité, celui qui, dès le 10 avril, commença à soulever les indigènes de la région, alors que le caïd Ali était encore dans le devoir, fut le prédicateur Mohand ou-Ali Belkadi de Bou-Hinoun (Béni Zmenzer). Son influence était absolue dans tout le pâté montagneux des Beni-Aïssi, et Cheikh-el-Haddad avait en lui un agent aussi habile que dévoué. Mohand-ou-Ali Belkadi était un prédicateur exalté et entraînant; il avait une véritable éloquence, et, de plus, il était depuis longtemps aimé et estimé dans le pays, en raison de sa charité et de ses vertus privées. Au début, ce fut surtout contre Ali-Oukaci qu’il excita les gens, en disant qu’il fallait commencer par débarrasser le pays de tous les « mtournine» ou renégats qui servaient les Français, alors que la volonté de Dieu était si manifestement hostile aux chrétiens ».

Mohand Ouali Belkadi, dont l’histoire est encore contée en Haute Kabylie, jusqu’à nos jours, fut entièrement dévoué au Cheikh Ahaddad, le chef de la Rahmaniya. Aziz le fils, fut le compagnon d’arme de Mohand Ou-Ali Belkadi, ce dernier sera pris les armes à la main et condamné au bagne comme beaucoup d'autres insurgés kabyles, il est d’abord écroué à la prison d’El-Harrach (Alger) où il passera cinq ans. Le député Warnier qui avait ses entrées chez les Al-Mokrani, dira dans sa déposition à propos de Boumezrag Al-Mokrani, qu’il connaissait parfaitement : « C’est un Arabe plus que complet. Il a gardé tous les vices de sa race et il y a ajouté les vices de la civilisation française ».

Pour plus de compréhension sur les déloyautés diverses des Al-Mokrani, envers leurs compatriotes, nous citerons d’abord l'Emir Abdelkader. Lorsque celui-ci apprit par Abdesselam le passage des «Portes de Fer» par les troupes françaises, contrairement aux engagements pris par la France lors de la signature du Traité de la Tafna il lui écrivit : "La rupture vient des chrétiens. Votre ennemi est devant vous, retroussez comme il faut vos vêtements et préparez-vous au combat. De toutes parts le signal de la guerre sainte est donné. Vous êtes l'homme de ces contrées, je vous ai placé là pour en fermer les issues. La victoire s'il plaît à Dieu couronnera notre persévérance". L'Emir Abdelkader, habituellement réservé, prononça une terrible malédiction contre les AI-Mokrani : "Que leurs vœux ne soient jamais exaucés. Que leur prière ne soit Jamais accueillie. Qu'ils vivent dans l'opprobre et la misère. Qu'ils tombent assez bas pour qu'un misérable juif puisse les soumettre à son pouvoir". L'Emir Abdelkader fut ébranlé par la nouvelle du ralliement des Al-Mokrani aux troupes du corps expéditionnaire français, commandés par le duc d'Orléans.

Un peu plus de trois siècles auparavant, en 1518, Abou Al-Abbas Ahmed Belkadi (qui deviendra en 1520 roi d’Alger, après avoir chassé Khaïr-Eddine de la ville) et Aroudj maudirent les Al-Mokrani pour leurs accointances avec les Espagnols qui occupaient Bougie. Les Al-Mokrani s’étaient alliés aux Espagnols, en gratitude, ceux-ci les équipèrent de mousquets et leur construisirent le fort de Bordj Kala’a. Ceci est dans le Ghazawât ‘Arûj wa Khayr al-Dîn de Jean-Michel de Venture de Paradis [1729-1799]), J. Angé, 1837, 2 vol., 374 et 426 p. réédit. Bouslama, Tunis, 1984.

Un mot encore : une croix figurait sur la bannière des Mokrani, où était également inscrit en lettres d'or un verset du Qoran : Nassroun min Allah wa fathoun qarib. "Un secours vient de Dieu et la victoire est proche", qu'ils brandissaient en allant faire la chasse à leurs compatriotes, dont Boubaghla décapité par eux, au nom de l'armée d'occupation française et de l’Algérie française.




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