La revendication égalitaire s'impose

Des femmes, jeunes et beaucoup moins jeunes, investissent depuis des semaines un espace public qui, dans un passé proche, leur était hostile. Si changement il devait y avoir, il ne se ferait sans doute pas sans que la question égalitaire soit posée. La rue l'impose déjà.Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Trop souvent considéré comme accessoire par certains, complètement inutile par d'autres, le combat égalitaire ne pourrait être plus longtemps ignoré. Le processus révolutionnaire en cours impose de fait la reconsidération des rapports hommes-femmes.
Le projet de société, qui n'a jusque-là pas été clairement tranché, ne se fera certainement pas sans que la problématique de l'égalité soit sérieusement posée. Les millions de femmes qui investissent les rues depuis des semaines côtoient de manière naturelle des hommes avec lesquels elle partagent un idéal commun. Nul n'oserait contester cette occupation de l'espace. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, ce même espace public n'était pas si accueillant, il était même très souvent hostile.
La présence féminine dans la rue est souvent à peine tolérée par certains qui n'hésitent pas à harceler la gent féminine et à lui rappeler que l'espace public ne leur appartenait pas. A ceux qui veulent réduire la question égalitaire à une problématique purement sociétale, les millions de femmes qui sortent chaque semaine à travers toutes les wilayas rappellent à l'Etat sa responsabilité en la matière. Ce sont les lois qui donnent le ton et en la matière le chemin est encore long. Le code de la famille a certes quelques fois été modifié mais ses dispositions sont encore loin de répondre aux aspirations égalitaires.
Si certaines dispositions infamantes ont été supprimées après des années de combat de femmes et d'hommes avides d'égalité, il porte en son sein les germes d'une société rétrograde. Il est surtout la résultante des trop grandes concessions à chaque fois accordées au courant islamiste qui ne peut s'empêcher de monter au créneau à chaque fois qu'une petite avancée est réalisée. Ces avancées sont très souvent le fruit d'un fragile consensus entre les forces progressistes et celles qui désirent résolument propulser le pays vers un modèle plus égalitaire.
Ces concessions ont eu pour conséquences des lois ambiguës où chaque avancée est suivie de reculade pour ne pas effrayer des forces effarouchées par le progrès.
Le processus révolutionnaire en cours impose que la question du projet de société soit réellement tranchée. Les équilibres précaires et les concessions trop nombreuses ne pourront plus satisfaire un pan entier de la société qui aspire enfin à ce que la lame de fond qui traverse la société ne soit pas travestie de sa trajectoire.
Il n'est pas question pour ces millions de femmes mais également d'hommes sortis dans la rue d'accepter davantage de lois édulcorées aux relents rétrogrades au nom d'un consensus qui se fait toujours au détriment du progrès. La revendication démocratique est, en effet, indissociable de celle égalitaire.
N. I.